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Une série sur le calife omeyade Muawiya provoque la polémique

La controverse entre chiites et sunnites s’est invitée dans le débat houleux qu’a provoqué cette nouvelle série saoudienne
L’acteur syrien Lojain Ismail dans le rôle du premier calife omeyade (Twitter)
L’acteur syrien Lojain Ismail dans le rôle du premier calife omeyade Muawiya (Twitter)
Par MEE

La série du Ramadan, produite par la chaîne saoudienne MBC, sur la personnalité de Muawiya ibn Abi Sufyan, premier calife omeyade, a déjà commencé à créer la polémique avant même sa diffusion.

C’est ce que rapportent plusieurs sites d’information du Moyen-Orient concernant le débat qu’a provoqué cette production d’un budget de 100 millions de dollars. Dès la diffusion de l’information, les réseaux sociaux se sont enflammés contre ou pour la programmation de cette série historique.

L’une des premières personnalités à ouvrir les hostilités a été le leader chiite irakien Moqtada al-Sadr qui, dans un tweet daté du 25 févier, a « conseillé » à MBC de ne pas diffuser cette série sur Muawiya, qualifiant ce compagnon du prophète Mohammed de « tête de la discorde intercommunautaire [entre sunnites et chiites] ».

« Évitez de blesser les sensibilités de vos frères musulmans partout dans le monde »

- Moqtada al-Sadr, leader chiite irakien

« C’est le premier qui a insulté les compagnons du prophète, le premier qui a désobéi au plus grand imam de son temps [Ali, cousin et gendre du prophète, considéré par les chiites comme le premier imam et l’ascendant du reste des imams] et qui a brisé l’unité des musulmans », a twitté Sadr. Selon lui, la diffusion de cette série est « contraire aux nouvelles politiques modérées de l’Arabie saoudite ».

« Évitez de blesser les sensibilités de vos frères musulmans partout dans le monde », conclut le dignitaire religieux irakien.

Quelques heures après ce tweet, l’Instance irakienne de radio et télécommunications a annoncé l’interdiction de la diffusion de la série sur Muawiya, mais aussi celle d’une autre série, irakienne celle-là, Abu Lou’Lou’a, du nom d’un personnage qui aurait assassiné le calife Omar Ibn al-Khattab.

Plusieurs dignitaires chiites en Irak ont en effet vu dans la diffusion de cette dernière série une « réponse inadéquate » à celle sur Muawiya, et une manière de provoquer une violente discorde.

Les sunnites considèrent Omar comme le deuxième des « califes bien guidés » (rashidun) après Abou Bakr, tandis qu’à l’opposé, les chiites voient son élection comme un coup d’État visant à empêcher la prise de pouvoir de Ali.

Des sites d’informations vont même jusqu’à affirmer que MBC va prochainement annoncer l’annulation de la diffusion de la série sur Muawiya.  

La grande discorde

Le « risque » de violentes discordes dans le monde musulman dont prévient Moqtada al-Sadr est lié à la période historique que voudrait traiter cette série.

Celle-ci, appelée al-fitna al-kubra, ou la grande discorde, s’ouvre sur l’assassinat du troisième calife, Othman Ibn Affan, en 656 à Médine, suivi de la désignation de Ali ibn Talib comme successeur, le refus de Muawiya, gouverneur de Damas, de le reconnaître en tant que tel et sa décision de châtier les assassins d’Othman, marquant le début de graves troubles et batailles entre musulmans.

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Muawiya, après l’assassinat de Ali, devient le premier calife d’une dynastie qu’il fonde, les Omeyades, abolissant l’élection du calife et rendant le califat héréditaire au sein de sa famille.   

Cette période marque donc la naissance du schisme entre sunnites et chiites et constitue une fixation politico-religieuse explosive entre les deux courants majeurs de l’islam.

Et si les dignitaires irakiens s’inquiètent aujourd’hui, c’est parce que le pays ne peut oublier la terrible guerre civile qui a ravagé le pays entre 2006 et 2009, et les tueries entre groupes chiites et sunnites. 

Depuis plusieurs années, des autorités religieuses sunnites et chiites ont tenté d’apaiser ces éternelles discordes, comme par exemple en interdisant, dans certains prêches, les insultes et vilipendes contre les compagnons du prophète (ou membres de sa famille).   

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