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Guerre à Gaza : à Rafah, les déplacés palestiniens entre « peur de l’inconnu » et peur des « massacres »

Alors que les bombardements israéliens sur Rafah s’intensifient, l’ONU et les États-Unis s’inquiètent de l’offensive ordonnée par Benyamin Netanyahou sur la ville du sud de la bande de Gaza où se sont réfugiés de nombreux Palestiniens déplacés
Des enfants se tiennent au sommet d’une petite colline près de tentes dans un camp de fortune pour les Palestiniens qui ont fui vers Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 30 janvier 2024 (Mahmoud Hams/AFP)
Par AFP à RAFAH, Palestine

Les Palestiniens qui ont fui le nord de Gaza et trouvé refuge à Rafah craignent un saut dans « l’inconnu », voire des « massacres », en cas d’offensive de l’armée israélienne sur cette ville surpeuplée et assiégée, une opération évoquée mercredi par le Premier ministre israélien.

Après que l’armée israélienne a concentré ses opérations militaires sur les villes de Gaza (nord) puis Khan Younès, plus au sud, Benyamin Netanyahou a dit avoir ordonné à l’armée de préparer une offensive sur Rafah, située à la frontière, fermée, avec l’Égypte, où s’entassent 1,3 million de Palestiniens. Le nombre d’habitants de la ville a été multiplié par cinq depuis le début de la guerre en octobre.

La grande majorité sont des personnes déplacées par le conflit, comme Adel al-Hajj, originaire du camp d’al-Shati dans la ville de Gaza, qui dit désormais craindre « une invasion » qui pourrait se terminer en « massacres ».

« Si Rafah est attaquée, il y aura des massacres et un génocide. J’ignore si nous pourrons fuir vers l’Égypte ou si les massacres nous frapperont » 

- Oum Ahmed al-Burai, déplacée

« Où pourrions-nous allez ? Il n’y a pas assez d’espace pour accueillir les déplacés à Rafah et il n’y a pas d’endroit sûr », s’inquiète ce Palestinien qui vit sous une tente.

À Rafah, les déplacés ont érigé des dizaines de milliers de tentes et de logements de fortune bricolés en tôles, poteaux métalliques et branches d’arbres. Certains ont choisi de déplacer leurs abris plus à l’ouest, vers la mer, face à la perspective d’un assaut. 

Oum Ahmed al-Burai, une déplacée du camp d’al-Shati âgée de 59 ans, vit avec ses quatre filles et trois de ses petits-enfants près du bâtiment inachevé de l’hôpital qatari, dans l’ouest de Rafah.

« Nous avons d’abord fui vers Khan Younès, puis nous sommes arrivés à Khirbet al-Adas [nord-est de Rafah]. Hier, nous nous sommes réfugiés près de l’hôpital qatari chez ma sœur et sa famille » après les déclarations du Premier ministre israélien, relate-t-elle.

Réponse « excessive »

Elle non plus ne cache pas ses craintes : « Si Rafah est attaquée, il y aura des massacres et un génocide. J’ignore si nous pourrons fuir vers l’Égypte ou si les massacres nous frapperont. » 

L’inquiétude ne cesse de croître parmi les déplacés face à la perspective d’une offensive sur Rafah alors que la bande de Gaza est soumise à des bombardements incessants de l’armée israélienne en représailles à l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre.

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Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui a conclu jeudi une tournée régionale visant à encourager les efforts pour obtenir une trêve, a exhorté Israël à « protéger » les civils dans ses opérations à Gaza, incluant Rafah.

Washington a averti jeudi d’un « désastre » à Rafah et assuré ne pas soutenir une opération « sans une planification sérieuse » concernant les civils sur place. « Je pense, comme vous savez, que la riposte […] dans la bande de Gaza, a été excessive », a déclaré le président américain Joe Biden, dans une rare critique à l’égard d’Israël, proche allié des États-Unis.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est aussi dit « alarmé » par une telle opération qui selon lui « aggraverait de façon exponentielle l’actuel cauchemar humanitaire dont les conséquences régionales sont déjà incalculables ».

« Nous attendons la mort »

Selon un employé de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) ayant requis l’anonymat, les Palestiniens sur place se dirigent vers la mer car « ils pensent qu’une éventuelle invasion commencera à l’est », près de la frontière israélienne.

« Nous attendons la mort. Les bombardements se sont intensifiés après les déclarations de Netanyahou », lâche Jaber Abou Alwan, un déplacé de Khan Younès âgé de 52 ans. Malgré tout, il nourrit l’espoir d’un cessez-le-feu pour pouvoir retourner chez lui.

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Mohamed al-Jarrah, également déplacé à Rafah, évoque sa « peur de l’inconnu. Je ne sais pas où nous irons. Il semble que l’opération sur Rafah approche, car les bombardements ont considérablement augmenté ».

Jeudi, un « nouveau cycle de négociations » a débuté au Caire en vue d’une trêve à Gaza et un échange de prisonniers palestiniens et d’otages, a déclaré un responsable égyptien à l’AFP.

« Nous nous attendons à des négociations très […] difficiles, mais le Hamas est ouvert aux discussions et désireux d’arriver à un cessez-le-feu », a expliqué un responsable proche du groupe palestinien.

L’attaque du Hamas a entraîné la mort de plus de 1 160 personnes du côté israélien, en majorité des civils tués le 7 octobre, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Depuis le 7 octobre, plus de 27 800 Palestiniens, en grande majorité des femmes et des enfants, ont été tués dans la bande de Gaza par les bombardements et les opérations militaires israéliennes, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Par Adel Zaanoun.

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