EN IMAGES : Lumière sur la culture queer arabe à Paris
« Comme dans de nombreuses autres régions du monde, des luttes se jouent dans le monde arabe pour pouvoir exprimer librement son identité de genre et sa sexualité », explique-t-on à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris, qui souligne aussi combien les soulèvements populaires de ces dernières années « ont profondément bouleversé les sociétés et ont permis une amplification » du militantisme LGBTQI+.
Pour mettre en valeur les artistes qui « questionnent, témoignent, se battent en créant des œuvres bouleversantes, intimistes ou exubérantes, de résilience ou de lutte, sentimentales ou politiques, qui explorent leurs identités mais également leurs secrets, leurs émotions, leurs souvenirs et leurs rêves », l’IMA leur consacre, à partir de ce mardi 27 septembre jusqu’au 19 février 2023, une exposition sur 750 mètres carrés : « Habibi [mon amour], les révolutions de l’amour »
Photo : Camille Lenain. Lalla Rami, Boulogne, 2020. Tirage moderne © Camille Lenain
Photo d’ouverture : Soufiane Ababri Bed Work, 2022. Dessin aux crayons de couleurs sur papier, 50x65cm Courtesy de l’artiste et de la galerie Praz-Delavallade Paris, Los Angeles © Philippe Fuzeau
Au total, 23 artistes (peintres, photographes, plasticiens, illustrateurs…) issus du Maghreb, du Machrek, d’Iran et d’Afghanistan mais aussi de la diaspora sont exposés.
L’exposition entend « rendre visible une évidence et ce qui est trop longtemps resté invisible », soit le bouillonnement culturel du monde arabe sur ces questions, assure son président Jack Lang à l’AFP.
Photo : Léa Djeziri. Extrait colorisé de l’ouvrage Shift, ici et maintenant, 2019. Planche originale de bande dessinée, 21x29,7 cm. Collection de l’artiste © Léa Djeziri
« L’idée, c’est de présenter au public ce foisonnement autour de ces thématiques et le fait qu’on est sur une jeune génération qui se saisit de ces sujets et qui en fait la source première de ses créations », explique à l’AFP Élodie Bouffard, commissaire de l’exposition.
Un foisonnement qu’on retrouve dans le 7e art avec les films Le Bleu du caftan sur l’homosexualité au Maroc ou Joyland, film pakistanais porté par une actrice transgenre. Tous deux ont été présentés au dernier Festival de Cannes.
La littérature n’est pas en reste : en témoigne le livre La Petite Dernière de l’écrivaine française Fatima Daas, sur son refus de choisir entre son homosexualité et sa foi musulmane, qui avait été un événement de la rentrée littéraire il y a deux ans.
Photo : Chaza Charafeddine L’Ange Gardien I, Divine comedy series, 2010 Typographie : « AngeTobias », c.a. 1590, signé Hosein. Tirage moderne ; 150x100 cm © 2010, Chaza Charafeddine
Reste que si ces questions traversent le monde arabe, elles demeurent extrêmement taboues et l’homosexualité encore largement réprimée, parfois de la peine de mort comme en Iran ou en Arabie saoudite.
En juin, le film d’animation Pixar, Buzz l’éclair, n’a pas obtenu de licence pour être diffusé dans une douzaine de pays ou entités du Moyen-Orient et d’Asie, notamment l’Égypte et l’Arabie saoudite, en raison d’une scène montrant un baiser furtif entre deux femmes.
Photo : Ridikkuluz. Sultana applying Nivea before Bed, 2021. Peinture à l’huile, 122 cm x 147 cm. Courtesy de l’artiste
« On a conscience que cette exposition est quelque chose d’assez unique tant sur le plan international que régional », souligne auprès de l’AFP Khalid Abdel Hadi, co-commissaire de l’exposition. Ce Jordanien a fondé en 2007 le webzine My.Kali dédié à faire entendre les voix de la communauté queer du monde arabe.
L’un des fils conducteurs de l’exposition est de documenter, par l’intime, les récits d’exil et les expériences de la diaspora. Comme la série photographique en noir et blanc du Soudanais Salih Basheer restituant le périple d’Essam, qui a quitté le Soudan pour l’Égypte avant de trouver refuge en Suède.
Photo : Salih Basheer. The home seekers, Essam, 2018-2022. Photographie, 40 x 60 cm. Collection de l’artiste © Salih Basheer
Ou encore les clichés de Fadi Elias qui tire le portrait de Syriens réfugiés en Allemagne. Jouant sur le flou, ses photos soulignent par leur ambiguïté la difficulté d’assumer publiquement son identité sexuelle.
Photo : Fadi Elias. Série « 520 », 2020-2022. Photographie © Fadi Elias
Aux récits sur l’exil, s’ajoute la nécessité de documenter une mémoire. Ce travail minutieux est notamment porté par le photographe libanais Mohamad Abdouni qui a recensé, dès les années 1990, les histoires et vies de femmes trans.
Photo : Photographe non identifié. Photographie d’Em Abed lors d’un voyage à Aaqoura, Kesrouane, au Liban, date inconnue. Tirage par procédé chromogène, 10.1 x 15 cm. 0305cc - Collection Cold Cuts, avec l’aimable autorisation de la Fondation arabe de l’image, Beyrouth
« Collecter, archiver, c’est aussi dire qu’on est là, qu’on existe et montrer qu’on fait partie prenante de la société », confie à l’AFP la Tunisienne Aïcha Snoussi.
Dans « Sépulture aux noyé·e·s », l’artiste imagine un lieu de sépulture appartenant à une civilisation queer dont les vestiges auraient été engloutis par la Méditerranée.
Photo : Aïcha Snoussi. Béton cellulaire, bouteilles en verre, eau, papier, encres à base d’alcool et de laine noire calcinée, éléments organiques. 2,5 m de haut et 3 m 15 de diamètre. Courtesy de l’artiste et de la galerie La La Lande © Marc Domage
La question des corps est aussi omniprésente. Elle est en partie portée par l’artiste iranien, exilé en France, Alireza Shojaian. Dans ses tableaux, les hommes sont placés dans des poses lascives et vulnérables, aux antipodes des codes habituels de la virilité. Le tout sur une composition orientaliste reprenant des miniatures persanes.
Photo : Alireza Shojaian. Sous le ciel de Shiraz, Arthur, 2022. Toile, Peinture acrylique et crayon de couleur sur bois. 80 x 60 cm. Courtesy de l’artiste et de la galerie La La Lande © Alireza Shojaian
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