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De la hikaye palestinienne au costume nuptial de Tlemcen : sept coutumes du Maghreb et du Moyen-Orient protégées par l’UNESCO

Middle East Eye explore sept traditions de la région protégées par l’UNESCO dans le cadre de sa liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
Les coutumes protégées par l’agence onusienne incluent des traditions culinaires, de l’artisanat, des formes poétiques et même des arts martiaux, entre autres (illustration : MEE)

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont des régions dotées d’un riche patrimoine culturel, fort de nombreuses traditions toujours pratiquées dans la vie quotidienne. Cependant, en raison de la mondialisation et de l’uniformisation des tendances culturelles, plusieurs d’entre elles risquent de disparaître à jamais.

L’agence des Nations unies pour la culture, la science et l’éducation, l’UNESCO, a cherché à protéger certaines pratiques en les ajoutant à sa Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, dans l’espoir que cela puisse mettre en valeur leur importance et encourager leur préservation.

Les coutumes inscrites sur cette liste incluent des traditions culinaires, de l’artisanat, des formes poétiques et même des arts martiaux, entre autres.

Middle East Eye a sélectionné pour vous sept traditions du Maghreb et du Moyen-Orient figurant sur la liste onusienne qui contribuent à la richesse culturelle de la région.

Le majlis

Si vous avez déjà été invité dans un majlis, il est probable que vous soyez une personne très estimée et appréciée. Un majlis, de l’arable signifiant lieu où l’on s’assoit, est un salon traditionnellement recouvert de tapis et parsemé de coussins sur le sol et contre les murs sur lesquels les membres de la communauté peuvent s’asseoir.

Dans un majlis typique, du thé ou du café arabe seront versés tout au long de la soirée pour alimenter des heures de conversation. Dans certaines zones de la région, le majlis peut également avoir lieu à l’extérieur : un feu est allumé au centre pour tenir chaud aux participants.

Un majlis saoudien (Reuters)
Un majlis saoudien (Reuters)

Si de tels espaces culturels et sociaux existent dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ils ont une importance particulière dans les pays du Golfe.

À l’origine, le majlis était destiné à permettre aux habitants d’un lieu de se rassembler pour discuter des questions qui les concernaient ou avaient un impact sur leur vie.

C’est aussi un endroit où vous pouvez recevoir des invités, fréquenter des gens et vous divertir. Les utilisations d’un majlis sont restées les mêmes au cours des siècles, et beaucoup s’en servent encore pour organiser des mariages, présenter des condoléances, résoudre des problèmes et discuter d’affaires courantes.

Dans un majlis, les hommes et les femmes sont généralement séparés afin de leur permettre de se sentir à l’aise et de discuter librement des sujets qui leur sont propres. L’espace ouvert accueille un grand nombre de personnes et la disposition circulaire des sièges permet à chacun de se voir.

Des membres d’une tribu bédouine saoudienne se reposent dans une tente dans le désert (AFP)
Des membres d’une tribu bédouine saoudienne se reposent dans une tente dans le désert (AFP)

Les aînés, tels que les membres de tribus ayant une connaissance approfondie de la région et de la communauté, ont une importance particulière dans un majlis. Les cheikhs, les érudits et les juges peuvent également être invités en cas de litige ou de problème à résoudre.

De nos jours, le majlis est également utilisé pour accueillir des événements et des concours de poésie ainsi que des divertissements plus légers tels que des concerts et de petites fêtes.

Le majlis reste un élément essentiel de la culture du Moyen-Orient, d’autant plus qu’il sert d’espace de transmission des connaissances et du patrimoine oral. Les enfants accompagnent souvent leurs parents au majlis, ce qui leur permet de se familiariser avec les traditions de la communauté et de comprendre ses valeurs.

Culture et tradition du café turc

Le café est pris très au sérieux en Turquie. Le processus consistant à le préparer, le verser et le consommer est régi par des règles et des coutumes qui sont restées en grande partie les mêmes au cours des siècles. Le café joue également un rôle important dans les mariages, les événements sociaux et les rassemblements.

Le café est infusé dans du sable chaud pour en faire ressortir la saveur (AFP)
Le café est infusé dans du sable chaud pour en faire ressortir la saveur (AFP)

Quasiment chaque région de Turquie consomme son café différemment. Il est principalement servi dans une petite tasse, accompagné d’un grand verre d’eau. Bien que certains choisissent de prendre leur café avec du lait, il est généralement servi amer. Certains boiront leur café en en prenant une gorgée suivie d’une bouchée de sucre.

Pour préparer la boisson, des grains de café finement moulus sont mélangés à de l’eau et une petite quantité de sucre dans un cezve, ou kanaka, le pot en cuivre ou en laiton utilisé pour passer le café. Le tout est ensuite remué doucement jusqu’à ce qu’une fine couche de mousse se forme au-dessus. Celle-ci est ensuite transférée dans une tasse, et le reste du café est versé dessus peu après.

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Parfois, avant une union, la future mariée testera le tempérament de son futur époux en lui servant une tasse de café salé. S’il parvient à la boire en dissimulant son dégoût, cela signifie qu’il est de bonne composition et, par conséquent, bon à marier.

Les connaisseurs de café peuvent choisir de préparer la boisson dans du sable chaud, ce qui augmente le temps de préparation et, par conséquent, en améliore la saveur.

Une autre partie importante de la culture du café en Turquie consiste à utiliser les restes de café moulu à des fins divinatoires. La tradition se transmet de génération en génération par les membres de la famille.

La culture et la tradition du café turc ont été ajoutées à la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2013.

Culture de la rose de Damas

Chaque année au mois de mai, le parfum des roses de Damas emplit l’air des champs à travers la Syrie. Cette fleur emblématique, officiellement appelée rosa damascena, a été introduite pour la première fois en Europe depuis Damas au milieu du XIIe siècle par des croisés de retour d’Orient. À partir du XVIe siècle, la production de la fleur s’est épanouie.

Les familles se lèvent tôt le matin et se rendent au champ pour cueillir les fleurs, puis les trier. Certains pétales sont séchés pour le thé, d’autres sont soigneusement conservés pour être distillés.

La rose de Damas syrienne a été introduite en Europe par les croisés (Reuters)
La rose de Damas syrienne a été introduite en Europe par les croisés (Reuters)

Les fleurs, qui ont de délicats pétales roses, sont connues dans le monde entier et exportées et vendues aux parfumeurs. Elles sont également transformées en huiles essentielles, cosmétiques et eau de rose.

Les femmes dans les villages en font également de la confiture, des sirops et des pâtisseries. Certains pensent que ces fleurs ont des propriétés apaisantes ou cicatrisantes.

La rose de Damas est une source de fierté pour les Syriens, en particulier les personnes impliquées dans sa récolte et sa production. Cependant, des années de guerre dans le pays ont durement touché l’industrie, et le sort de cette tradition de longue date préoccupe de nombreuses personnes.

Aujourd’hui, des festivals sont organisés chaque année dans tout le pays pour préserver la tradition de la récolte et de la vente des fleurs.

Les pratiques et l’artisanat associés à la rose damascène ont été inscrits sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2019.

La hikaye palestinienne

La hikaye, mot arabe signifiant conte ou histoire, est une tradition narrative pratiquée par les femmes de Palestine depuis des siècles. En règle générale, les histoires sont racontées à la maison pendant les nuits d’hiver ou lors de rassemblements sociaux, réunissant femmes et enfants.

Les histoires, qui sont pour la plupart fictives, reflètent souvent l’air du temps, explorant des thèmes tels que les problèmes sociaux contemporains, les dynamiques familiales et les impératifs moraux. L’oratrice est souvent douée d’une voix forte et expressive, qui saisit le public et le captive pendant des heures.

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Cette tradition est une occasion pour les femmes de donner leur point de vue sur les problèmes et d’explorer leurs préoccupations. Certaines se lanceront dans une critique de la société, tandis que d’autres décriront des situations difficiles.

La hikaye est également utilisée comme un moyen d’enregistrer et transmettre l’histoire et les expériences des Palestiniens, en particulier l’impact de l’occupation israélienne et des déplacements forcés.

Avec l’essor des réseaux sociaux, ainsi que les troubles persistants dus à l’occupation, cette tradition est de moins en moins pratiquée. Néanmoins, de nombreuses femmes s’efforcent à faire revivre cet art de la narration, racontant dans le dialecte arabo-palestinien des histoires que les aînés empêchent de tomber dans l’oubli.

En 2008, l’UNESCO a ajouté la pratique de la hikaye à sa liste du patrimoine immatériel de l’humanité.

Le tahtib égyptien

On pense que le tahtib, un art martial de combat au bâton, remonte à la période pharaonique, lorsqu’il était utilisé dans le cadre des entraînements militaires.

Selon les archéologues, les inscriptions sur les papyrus et les murs des temples montrent des combattants luttant avec des bâtons, aux côtés d’autres disciplines militaires, telles que le tir à l’arc et la lutte.

Cependant, au fil des ans, la pratique est devenue plus cérémonielle et, aujourd’hui, elle est pratiquée lors de mariages et d’événements sportifs.

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Le tahtib implique deux personnes munies d’un bâton qui se battent l’une contre l’autre, dans le but de frapper l’adversaire à la tête.

Le sport peut être compétitif et attire un large public. Au fil du temps, les femmes ont également commencé à pratiquer le tahtib, bien qu’il s’agisse à l’origine d’un sport réservé aux hommes.

Au cœur de cet art martial se trouvent des valeurs telles que le respect mutuel, l’amitié, l’équilibre et la fierté.

De nos jours, le tahtib est généralement exécuté sur un fond musical, habituellement le son d’un tabla baladi (tambour folklorique traditionnel), et poétique.

Des clubs et centres sportifs axés sur la préservation de cet art se sont ouverts à travers l’Égypte ces dernières années. Des festivals nationaux de tahtib sont également organisés chaque année dans le pays.

Certains font même campagne pour que le tahtib devienne un sport internationalement reconnu. La pratique a été ajoutée à la liste de l’UNESCO en 2016.

La poésie bédouine des Émirats arabes unis et d’Oman

Pendant des millénaires, la poésie a été considérée par les bédouins de la péninsule Arabique comme la plus haute forme d’expression artistique.

Pour un peuple dont le mode de vie était en grande partie nomade, les documents écrits auraient été difficiles à conserver et préserver, et le langage parlé est donc devenu la principale méthode d’enregistrement des croyances, des valeurs, des théories philosophiques et même des généalogies.

Al-taghrooda est une forme de poésie bédouine traditionnelle qui se chante lors d’un voyage à dos de chameau.

Les bédouins récitent souvent de la poésie à dos de chameau dans le désert (AFP)
Les bédouins récitent souvent de la poésie à dos de chameau dans le désert (AFP)

Les ancêtres des bédouins d’aujourd’hui pensaient que le chant occupait le cavalier et encourageait les chameaux à continuer de marcher sur de longues distances. De nos jours, cette pratique est populaire aux Émirats arabes unis et à Oman.

Improvisés mais suivant des formats prédéfinis, les chants sont initiés par le meneur et continués par ses camarades.

Les thèmes explorés dans les poèmes incluent l’amour, les problèmes sociaux et les liens familiaux. Les vers peuvent également être récités autour de feux de camp, lors de mariages et fêtes tribales.

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En plus d’être divertissant, al-taghrooda peut également servir à des fins pratiques, par exemple pour régler les différends entre tribus ou familles et enseigner à leurs membres leur histoire et leurs succès.

Cette tradition pluriséculaire, qui sert de forme de lien social, est également pratiquée par les femmes. Certaines bédouines chantent des poèmes tout en travaillant.

Aujourd’hui, les anciens des tribus essaient de conserver la tradition par le biais de compétitions et autres événements culturels. Al-taghrooda a été classée par l’UNESCO en 2012.

Costumes nuptiaux d’Algérie

Les mariées de Tlemcen, dans le nord-ouest de l’Algérie, portent de nombreux bijoux et tissus luxueux le jour de leur mariage, et leur apparence lors de la cérémonie nécessite une préparation minutieuse et longue.

La broderie complexe du tissu est une partie importante de l’identité culturelle et du patrimoine ancestral de l’Algérie.

Les mariées quittent leur domicile couvertes d’un vêtement en soie tissé à la main, épinglé à un couvre-chef en forme de cône minutieusement conçu, et portent généralement un caftan en velours brodé.

Beaucoup optent pour un bordeaux ou un vert profond orné de motifs inspirés de l’arabesque, qui se réinventent d’année en année.

Une femme exhibe des vêtements traditionnels généralement portés lors des mariages (capture d’écran/Alger Fashion Week)
Une femme exhibe des vêtements traditionnels généralement portés lors des mariages (capture d’écran/Alger Fashion Week)

Les rangées de perles baroques sont censées protéger des mauvais esprits les organes vitaux et reproducteurs de la mariée. Les mains de cette dernière sont en outre couvertes de henné, un colorant naturel utilisé par les femmes pour s’embellir lors d’occasions spéciales. La pratique est courante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ainsi que dans certaines régions d’Asie du Sud.

Au cours de la cérémonie de mariage, une femme mariée de la famille de la promise peint un dessin circulaire rouge et argent sur les joues de la jeune femme et sous sa lèvre dans le cadre d’un rituel qui représente la pureté et la protection.

La préparation du jour du mariage commence bien avant la cérémonie. Le savoir-faire nécessaire à la confection de la robe et à la préparation de la mariée se transmet de génération en génération.

Un mariage traditionnel dans la capitale Alger (AFP)
Un mariage traditionnel dans la capitale Alger (AFP)

Les jeunes filles sont initiées aux traditions associées aux cérémonies de mariage dès leur plus jeune âge afin d’en connaître l’importance, ainsi que le rôle du mariage en tant que tel dans le rapprochement des familles.

Outre son importance culturelle, la production de costumes nuptiaux revêt également une dimension économique importante dans le sens où elle sert de source vitale de revenus pour les communautés rurales.

Les artisans plus âgés emploient souvent leurs enfants comme apprentis, afin de préserver la tradition.

Pour ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter les tenues complètes, la location et l’emprunt sont des alternatives courantes.

L’UNESCO a ajouté les rites et savoir-faire artisanaux associés à la tradition du costume nuptial de Tlemcen à sa liste du patrimoine immatériel en 2012.

Traduit de l’anglais (original).

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