Le projet de parc éolien israélien sur le plateau du Golan est du « greenwashing » de la colonisation
Tôt le 22 mai dernier, les autorités israéliennes – à savoir des centaines de policiers et plus d’une centaine de véhicules de police – ont fait irruption dans des vergers de cerises et de pommes situés sur des terres privées appartenant aux membres de la communauté druze syrienne dans le plateau du Golan occupé.
Les autorités ont par la suite bloqué toutes les routes menant aux champs afin de fournir à la société privée israélienne Energix Renewable Energies Ltd un accès et une protection pour y établir un parc éolien.
Le ministre israélien de la Sécurité nationale, le politicien d’extrême droite Itamar Ben Gvir, encourage vivement ce parc éolien, baptisant cette campagne « Vents du Golan » et affirmant que ce projet est nécessaire à l’économie israélienne. Il a insisté en outre sur le fait que le plateau du Golan occupé « a[vait] besoin d’une plus grande gouvernance israélienne ».
En l’espace de deux jours, la société a procédé à la construction des éoliennes tandis que la police israélienne lui servait de « garde du corps » protégeant son travail. Ce programme de développement a bien entendu été mené contre la volonté des citoyens syriens – propriétaires légitimes de cette terre.
En conséquence, beaucoup dans la région ont commencé à manifester contre le blocus de la police et le parc éolien. Le 21 juin, à 10 h heure locale (8 h GMT), la police israélienne a violemment réprimé les manifestants, ayant recours à une force excessive et des tirs à balles réelles, blessant gravement au moins cinq personnes dont le pronostic vital a été engagé.
Un « projet national »
En 2013, les autorités israéliennes ont lancé le programme de développement d’un parc éolien sur le plateau du Golan occupé, lequel a été déclaré « projet national » par l’administration israélienne d’aménagement et qui a permis au ministre des Finances de confisquer des terres privées pour développer la zone comme il le souhaitait.
Depuis lors, les citoyens syriens de cette région s’opposent vivement au projet sur des bases légales et culturelles. Des avocats et des organisations non gouvernementales ont soumis au nom de la communauté locale des centaines d’objections aux autorités israéliennes compétentes, justifiant leur opposition.
C’est le premier parc éolien créé sur des terres privées en Israël
Cependant, celles-ci n’ont pas pris leurs inquiétudes en considération et ont approuvé en 2019 le développement de 21 éoliennes sur des terres privées appartenant à des citoyens syriens. Il est important de noter que c’est le premier parc éolien créé sur des terres privées en Israël (qui compte plus de 500 parcs éoliens).
Selon le programme approuvé, le projet occupera une superficie totale de 3 674 dounams (367,4 hectares) répartis de la manière suivante : 3 644 dounams (364,4 hectares) pour le parc éolien en lui-même – suffisamment grand pour contenir des éoliennes jusqu’à 200 m de haut –, 20 dounams (2 hectares) de routes, 8 dounams (0,8 hectares) dédiés aux infrastructures et 1 dounam (0,1 hectare) réservé à l’armée et aux forces de police israéliennes.
Pourquoi cette opposition ?
Une majorité des habitants du plateau du Golan syrien, occupé lors de la guerre des Six Jours en 1967, ont été chassés vers l’est, en Syrie.
Après la guerre, il ne restait que cinq villages. Depuis, le gouvernement israélien a pris une multitude de mesures pour contrôler ce qui restait de la communauté locale et ses ressources, de manière similaire aux politiques imposées aux Palestiniens qui sont restés en 1948 lors de la Nakba : confiscation des terres, division inégale des ressources, apartheid et violences policières.
Pour les citoyens syriens locaux, il apparaît clairement avec cette histoire que, encore en 2023, un projet éolien n’est qu’un nouveau prétexte pour contrôler la terre comme l’ont clairement démontré les plans de ce projet.
Celui-ci doit s’implanter entre les villages de Majdal Shams et Masada, bloquant la contiguïté géographique entre ces deux villages et rendant impossible toute expansion future. Ces villages déjà bondés le seront encore plus, ne disposant d’aucun moyen de s’étendre. Par exemple, Majdal Shams est bloqué dans toutes les directions : les frontières à l’est et au nord, une base militaire et une colonie illégale à l’ouest, et désormais le parc éolien au sud.
En outre, au cours des cinq décennies depuis le début de l’occupation israélienne, la communauté druze syrienne a compté sur l’agriculture comme principale source de revenus, ce qui a donné une certaine indépendance financière à l’économie locale. Or le parc éolien va occuper un large pan de terre agricole, et il sera quasiment impossible pour les agriculteurs de continuer à travailler sur leurs terres.
L’écologie est un autre motif d’opposition. Aujourd’hui, on sait dans le monde entier que les éoliennes peuvent provoquer des dommages indicibles à la flore et à la faune, en particulier aux chauves-souris et aux oiseaux, tandis que leur production électrique est en retour assez faible. Le plateau du Golan occupé abrite des centaines d’espèces d’oiseaux et de chauves-souris, dont certaines sont endémiques et certaines menacées d’extinction.
Pour ces raisons, la communauté locale s’est opposée publiquement au projet, lançant une grande manifestation en janvier 2020, et bien d’autres depuis.
Le « greenwashing » de la colonisation
L’entreprise et le gouvernement israéliens promeuvent ce parc éolien comme un projet « écologique » qui s’inscrit dans le cadre de l’objectif d’Israël d’utiliser 30 % d’énergie verte d’ici 2030. Bien sûr, la réalité est bien différente : ce projet sera bien plus destructeur pour l’environnement qu’utile.
Depuis 1967, Israël tente d’établir un plus grand contrôle sur la région en construisant des colonies illégales, en imposant une gestion des ressources illégale et inéquitable et en initiant des projets de colonisation néfastes tels que celui-ci
Les raisons cachées de ce projet sont dévoilées dans les déclarations des dirigeants israéliens, tels que Ben-Gvir, qui réclament une plus grande gouvernance et, en conséquence, plus de terres occupées et l’expulsion de la population locale.
Ce parc éolien n’est rien d’autre qu’un nouveau projet visant à exploiter les ressources du plateau du Golan occupé. Depuis 1967, Israël tente d’établir un plus grand contrôle sur la région en construisant des colonies illégales, en imposant une gestion des ressources illégale et inéquitable et en initiant des projets de colonisation néfastes tels que celui-ci.
Le lien entre la communauté locale, ses arbres et ses terres n’est pas seulement un moyen vital de survie pour une population sous occupation mais revêt également une grande signification historique et culturelle.
- Wesam Sharaf est un avocat originaire d’Ein Qiniyye sur le plateau du Golan syrien occupé. Il est diplômé de la faculté de droit de l’Université de Haïfa.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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