Enfant décapité et corps calcinés : des Palestiniens racontent le massacre israélien dans un camp de Rafah
Après le lever du soleil lundi, les survivants du bombardement israélien d’un camp de déplacés de Rafah sont revenus pour évaluer les dégâts.
Des enfants regardaient par la vitre de la carcasse d’une voiture, tandis que des hommes fouillaient les débris calcinés et des journalistes photographiaient des boîtes de conserve noircies.
Environ douze heures plus tôt, des familles palestiniennes se trouvaient à l’intérieur de ces tentes, juste avant qu’elles ne prennent feu à la suite d’une frappe de l’armée israélienne contre le campement de déplacés situé au nord-ouest de Rafah.
Beaucoup venaient de terminer les prières du soir, certains dormaient et d’autres étaient simplement réunis avec leur famille.
« Nous étions tranquillement assis lorsque, tout à coup, nous avons entendu une explosion », raconte Layan al-Fayoum, une survivante de l’attaque.
« C’était si soudain. Les bombes sont tombées sans avertissement. »
L’adolescente est sortie de sa tente pour voir ce qui se passait et a été choquée par le gigantesque brasier qui avait englouti le site.
« Les flammes étaient énormes », décrit-elle à Middle East Eye.
« Nous avons vu des tentes en feu et avons ensuite dû récupérer des parties de corps et des enfants morts. »
L’attaque a eu lieu vers 22 heures, heure locale. Des avions israéliens ont largué des bombes sur le camp de fortune, provoquant un incendie qui a détruit quatorze tentes environ, selon un témoin oculaire.
Le camp est situé dans la « zone humanitaire » désignée telle par Israël, à proximité d’un entrepôt de l’ONU, selon une analyse d’Al Jazeera Arabic.
D’après le ministre palestinien de la Santé, 45 personnes ont été tuées dans l’attaque et 249 autres blessées, certaines grièvement, gravement brûlées ou démembrées.
Les autorités sanitaires se sont déclarées dépassées par la quantité et le type de blessures, car un seul hôpital demeure opérationnel à Rafah en raison de la destruction par Israël du système de santé à travers toute la bande de Gaza.
Les premiers intervenants ont décrit des difficultés similaires puisque 80 % des capacités de la défense civile palestinienne ont été détruites depuis le début de la guerre le 7 octobre.
Tout cela était évident après le bombardement, alors que les pompiers, les secours et les habitants luttaient pour contenir l’incendie.
« Nous avons vu des tentes en feu et avons ensuite dû récupérer des parties de corps et des enfants morts »
- Layan al-Fayoum, survivante du massacre
Des scènes chaotiques ont suivi les frappes, des personnes paniquées couraient pour se mettre en sécurité au milieu des corps calcinés, tandis qu’un homme tenait un enfant décapité et qu’un médecin en portait un autre dont le cerveau avait explosé.
« Je suis sorti de ma tente et j’ai vu du feu partout », raconte à MEE Mohammad Abo Sebah, un témoin oculaire.
« Une jeune fille criait, alors nous l’avons aidée, elle et son frère adulte. À notre retour, le campement était totalement détruit. »
Il a fallu entre une et deux heures à une douzaine de camions de pompiers pour finalement arrêter l’incendie, selon Layan al-Fayoum.
L’adolescente raconte que sa famille avait prévu de déménager dans un autre camp le lundi matin, parce que les attaques israéliennes à Rafah s’étaient intensifiées ces dernières semaines.
Mais ils ont perdu leur argent dans l’incendie, ce qui signifie qu’ils ne peuvent plus aller nulle part et n’ont plus de tente pour s’abriter.
« Ils ont dit qu’il s’agissait de zones sûres », commente Mohammad Abo Sebah. « Cette occupation [Israël] est ignoble et criminelle. »
« Destruction, cadavres et tueries »
L’armée israélienne a déclaré avoir utilisé des « munitions précises » lors de l’attaque, prétendument pour tuer deux membres de la branche armée du Hamas.
Elle a ajouté que l’incident était en cours d’examen et qu’elle regrettait tout préjudice causé aux non-combattants.
Mohammad Abo Sebah, qui a fui le centre de Gaza pour ce camp en janvier, n’accepte pas les justifications israéliennes.
« Il n’y a aucun endroit sûr ici. Personne n’est en sécurité. Même les morts enterrés sous terre ne sont pas en sécurité »
- Mohammad Abo Sebah, survivant du massacre
« Qu’attendez-vous qu’ils disent d’autre ? », dit-il à MEE. « Nous n’avons jamais vu de résistants ici. Les combattants se trouvent dans les zones de combat à l’est de Rafah. »
« Les Israéliens disent ces choses simplement pour justifier leurs actions. Ils veulent tuer le peuple palestinien, l’expulser de force et détruire ses maisons. »
Abo Sebah a perdu la sienne en novembre lorsqu’elle celle-ci a été bombardée par des avions de guerre israéliens lors d’une attaque qui a tué deux de ses fils, sa fille et le bébé de cette dernière, âgé de deux ans.
Il est venu à Rafah en quête de sécurité, alors qu’Israël avait demandé aux Palestiniens de se rendre dans cette ville du sud au début de la guerre pour éviter les zones dangereuses ailleurs.
« Il n’y a aucun endroit sûr ici. Personne n’est en sécurité. Même les morts enterrés sous terre ne sont pas en sécurité », dit-il.
« Destruction, cadavres et tueries. C’est notre vie. »
L’attaque israélienne a suscité de nombreuses condamnations à travers le monde, notamment des pays arabes et des États-Unis.
Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, l’a qualifiée d’« horrible ».
« Il n’y a aucun endroit sûr à Gaza. Ces attaques doivent cesser immédiatement », a-t-il déclaré sur X.
De même, le président français Emmanuel Macron s’est dit « indigné » par les frappes.
« Ces opérations doivent cesser. Il n’y a pas de zones sûres à Rafah pour les civils palestiniens », a-t-il ajouté dans un message publié sur X.
Le massacre a eu lieu deux jours après que la Cour internationale de justice a statué qu’Israël devait mettre un terme à son offensive à Rafah dans le cadre de l’affaire en cours accusant le pays de génocide dans sa guerre à Gaza.
Israël a rejeté cette décision et affirmé que son offensive à Gaza était conforme au droit international.
Traduit de l’anglais (original).
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