Alger accueille un parti indépendantiste marocain, un nouveau geste d’hostilité envers Rabat
C’est pour le moins un événement étonnant, en tout cas inédit. Samedi 2 mars, un mouvement marocain, le Parti national rifain (PNR), a inauguré sa représentation officielle dans les beaux quartiers d’Alger, à Poirson, dans une villa appartenant aux autorités.
« En acceptant l’ouverture d’un bureau du mouvement indépendantiste du Rif à Alger, l’Algérie a fait un geste symbolique fort en direction de ce territoire situé au nord du Maroc. Derrière cette décision, c’est tout un pan de l’histoire rifain qui refait surface », a commenté le site d’information algérien Radio M.
Le Rif a été très médiatisé en 2016 après la mort de Mouhcine Fikri, un vendeur de poisson écrasé par une benne à ordures. Ce qui n’était au départ qu’une protestation contre la « hogra » (injustice) s’est, au fil des mois, transformé en une plateforme de revendications contre la marginalisation dont s’estiment victimes les habitants de la région.
Le mouvement, appelé « hirak », s’est peu à peu essoufflé face à la répression des manifestations par les forces de l’ordre et l’emprisonnement de ses leaders.
Dans une vidéo publiée samedi sur les réseaux sociaux, on voit le représentant du hirak du Rif, Jaber El Ghadioui, dans les locaux du nouveau bureau, en compagnie d’autres militants du PNR, entonnant l’hymne du Rif, devant le drapeau de la République du Rif (autoproclamée et non reconnue internationalement, établie dans les montagnes du Rif entre 1921 et 1923).
« L’idée d’une République du Rif autonome plonge ses racines dans l’histoire, portée à l’origine par une figure de la résistance anticoloniale : Abdelkrim al-Khattabi. Dans les années 1920, ce héros rifain avait fondé un État éphémère finalement maté par la France et l’Espagne », poursuit Radio M.
« Près d’un siècle plus tard, l’ouverture du bureau rifain à Alger ravive ce message indépendantiste honni par Rabat. Loin d’apaiser les tensions régionales, la décision algérienne ajoute de l’huile sur le feu dans les rapports déjà complexes entre les deux frères ennemis du Maghreb. »
Pour le site d’information pro-gouvernement algérien La Patrie News, « le PNR est un parti démocratique, républicain et digne de respect, qui se bat contre le régime féodal, corrompu et moyenâgeux de Mohamed VI, dont la trahison de la cause palestinienne accélère l’imminence de la chute. »
Des centres d’entraînement
Le Parti national rifain, qualifié de « groupe de séparatistes » au Maroc, a été constitué en Belgique en septembre 2023.
Selon des médias marocains, « une semaine après l’annonce de sa création, depuis Bruxelles, le ‘’Parti nationaliste rifain’’ frappe officiellement à la porte de l’Algérie ». « Je demande à l’Algérie de reconnaître dans les plus brefs délais la République du Rif », avait alors déclaré Jaber El Ghadioui.
« Nous voulons que l’Algérie nous ouvre ses centres d’entraînements afin que nous apprenions le maniement des armes. Nous voulons que l’Algérie nous traite comme d’autres mouvements de libération, anciens et nouveaux », a affirmé El Ghadioui sur les réseaux sociaux, selon le site marocain YaBiladi.
La twittosphère marocaine a très violemment réagi, accusant les Algériens d’« agression », de « vouloir diviser le Maroc », de « chercher à fomenter une guerre dans le Rif ».
« Les caporaux algériens sont allés trop loin dans leur haine du Maroc, après les cabales médiatiques et leur soutien obsessionnel pour le Polisario, ils viennent de franchir le pas en accueillant une représentation des séparatistes du Rif à Alger », commente un internaute marocain sur X en évoquant le support algérien aux indépendantistes du Sahara occidental, région que se disputent les deux pays voisins et sur laquelle Rabat réclame sa souveraineté.
La République arabe sahraouie (RASD) dispose d’une ambassade à Alger.
« Est-ce la fin proche du Polisario qui incite les faucons d’Alger à chercher un suppléant à ce mouvement ? Ou est-ce une volonté de pousser les Marocains à reconnaître le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie [MAK, classé terroriste en Algérie] et du coup préparer le terrain pour une escalade de la tension entre les deux pays ? », s’interroge le journaliste algérien en exil Hichem Aboud sur le site Atalayar, en qualifiant ce parrainage de « grave provocation ».
Les accusations entre les deux diplomaties sur le soutien de ce que chacun des deux pays considère comme des mouvements « séparatistes » se sont multipliées ces derniers mois.
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