Un prix prestigieux pour une série de photos sur les hommes dans le monde arabe
Ils s’appellent Yahia, Nabil, Omar, Hamedo ou Hazem. Ils habitent au Caire, à Alger ou à Ramallah. Et tous ont accepté de poser devant l’objectif de la photographe française Scarlett Coten, qui vient de remporter pour cette série déroutante le prix Leica Oskar Barnack 2016, remis le 28 septembre à Berlin.
« Je suis heureuse que ce sujet sur les hommes des pays arabes, pays que j'aime et qui m'ont portée, soit récompensé dans une période où ce sujet d'actualité est sensible », a déclaré la photographe à Middle East Eye.
Les pays arabes sont au cœur de sa pratique photographique, qui explore les thèmes de l’identité et de l’intimité, depuis les années 2000. Son livre Still alive (Actes Sud, 2009) retrace son aventure à travers le désert du Sinaï en Égypte, où elle a partagé pendant trois années la vie des bédouins.
En 2012, un an après les révoltes arabes, Scarlett réfléchit à un nouveau projet. « J’avais envie de savoir qui étaient ces hommes de cette jeune génération qui revendiquait davantage de libertés individuelles, une volonté de voir changer les relations homme-femme. J’avais envie de questionner la réalité derrière les clichés », explique-t-elle. Ainsi mûrit Mectoub (jeu de mot à partir de l’expression arabe mektoub, c’est écrit).
Au fil des rencontres, la photographe découvre « des hommes en rupture avec les traditions patriarcales ». Et même s’ils ne sont pour l’instant qu’une minorité, « ils existent et on ne pourra pas revenir en arrière ».
Elle devient aussi leur confidente. « À leur manière, ils m’ont tous fascinée, leur histoire m’a touchée. Ils savent qu’ils montrent leur image au monde, qu’il est possible de dire pour eux ce qu’ils sont, et que, si on ne les reconnaît pas dans leur propre pays, ailleurs, ils peuvent trouver une forme de considération. Je crois que la mondialisation est étroitement liée à l’émergence d’une nouvelle forme de masculinité, dans les pays arabes comme partout dans le monde. »
La photographe en est persuadée : les mentalités évoluent et on ne peut rien contre cela. « Même dans les pays où il n’y a pas eu de révolution, les hommes aspirent également à plus de liberté. »
D’un point de vue artistique, la démarche de Scarlett est subversive. « Une femme qui invite des hommes à poser bouleverse, je crois, des schémas profondément inscrits : poser est culturellement un acte féminin, ou efféminé, diriger est masculin. Ce renversement des rôles habituels, entre celui qui pose et celui qui dirige, inverse le principe de séduction classique », confie-t-elle.
« Ce sont des portraits d’hommes faits par une femme, qui engage ces hommes à s’abandonner et à accepter que cela leur échappe alors qu’ils en connaissent l’ambiguïté. Il y a toujours une ambivalence, une lutte entre abandon et résistance. Ce faisant, j'aimerais inviter le spectateur à reconsidérer la suprématie du regard masculin dans l’histoire de l’art. »
Les photos de « Mectoub » seront exposées au Grand Palais (stand Leica) à Paris du 10 au 13 novembre.
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