Ces belles traditions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord entrées en 2023 au patrimoine immatériel de l’humanité
Les arts, savoir-faire et pratiques associés à la gravure sur métaux
La gravure sur métaux (or, argent et cuivre) est une pratique séculaire consistant à façonner des mots, des symboles ou des motifs sur les surfaces d’objets décoratifs, utilitaires, religieux ou cérémoniels.
À la demande de dix pays – Algérie, Arabie saoudite, Égypte, Irak, Maroc, Mauritanie, Palestine, Soudan, Tunisie, Yémen –, les arts, savoir-faire et pratiques associés à la gravure sur métaux ont été ajoutés au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Les objets sont souvent offerts en cadeaux traditionnels ou utilisés dans les rituels religieux et dans la pratique médicale alternative. Transmises au sein des familles et des ateliers, la technique de la gravure sur métaux et l’utilisation des objets gravés expriment l’identité géographique, culturelle et religieuse des communautés concernées. (UNESCO/Ali Alghanem, Saudi Arabia, 2021)
Le soufflage du verre traditionnel syrien
Il a été inscrit sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente : le soufflage de verre traditionnel syrien consiste à créer des objets à partir de morceaux de verre usagé.
Pratiqué principalement à Damas, il se caractérise par les couleurs blanche, bleue, verte et pourpre et des motifs dorés peints. Des symboles culturels, tels que la main de Fatma (représentée pour protéger du mauvais œil), sont souvent peints ou gravés sur le verre.
Autrefois, cet artisanat n’était pratiqué qu’au sein de certaines familles dans lesquelles le père enseignait les secrets de son art à ses enfants. Aujourd’hui, les connaissances et les savoir-faire correspondants sont transmis de manière informelle par la pratique et la formation dans des ateliers.
Associé à des espaces sociaux, spirituels et historiques, il contribue selon l’UNESCO à un sentiment de continuité et d’appartenance. (UNESCO/Slim Chalhoub, Moukhtar Al Saman, Rami Al-khodary/Syria Trust for Development, 2022)
La man’ouché, quintessence du petit-déjeuner libanais
Quintessence du petit-déjeuner libanais, la man’ouché (manaïche au pluriel) est un pain plat préparé dans les maisons et les boulangeries spécialisées.
La pâte est gravée avec les doigts et recouverte d’un mélange de thym, de sumac, de graines de sésame grillées, de sel et d’huile d’olive. Pendant la préparation de la pâte, des prières sont parfois récitées pour qu’elle lève : les musulmans récitent le début de la Fatiha (prière d’ouverture) et les chrétiens récitent des prières et font le signe de croix.
Une fois cuite, on peut y ajouter une deuxième garniture, comme du fromage à pâte molle (labné), des tomates, des concombres, des olives et des feuilles de menthe.
Les techniques de préparation sont transmises de manière informelle.
L’odeur des manaïche évoque les réunions matinales traditionnelles, ou sobhhiyé, qui sont des moments forts d’interaction sociale. Sa vente dans les petites boulangeries contribue également au développement économique local. (UNESCO/Bernard Jabre, Liban, 2022)
Nacre, enluminure, mey et iftar pour la Turquie
La Turquie compte désormais 30 éléments inscrits sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité. Après le festival de lutte à l’huile de Kırkpınar, la culture et la tradition du café turc ou encore l’art turc du papier marbré, elle a réussi à inscrire cette année trois nouveaux autres éléments.
Avec l’Azerbaïdjan, elle a défendu l’artisanat et l’art du mey (instrument à vent couramment utilisé lors de fêtes traditionnelles, de mariages et de concerts), les savoir-faire liés à l’incrustation de nacre, l’art de l’enluminure et, avec l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan, l’iftar et ses traditions socioculturelles, qui marque la rupture quotidienne des épreuves du jeûne de l’aube au coucher du soleil pendant le mois du Ramadan. (AFP/Aaref Watad)
La mahadra, « l’université du désert » en Mauritanie
La mahadra, parfois appelée « l’université du désert », est un cadre communautaire d’éducation et de socialisation dans lequel les connaissances traditionnelles et les expressions littéraires sont transmises.
Les leçons se déroulent sous une tente, recouverte de nattes ou de tapis et de coussins au sol.
Si la mahadra a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, c’est pour ce qu’elle représente : système de transmission à part entière, ouvert à tous, elle favorise la socialisation, la communication, l’intégration et la cohésion sociale. Elle est également liée à la transmission de la poésie et des récits mauritaniens, procurant un sentiment d’appartenance et d’identité culturelle partagée de génération en génération. (AFP/Marco Longari)
La dabkeh, danse traditionnelle en Palestine
Des danseurs en ligne droite ou en demi-cercle, qui se tiennent par les mains et les épaules pour indiquer leur cohésion, des mouvements consistant à sauter et à frapper le sol avec les pieds : voilà comment se danse la dabkeh, danse de groupe palestinienne, accompagnée d’instruments à vent traditionnels et de chants populaires.
Elle entre en cette fin d’année sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, reconnue comme un « moyen d’exprimer l’identité culturelle, de célébrer des événements familiaux et de renforcer les liens sociaux ». La dabkeh est pratiquée lors de festivals, de célébrations et d’événements tels que les mariages et les remises de diplômes.
« Nous avons hérité [la dabkeh] de nos ancêtres », expliquait Shady Sobh dans une vidéo sur la dabkeh publiée sur Middle East Eye. « Et nous nous en servons pour exprimer notre attachement à notre terre palestinienne. C’est pourquoi nous tenons bon et la dabkeh est notre façon de résister à travers l’art. » (MEE)
L’artisanat et les arts traditionnels de la construction liés au mudhif en Irak
Grand bâtiment arqué fait de roseaux et de papyrus, deux plantes qui poussent naturellement dans les marais du sud de l’Irak, le mudhif sert de lieu de rassemblement pour les habitants et d’espace de transmission des savoirs, des valeurs et des coutumes traditionnels.
Les structures sont construites par des ouvriers qualifiés et encadrées par des cheikhs tribaux, mais l’ensemble de la communauté joue un rôle dans la création et l’entretien de l’espace, notamment en collectant les roseaux et en tissant les nattes et les tapis qui servent de matelas à l’intérieur du bâtiment. (AFP/Hussein Faleh)
La culture de l’olive en Turquie
En Turquie, plusieurs rituels, festivités (pièces de théâtre, danses, concours et fêtes traditionnels) et pratiques sociales marquent le début et la fin de la saison des récoltes des olives. Par exemple, les villageois se réunissent pour cueillir les premières olives de la saison, et certaines olives sont délibérément laissées dans les oliveraies pour être ramassées par les membres les plus pauvres de la population.
Transmises au sein des familles et des villages, les pratiques liées à la culture de l’olivier renforcent la solidarité, la coopération et l’harmonie au sein de la communauté. L’UNESCO a inscrit cette année les connaissances, méthodes et pratiques traditionnelles associées à la culture de l’olive sur la liste du patrimoine immatériel à sauvegarder de manière urgente.
Les méthodes utilisées pour la culture sont basées sur des connaissances et des pratiques traditionnelles relatives à la nature (caractéristiques idéales du sol, climat et engrais).
L’UNESCO considère que ces pratiquent contribuent aux efforts de durabilité environnementale et joue un rôle important pour maintenir l’identité sociale et culturelle, notamment dans les zones rurales.
Cette année en Turquie, la demande pour l’huile d’olive en gros est si élevée que le gouvernement vient de mettre en place une taxe de 0,20 dollar sur chaque kilo exporté à l’étranger. (UNESCO/Mehmet Karaca/MoCT, 2022)
La procession et les célébrations du Mawlid al-Nabi au Soudan
Le Mawlid al-Nabi, fête marquant la naissance du prophète Mohammed qui a lieu au cours du troisième mois du calendrier lunaire islamique, est célébrée par des dizaines de millions de musulmans à travers le monde.
Mais c’est au Soudan, qui en a fait la demande, que l’UNESCO l’a inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Pendant les célébrations, les participants interprètent des chants religieux, des danses rituelles et récitent des prières soufies.
Le point culminant de la célébration est la place al-Mawlid, un grand espace en plein air décoré de lumières et de drapeaux et recouvert de tapis de prière.
À son arrivée, la foule hisse un drapeau à un très grand mât. Un discours officiel marque ensuite le début des célébrations. C’est une occasion pour préparer des plats traditionnels et acheter des bonbons et des jouets aux enfants. Cette fête se transmet généralement au sein des familles et des cercles de danse. (AA)
Le harees servi en Arabie saoudite, aux Émirats et à Oman
Sur un dossier commun présenté par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Oman, le harees, plat traditionnel populaire à base de grains de blé, de viande et de ghee (beurre clarifié), fait désormais partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Habituellement consommé au petit-déjeuner et au dîner, il est servi dans de grands plats pour être partagé avec plusieurs convives en s’asseyant sur un genou et en utilisant uniquement le pouce et l’index.
Il est également très populaire pendant la période du pèlerinage en raison de la simplicité de ses ingrédients et de la possibilité de le préparer et de le servir en grandes quantités. Aux Émirats arabes unis, à Oman et en Arabie saoudite, le harees est présent dans de nombreux éléments sociaux et culturels tels que les contes, les proverbes et la poésie.
Les connaissances et les savoir-faire sont transmis de mère en fille, dans des établissements d’enseignement, des restaurants et des hôtels, ainsi que par les médias et des institutions officielles.
Préparer et servir le harees est considéré comme une marque d’hospitalité et de générosité. Cette pratique favorise les relations sociales, renforce les liens entre les individus et les communautés ainsi que les affinités culturelles dans les sociétés concernées. (UNESCO/Mina Adly Bekhit Gendi, K. Renative FZ-LLC, United Arab Emirates; 2020)
Le malhoun, un art poético-musical populaire marocain
Le malhoun est une expression poétique populaire au Maroc. Il combine chant, théâtre, métaphore et symbolisme dans un langage accessible et une ambiance festive, unissant ainsi tous les Marocains, quelle que soit leur religion.
La pratique est transmise de manière informelle ainsi que par le biais d’organisations, de conservatoires de musique et de publications. Il est joué dans de nombreux espaces, des rassemblements familiaux aux grandes salles de spectacle, en passant par les festivals de malhoun.
En tant qu’art collectif, il favorise la cohésion sociale et la créativité tout en offrant un témoignage historique sur les questions sociales à travers les siècles. (UNESCO/Académie du Royaume du Maroc, 2018)
La célébration du Sadeh, début du printemps en Iran
Chaque année, le 30 janvier, l’Iran (mais aussi le Tadjikistan) fête le Sadeh ou Sada. Dans le calendrier populaire iranien, ce jour marque le début de la préparation des terres agricoles aux prochaines plantations du printemps et la fin des jours les plus froids de l’hiver, 50 jours et 50 nuits avant l’arrivée du printemps (Norouz). De ce fait, « Sadeh » signifie « 100 ».
La pratique inclut le chant, la danse et la prière autour d’un feu ainsi que l’offrande de bénédictions et de fruits secs ou frais. Ce jour marque également le début traditionnel des travaux agricoles pour la nouvelle saison ; les agriculteurs arrosent leurs terres d’engrais et les jardiniers taillent leurs arbres et arbustes.
Après la célébration du Sadeh, les habitants des villages se réunissent en plein air pour nettoyer ensemble les cours d’eau et les étangs et pour réparer les ponts. Dans les deux pays, la pratique, y compris la préparation des plats traditionnels, se transmet par la participation, l’observation et les récits. (AFP/Atta Kenare)
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