EN IMAGES : À Rafah, les Palestiniens acculés sont abattus dans leurs tentes
Ce mardi 13 février, l’armée israélienne continue de bombarder Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. La zone autour de Rafah – estimée à environ un cinquième de la superficie de Gaza – est devenue une ville de tentes. Les Palestiniens n’ont nulle part où aller et s’abritent dans des tentes de fortune ou en plein air, avec peu d’accès à la nourriture, à l’eau ou aux médicaments.
Le directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) à Gaza, Thomas White, s’est par ailleurs alarmé des taux élevés de diarrhées, qui peuvent être mortelles s’il n’y a pas assez d’eau potable, en plus des épidémies d’hépatite.
« C’est le résultat du fait qu’1 million de personnes sont entassées dans une zone assez petite, sans accès à des installations sanitaires », a-t-il précisé, en ajoutant que les conditions de vie à Rafah étaient désastreuses.
« Des centaines de milliers de personnes creusent un trou dans le sable à côté de chez elles et c’est là qu’elles défèquent », a-t-il déclaré. Alors qu’une invasion israélienne devient imminente, le responsable a mis en garde contre « la réalité de voir un million de personnes se déplacer dans la bande de Gaza vers des zones qui ne sont pas aménagées pour les accueillir. Beaucoup d’entre eux devront quitter les abris qu’ils ont construits ici [à Rafah]. Des centaines de milliers de personnes seront à nouveau sans-abri. » (Photos : AFP)
Une série de frappes ont fait, lundi 12 février, au moins 67 morts dans la zone, d’après le ministère palestinien de la Santé. Les attaques ont visé quatorze maisons et trois mosquées à Rafah.
Depuis le 7 octobre, l’offensive israélienne a fait 28 340 morts dans la bande de Gaza, en grande majorité des civils.
Selon Israël, 130 otages se trouvent encore à Gaza, dont 29 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées le 7 octobre. Une trêve d’une semaine en novembre avait permis la libération de 105 otages en échange de 240 Palestiniens détenus par Israël.
Selon Doaa Hassan, une habitante de Rafah, les frappes aériennes nocturnes ont commencé vers minuit et demi.
« Le bruit des bombardements a réveillé tout le monde. Les enfants et les adultes pleuraient de peur », relate-t-elle à Middle East Eye, en expliquant que son immeuble résidentiel héberge également de nombreuses personnes déplacées et est entouré de tentes de fortune.
« Les gens qui s’abritaient dans les tentes étaient paniqués. J’ai entendu des gens crier et dire qu’ils n’avaient nulle part où fuir. »
Marwa Abu Khater et sa famille ont également été prises pour cible à l’intérieur de leur tente. Sa sœur, 29 ans, a été grièvement blessée après avoir été touchée à la tête par des tirs de quadricoptère, et son fils a reçu une balle dans les deux jambes. Son mari a également été touché au dos et elle-même a été blessée par des éclats d’obus au bras.
« Nous avons entendu le bombardement et avons pensé que c’était pour préparer une invasion terrestre », raconte-t-elle à MEE.
Le Hamas a dénoncé le raid sur Rafah comme « la poursuite de la guerre génocidaire et des tentatives de déplacement forcé qu’[Israël] mène contre notre peuple palestinien ».
Les frappes aériennes sur Rafah s’étaient déjà intensifiées la semaine dernière, avec des dizaines de bombardements meurtriers contre des quartiers densément peuplés et des immeubles résidentiels.
Ces attaques aériennes surviennent alors que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a ordonné à son armée de se préparer à une offensive terrestre sur la ville.
Les responsables égyptiens estiment que celle-ci forcerait les Palestiniens à se diriger vers la frontière avec l’Égypte et bloquerait davantage l’accès à l’aide via le terminal de Rafah, seule voie d’entrée ou de sortie de Gaza non directement contrôlée par Israël.
Des responsables égyptiens et des diplomates occidentaux, cités par l’agence AP, ont déclaré que Le Caire menaçait de suspendre son traité de paix de 1979 avec Israël si des troupes israéliennes étaient envoyées à Rafah. Mais le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukri, a démenti ces informations lundi, affirmant que son pays était attaché au traité.
Reuters a rapporté vendredi que l’Égypte avait déployé 40 chars et véhicules blindés de transport de troupes à Rafah pour renforcer la sécurité autour de la frontière.
La Fondation Sinaï pour les droits de l’homme a publié dimanche sur X une vidéo montrant les forces de sécurité égyptiennes fortifiant la clôture séparant l’Égypte de la bande de Gaza avec des barbelés.
Des sources locales ont déclaré lundi à l’organisation que les dernières attaques de l’armée israélienne avaient frappé des zones situées à seulement 300 mètres de la frontière égyptienne ainsi que des zones adjacentes à la barrière frontalière.
Wesam Abu Jamee, un Palestinien déplacé de Khan Younès, a perdu deux de ses fils, dont un handicapé, dans une attaque en quadricoptère qui a visé leur tente à 1 h 45 du matin.
« Le bombardement était si intense. Mes deux fils, Wahib, 19 ans, et Ilyas, 17 ans, ont été tués à l’intérieur de la tente. Ilyas souffrait d’un handicap mental et physique », rapporte-t-il à Middle East Eye. « Nous pensions que Rafah était en sécurité. Ce n’est clairement pas le cas. »
Wesam a ensuite cherché refuge dans un bâtiment voisin. Il a dû attendre trois heures, alors qu’il saignait de blessures aux jambes et à une main, avant d’être transporté à l’hôpital koweïtien de Rafah (en photo) pour y être soigné.
« Ils n’avaient aucun équipement médical pour m’opérer », rapporte-t-il. Alors il s’est rendu à l’hôpital Mohammed Yousef al-Najjar. Ses blessures ont été soignées mais les médecins n’ont pas pu retirer les éclats d’obus faute de matériel.
Les Nations unies ne s’associeront pas à « un déplacement forcé de population » à Rafah, a prévenu Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
Le Hamas a annoncé dimanche qu’une offensive sur Rafah « torpillerait » tout accord sur les otages.
Rafah, devenue un gigantesque campement, est le principal point d’entrée de l’aide humanitaire, insuffisante pour répondre aux besoins de la population qui vit dans des « conditions proches de la famine », selon le Programme alimentaire mondial (PAM).
Oum Ahmad, une résidente du camp de Shaboura, a été témoin de la frappe aérienne qui a visé une maison voisine appartenant à la famille Abu Adhra, dont neuf membres ont été tués.
Elle et sa famille avaient fui leur domicile après avoir entendu plusieurs frappes aériennes vers 1 h 50 du matin. À leur retour, l’immeuble de leurs voisins était en flammes.
Mohamed Osama Sobh, 35 ans, a aussi été témoin de l’attaque contre les tentes. « Il y avait tellement de quadricoptères dans les airs. Personne n’était capable de bouger. Nous avions peur. Il n’y avait nulle part où sortir en dehors de nos tentes. Lorsque les gens quittaient leurs tentes, ils étaient également pris pour cible. L’attaque a duré environ une demi-heure. C’était très intense », raconte-t-il à MEE.
Shahad Safi, une Palestinienne de 24 ans qui vit dans la maison à trois étages de son grand-père, adjacente à l’hôpital du Koweït, a été réveillée par les frappes aériennes. « La maison a tout d’un coup commencé à trembler, mais je me suis dit que ce n’était qu’un seul coup. Les enfants étaient paniqués. Nous avons essayé de les calmer », témoigne-t-elle à MEE.
Selon des Palestiniens déplacés, réfugiés dans la même maison, le schéma des bombardements est similaire à celui qui avait précédé l’offensive terrestre dans le nord de Gaza en octobre.
« Nous sommes très proches de Khan Younès, nous craignions donc que les troupes entrent dans Rafah. Mais Dieu merci, nous avons survécu. »
Traduit de l’anglais (original) et actualisé.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].