Aller au contenu principal

Un Libano-Canadien condamné à la prison à vie en son absence pour l’attentat à la bombe contre une synagogue de Paris en 1980

Le professeur de sociologie Hassan Diab risque une deuxième extradition à la suite de la décision du tribunal français, tandis que le Premier ministre canadien jure de « défendre les Canadiens et leurs droits »
Le professeur de sociologie libano-canadien Hassan Diab, ici lors d’une conférence de presse en 2018 après son retour au Canada, a été condamné à perpétuité dans le procès de l’attentat à la bombe de la synagogue de la rue Copernic (Lars Hagberg / AFP)
Le professeur de sociologie libano-canadien Hassan Diab, ici lors d’une conférence de presse en 2018 après son retour au Canada, a été condamné à perpétuité dans le procès de l’attentat à la bombe de la synagogue de la rue Copernic (Lars Hagberg / AFP)
Par MEE

Un professeur de sociologie libano-canadien a été condamné par contumace par un tribunal de Paris pour l’attentat à la bombe contre une synagogue de la capitale française en 1980, et pourrait être extradé pour la deuxième fois en moins de 10 ans.

Hassan Diab, aujourd’hui âgé de 69 ans et résidant au Canada, risque la prison à vie en France à la suite de la décision de justice de vendredi. Mais lui et ses partisans demandent qu’Ottawa rejette toute nouvelle demande d’extradition.

« Nous serons toujours là pour défendre les Canadiens et leurs droits »

- Premier ministre canadien Justin Trudeau

« Nous examinerons attentivement les prochaines étapes de ce que le gouvernement français choisit de faire, ce que les tribunaux français choisissent de faire. Mais nous serons toujours là pour défendre les Canadiens et leurs droits"», a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau lors d’une conférence de presse à la suite de la décision de justice.

Un tribunal de Paris a suivi vendredi la demande des procureurs, qui réclamaient la peine maximale contre le Libano-Canadien ; dans leurs réquisitoires, ces derniers ont déclaré qu’il n’y avait « aucun doute possible » sur la responsabilité de Diab, qui figure comme le seul suspect.

S’adressant aux journalistes à Ottawa, Diab a qualifié le verdict de « kafkaïen » et « d’injuste ».

« Nous espérions que la raison l’emporterait », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il s’attendait à ce que le Canada ne le renvoie pas en France pour y purger sa peine.

Attaque sur le sol français

En début de soirée du 3 octobre 1980, des explosifs posés sur une moto explosaient près d’une synagogue de la rue Copernic dans le 16e arrondissement de Paris, tuant un étudiant passant à moto, un chauffeur, un journaliste israélien et un gardien.

Quarante-six autres personnes étaient blessées dans l’explosion.

L’attentat à la bombe était la première attaque meurtrière contre une cible juive sur le sol français depuis la Seconde Guerre mondiale.

Cette photo d’archive datée du 3 octobre 1980, a été prise après l’explosion d’une bombe devant une synagogue rue Copernic à Paris (AFP/Georges Bendrihem)
Cette photo d’archive datée du 3 octobre 1980, a été prise après l’explosion d’une bombe devant une synagogue rue Copernic à Paris (AFP/Georges Bendrihem)

Aucune organisation n’en a revendiqué la responsabilité, mais la police a soupçonné un groupe dissident du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).

En 1999, des agents du renseignement français ont accusé Diab d’avoir fabriqué la bombe de 10 kg. 

Ils ont souligné la ressemblance de Diab avec des croquis de la police dessinés à l’époque et des analyses d’écriture qui, selon eux, l’ont identifié comme la personne ayant acheté la moto utilisée lors de l’attaque.

Ils ont également produit un élément de preuve contre lui, un passeport à son nom, saisi à Rome en 1981, avec des tampons d’entrée et de sortie d’Espagne, d’où le plan d’attaque aurait été préparé.

Deuxième extradition possible

En 2014, le Canada a extradé Diab à la demande des autorités françaises.

Cependant, les juges d’instruction n’ont pas été en mesure de prouver sa culpabilité de manière concluante au cours de l’enquête et Diab a été libéré, quittant la France pour le Canada en 2018.

Trois ans plus tard, un tribunal français a annulé la décision et ordonné que Diab soit jugé pour meurtre, tentative de meurtre et destruction de biens en relation avec une entreprise terroriste.

Les autorités françaises n’ont pas émis de nouveau mandat d’arrêt international contre Diab, lui laissant le soin d’assister ou non à son procès.

« Quinze années d’injustice surréaliste pour Hassan Diab ont abouti à un verdict honteux par contumace. La justice est indispensable pour cet attentat à la bombe vieux de 42 ans ; elle ne se fera pas en prenant un innocent comme bouc émissaire »

- Alex Neve, ancien directeur d’Amnesty international Canada

Diab a affirmé qu’il passait des examens au Liban au moment de l’attaque, une version étayée par les déclarations de son ex-partenaire et d’anciens étudiants.

Sa condamnation signifie qu’il va à nouveau faire l’objet d’un mandat d’arrêt, ce qui risque d’attiser les tensions diplomatiques entre la France et le Canada après sa première extradition qui a duré six ans.

Diab a obtenu le soutien d’ONG, dont Amnesty International, qui a déclaré que son affirmation selon laquelle il se trouvait au Liban au moment de l’attaque était crédible.

L’ancien chef d’Amnesty international au Canada, Alex Neve, a qualifié la décision du tribunal de « honteuse ». 

« 15 ans d’injustice surréaliste pour Hassan Diab ont abouti à un verdict honteux par contumace. La justice est indispensable pour cet attentat à la bombe vieux de 42 ans ; elle ne se fera pas en prenant un innocent comme bouc émissaire », a tweeté Neve, appelant le Canada à refuser une nouvelle demande d’extradition française.

Pendant ce temps, David Pere, avocat de certaines des personnes présentes dans la synagogue au moment de l’attentat, a déclaré que ses clients n’étaient « pas mues par un esprit de vengeance » et « ne cherchent pas particulièrement un coupable, une tête que l’on voudrait promener au bout d’une piquer une pique... Ils veulent que justice soit faite ».

Traduit de l’anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].