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Inondations en Libye : Derna, une ville révolutionnaire à nouveau dévastée

Après des bombardements et un siège, la ville portuaire, centre culturel, crainte et négligée par les autorités successives, est aujourd’hui confrontée à des inondations sans précédent
À Derna, frappée par la tempête Daniel dimanche, les bâtiments ont été dévastés, les ponts emportés par les eaux, des quartiers entiers sont submergés et les routes ont disparu, laissant une ville méconnaissable (AFP)
À Derna, frappée par la tempête Daniel dimanche, les bâtiments ont été dévastés, les ponts emportés par les eaux, des quartiers entiers sont submergés et les routes ont disparu, laissant une ville méconnaissable (AFP)

La tempête Daniel qui a soufflé sur l’est de la Libye, faisant plus de 5 000 morts après l’effondrement de deux barrages, a surtout touché Derna, ville portuaire de 10 000 habitants, dont 25 % auraient été rayés de la carte, selon les autorités.

Une tragédie à long terme pour la société libyenne, selon Jalel Harchaoui, expert de la Libye pour le think tank Royal United Services Institute (RUSI).

Images satellites de la ville de Derna, dans l’est de la Libye, avant les inondations le 7 septembre 2023 (à gauche) et pendant les inondations (à droite), le 12 septembre 2023 (AFP/Maxar Technology)
Images satellites de la ville de Derna, dans l’est de la Libye, avant les inondations le 7 septembre 2023 (à gauche) et pendant les inondations (à droite), le 12 septembre 2023 (AFP/Maxar Technology)

« Pour toutes sortes de raisons historiques, la ville de Derna est devenue un centre de rébellion. Pas au sens violent du terme, c’était beaucoup plus intellectuel », explique-t-il à Middle East Eye. « Elle a toujours été un centre pour les artistes, les personnalités culturelles, les professeurs et les écrivains. Elle est traditionnellement orientée vers la rébellion intellectuelle, l’indépendance et, plus important encore, a une longue tradition de contestation. C’était aussi valable sous Kadhafi. »

Le journaliste libyen Mohammed Elgrj a publié des recherches montrant qu’il y avait eu des avertissements indiquant que les barrages, construits dans les années 1980, présentaient un risque d’effondrement.

La Libye est actuellement gouvernée par deux administrations concurrentes, un gouvernement reconnu par l’ONU à Tripoli, et une autre autorité à l’est, dominée par le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar.

Un siège de 2015 à 2018

De 2015 à 2018, Haftar a assiégé Derna pour prendre le contrôle de la ville, affirmant que le Conseil de la choura (qui contrôlait la ville depuis 2015, après avoir chassé les membres du groupe État islamique qui avaient tenté de s’emparer de la ville) était une organisation « terroriste » au même titre que l’EI.

« En mai 2018, Haftar a lancé une incursion violente dans la ville. Et cette guerre ne faisait pas de distinction entre les opposants politiques, les extrémistes ou les civils », rappelle le chercheur. « Cette guerre, très destructrice, très brutale, qui s’est déroulée entre mai 2018 et janvier 2019, a été soutenue non seulement par l’Égypte et la France, mais aussi par Wagner [mercenaires russes], du moins c’est ce que mes sources indiquent. Et une fois que Derna a été ‘’libérée’’, Haftar est resté très méfiant à son égard. »

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La destruction causée par une décennie de conflits civils à Derna n’a été « indirectement reconnue » qu’en 2022, selon lui, lorsque les politiques ont déclaré que des millions de dollars devaient être investis dans la ville.

Mais les habitants de Derna ont été exclus du processus décisionnel.

« Un Dernaoui n’allait pas s’occuper de la reconstruction de sa propre ville, cela allait être fait par d’autres. Il y avait une tendance à infantiliser la population de Derna », précise Jalel Harchaoui.

« Haftar ne fait vraiment pas confiance à Derna. Pour lui, la population, même si elle est tranquille, renferme les germes d’un renouveau, d’une rébellion que nous avons vue par le passé. »

Des allégations dans les médias libyens affirment que le maire de Derna, Akram Abdul Aziz, aurait demandé l’autorisation d’évacuer la ville à l’approche de la tempête Daniel, et que cette demande aurait été refusée par Haftar et les autorités de l’est. MEE n’a pas pu confirmer ces allégations.

« Il [Haftar] a essentiellement ordonné à tous les habitants de Derna de rester chez eux », ajoute le chercheur, « ce qui, avec le recul, a été la pire des décisions à prendre ».

Traduit de l’anglais (original).

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