Chameaux de Noël et gâteau alcoolisé : six traditions festives du monde arabe
Les communautés chrétiennes qui vivent au Moyen-Orient sont les plus anciennes au monde, beaucoup peuvent retracer les origines de leur foi à la naissance de cette religion dans ce qui est aujourd’hui la Palestine, Israël et la Syrie.
Certains chrétiens dans des régions d’Irak et de Syrie parlent encore des dialectes de l’araméen que Jésus aurait parlé.
C’est en Égypte que vit la plus grande population chrétienne, ils constituent 10 à 20 % de la population (soit jusqu’à 20 millions de personnes).
Si la plupart des chrétiens égyptiens appartiennent à l’Église copte orthodoxe, on recense de nombreuses confessions catholiques, ainsi que des Églises orthodoxes grecques et protestantes.
Les célébrations de Noël sont donc multiples, certaines Églises dont l’Église copte ont même leur propre calendrier et marquent l’occasion à une date différente des autres chrétiens.
Sans parler des divergences locales, relevant davantage de la culture que de la doctrine religieuse. Par exemple, les chrétiens du Liban se souhaitent « Aïd milad majid » (glorieuse fête de la naissance) et célèbrent l’occasion en grande pompe, tandis qu’en Syrie et en Irak, les familles célèbrent Noël de manière plus feutrée avec leur famille proche et leurs amis.
Middle East Eye se penche sur certaines traditions associées à Noël dans le monde arabe.
1. Chameaux de Noël, Syrie
Pas de père Noël descendant par la cheminée pour distribuer les cadeaux ni de rennes pour les Syriens. C’est un chameau de Noël qui a cet honneur particulier.
Selon la tradition, ce sont des chameaux qui ont amené les Rois Mages à Bethléem. En voyant les animaux épuisés par le voyage, l’enfant Jésus les aurait bénis en leur accordant la vie éternelle.
Depuis lors, le chameau endosse le rôle du père Noël pour s’assurer que les enfants sages reçoivent leurs cadeaux.
Pour l’accueillir, les enfants remplissent des chaussures de foin et sortent des bols d’eau la veille de Noël.
La chrétienté syrienne remonte aux origines de la religion et le pays a été témoin de l’épiphanie de l’apôtre saint Paul qui aurait reçu la visite de Jésus sur le chemin de Damas.
Aujourd’hui, les chrétiens en Syrie appartiennent aux Églises orthodoxes orientales, notamment grecque et syriaque, mais il y a également des communautés catholiques et chaldéennes.
Les chrétiens représentaient 10 % des 25 millions de Syriens avant le début de la guerre civile dans le pays en 2011.
Ici aussi, comme dans d’autres communautés orthodoxes orientales, de nombreux chrétiens jeûnent 40 à 43 jours pour se préparer à Noël.
Les fidèles renoncent aux produits laitiers, à la viande, aux œufs et au poisson, rompant le jeûne la veille de Noël avec un festin de plats levantins.
Noël est fêté le 7 janvier et est aussi appelé Laylat al-Qadr, nuit du pouvoir, par la population.
2. Feux de joie, Irak
Les chrétiens d’Irak sont l’une des plus anciennes communautés chrétiennes du monde, avec une présence depuis au moins le IIe siècle. Les groupes les plus importants sont les Chaldéens, qui sont catholiques, et les Assyriens.
Les chiffres exacts sont difficiles à établir, la communauté était autrefois composée de millions de personnes. Aujourd’hui, ils seraient moins d’un million dans le pays en raison de l’invasion américaine et de l’essor du groupe État islamique.
Tradition de Noël spécifique à l’Irak, qu’on trouve parfois aussi en Syrie : le feu de joie à base de branches épineuses sèches.
Le feu est allumé quand les enfants terminent le récit de la nativité, lu à la lueur d’une bougie dans le livre des Psaumes. Les bougies servent ensuite à allumer les branchages.
Selon la tradition, si les épineux brûlent complètement et se transforment en cendres, l’année à venir sera favorable.
Une fois les flammes éteintes, chaque membre de la famille saute par-dessus les cendres trois fois et fait un vœu.
Des biscuits fourrés aux dattes, les klecha, sont appréciés et échangés pendant les fêtes.
3. Gâteau aux fruits infusé à l’alcool, Jordanie
La Jordanie abrite plusieurs sites bibliques, dont le mont Nébo, où selon l’Ancien Testament, Moïse a regardé vers la terre promise et Jean-Baptiste a peut-être effectué des baptêmes.
Environ 8 % de la population jordanienne est chrétienne, soit quelque 800 000 personnes, la plupart appartenant à l’Église orthodoxe orientale.
Parmi les autres confessions chrétiennes du pays figurent les catholiques grecs, les catholiques romains et les protestants.
Une des traditions jordaniennes pour Noël consiste en la préparation d’un gâteau copieux et collant, garni de fruits secs et de noix et infusé à l’alcool.
Le gâteau alcoolisé pourrait avoir été un moyen de conserver les fruits dans des liqueurs comme le brandy et le rhum, parfois remplacés par de l’arak, un spiritueux local à base d’anis.
Les préparations pour ce gâteau commencent plusieurs semaines avant Noël, à partir du dernier dimanche avant l’Avent – qui lance le compte à rebours de 40 jours avant Noël.
Dans une série d’étapes au fil des semaines, le mélange est remué, infusé à l’alcool, puis cuit pour être consommé la veille de Noël.
4. Légumineuses germées, Liban
Noël au Liban est une affaire sérieuse, de somptueuses décorations illuminent les rues et les maisons au début du mois des fêtes.
Il y a un peu plus de deux millions de chrétiens au Liban, soit environ un tiers de la population. Toutefois, la part de chrétiens libanais dans la diaspora est bien plus élevée.
La plupart sont des catholiques maronites, une Église apparue en 1736 après la fusion de l’Église maronite, basée sur les enseignements d’un ermite syrien du IVe siècle nommé saint Maron, et de l’Église catholique.
Les chrétiens orthodoxes orientaux représentent également une population importante dans le pays.
Bien que les Libanais aient adopté la coutume des arbres de Noël, c’est la tradition levantine d’une crèche décorée de pousses vertes qui est spécifique à la région.
Deux semaines avant Noël, diverses légumineuses, y compris les pois chiches, les lentilles et les haricots, sont trempées et cultivées sur du coton humide.
Les pousses commencent à germer quelques semaines plus tard, juste à temps pour Noël. Les touffes de vert symbolisent la naissance et la vie et décorent les crèches.
Dans de nombreuses traditions du Moyen-Orient, ce n’est pas dans une étable que Joseph, Marie, et Jésus se sont réfugiés, mais dans une grotte.
Les pousses vertes peuvent également être utilisées pour décorer les autels des églises, les maisons et la table du déjeuner de Noël.
Au dîner de Noël sont servis des plateaux remplis de kibbeh bil sayinyyeh, un plat national d’agneau haché cuit au four avec du boulgour et des épices.
Une dinde farcie fait parfois son apparition, mais au lieu d’un mélange de sauge et d’oignon, elle est farcie d’un riz à la cannelle épicé.
Pour couronner les festivités, on sert souvent du meghli, un riz au lait à l’anis et à la cannelle.
5. Défilé de Noël, Palestine occupée
Bethléem, Bayt Lahm en arabe, est à une dizaine de kilomètres au sud de Jérusalem et est connue comme le lieu de naissance de Jésus.
C’est ici qu’un service religieux annuel a lieu à Noël en l’église de la Nativité, construite à l’endroit où Jésus serait né.
Les fêtes commencent par une joyeuse parade qui défile dans les rues principales de la ville lors du réveillon. Plus tard, un service est célébré avant minuit par l’évêque catholique romain de Jérusalem.
Les groupes de scouts locaux participent généralement à la parade, jouant des instruments comme la cornemuse, tandis que les passants s’arrêtent pour admirer la scène.
Beaucoup de personnes du monde entier viennent à Bethléem pendant la période de Noël pour assister à ce défilé.
Aujourd’hui, on estime à 47 000 le nombre de chrétiens vivant dans les territoires occupés – une fraction à Gaza et les autres en Cisjordanie.
La plupart suivent le rite orthodoxe oriental, mais il y a aussi des catholiques et des protestants.
La fête de Noël palestinienne comprend généralement de l’agneau rôti ou de la dinde et du qedreh, un plat de riz et d’agneau, avec beaucoup de pois chiches et des gousses d’ail entières.
Le sahlab, une boisson chaude et sucrée composée d’eau de rose et de noix, est également apprécié pour se réchauffer l’hiver, servi avec des qatayef, une crêpe de semoule au fromage frit.
6. Jeûne, Égypte
L’Église copte s’est séparée des autres Églises chrétiennes en l’an 451 mais demeure similaire à l’Église orthodoxe orientale sur le plan doctrinal.
Du fait des différentes confessions, Noël est célébré à deux dates. L’une est le 25 décembre pour les Églises non orthodoxes et l’autre le 7 janvier, célébrée par les chrétiens coptes.
Les chrétiens coptes participent au jeûne de la Sainte Nativité, pendant lequel ils s’en tiennent à un régime strictement végétalien pendant 43 jours avant Noël.
Ce jeûne explique pourquoi beaucoup de chrétiens choisissent le fatteh pour leur festin de Noël, un plat populaire alternant couches de pain et de riz trempé dans du bouillon d’agneau et garni de morceaux d’agneau et d’une sauce à l’ail et au vinaigre.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].