La complicité de l'ONU dans les crimes de guerre d'Israël
L'impunité d'Israël a de nouveau résonné à l'échelle internationale, en soulignant la complicité des Nations unies pour faciliter de telles abominations. Lundi 8 juin, le secrétaire général Ban Ki-moon a ignoré la demande des groupes de défense des droits de l’homme qui réclamaient l'inscription d'Israël sur sa liste de la honte des Etats et des groupes armés qui violent les droits des enfants, donnant un exemple parfait de la futile et habituelle rhétorique qui encourage l'appétit d'Israël pour la violence et la collaboration volontaire des Nations unies dans cette dynamique.
Le projet de liste, qui a été préparé par la Représentante spéciale des Nations unies pour les enfants et les conflits armés, comprenait à la fois Israël et le Hamas. Un représentant de Human Rights Watch, Philippe Bolopion, a critiqué la décision éliminant Israël et le Hamas de la liste, déclarant que : « Les faits et la cohérence dictaient que les deux soient inclus sur la liste, mais la pression politique semble avoir prévalu ».
La plupart des groupes de droits de l'homme ont utilisé le discours dominant lors de la compilation des rapports concernant les ramifications de l'opération « Bordure protectrice », comme est nommé l’assaut massif d'Israël sur Gaza l'été dernier. En documentant les crimes de guerre d'Israël, l'accent exagéré sur les factions de la résistance palestinienne, notamment du Hamas, a cherché à dépeindre un scénario inexact qui a placé militairement le Hamas sur un pied d'égalité avec Israël. Ceci, à son tour, a permis à des groupes de défense des droits de l'homme d'éviter les distinctions évidentes entre les enfants palestiniens et israéliens - ces derniers ayant accès à un abri, à des installations médicales et, pour la grande majorité, à n’avoir à composer qu’avec la peur des sirènes, par opposition aux enfants palestiniens assassinés et démembrés dans le cadre du plan d'Israël d'étendre son projet de colonisation à Gaza.
L’opération « Bordure protectrice », qui a eu de graves répercussions pour les enfants palestiniens à Gaza, a été classée par Ban Ki-moon comme étant une simple « alarme » ne nécessitant pas de mesures punitives pour ses auteurs.
Selon le secrétaire général des Nations unies, « l'ampleur sans précédent et inacceptable de l'impact sur les enfants en 2014 soulève de graves préoccupations quant au respect par Israël du droit international, notamment les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans l'attaque, et le respect du droit international des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l'usage excessif de la force ».
L’ambassadeur d'Israël aux Nations unies Ron Prosor a salué la décision, affirmant que Ban Ki-moon « a eu raison de ne pas se soumettre aux injonctions des organisations terroristes et des Etats arabes, dans sa décision de ne pas inclure Israël dans cette liste de la honte, au même titre que des organisations comme Daech, al-Qaïda et les talibans ».
Comme si c’était la célébration de la dernière complicité internationale, des médias israéliens ont confirmé deux jours plus tard un autre exemple attendu de l'impunité. Selon les enquêtes de l'armée israélienne concernant ses propres violations lors de l'opération « Bordure protectrice », la mort de quatre enfants palestiniens assassinés sur une plage de Gaza était « accidentelle » et « n'a pas d'incidence sur la légalité de l'attaque », puisque les cibles présumées étaient « des militants du Hamas ».
En outre, Israël a anticipé la prochaine publication d'un rapport des Nations unies sur Gaza en publiant sa propre évaluation basée sur une prétendue « information factuelle et juridique détaillée », arguant que l'opération « bordure protectrice » était « une nécessité impérieuse ».
Selon le rapport, qui a utilisé les roquettes du Hamas comme prémisse au massacre déclenché par Israël, « en ciblant délibérément des villes israéliennes et la population civile, dans le cadre d'une politique systématique et généralisée, le Hamas et d'autres organisations terroristes dans la bande de Gaza ont violé les normes usuelles du Droit des conflits armés et ont commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre ».
Les dirigeants palestiniens ont rejeté le rapport. Ihab Bseiso, porte-parole du gouvernement basé à Ramallah a déclaré : « La décision d'Israël de nier avoir ciblé des civils à Gaza est le prolongement logique de ce qu'il a fait dans la bande de Gaza ». Sami Abou Zuhri, porte-parole du Hamas a rejeté le rapport comme étant une manipulation de la vérité, ajoutant qu’« une partie de ces crimes a été commise en direct devant les caméras, en plus de l'énorme quantité de martyrs et de blessés et la vaste destruction qui confirment que ces crimes étaient délibérés ».
Cependant, compte tenu de la récente déferlante des événements concernant Israël au niveau international, le recours à des rapports des Nations unies pourrait également être préjudiciable à la préservation de la mémoire palestinienne et au récit. Les centres internationaux de la rhétorique manipulent le terme « universel », permettant ainsi aux Nations unies d'appliquer le terme d'une manière qui absout non seulement Israël de sa responsabilité mais fournit également de nouvelles fondations pour l'Etat fabriqué pour affirmer son droit d'exister et ainsi justifient son recours à des atrocités contre la population autochtone.
Un autre niveau de manipulation utilisé par les Nations unies et par la suite incorporé dans la recherche des organisations de défense des droits de l'homme, est l'absence de distinction entre la population des colons d'Israël et la population palestinienne. L'existence d'Israël est fortement tributaire de la population des colons car elle est en mesure de se développer sur de nouveaux territoires ; par conséquent, les colons devraient être perçus comme des complices volontaires de la terreur d'Etat, par opposition aux civils.
Le récit imaginaire d'Israël s’est étendu à sa population, en lui accordant une légitimité qui est confinée à son existence anormale. Comme les organisations internationales absorbent le récit d'Israël dans leurs rapports et leurs condamnations, le sort des civils palestiniens est minimisé, d'où la rhétorique de l’ « alarme » et de la « préoccupation » qui dilue constamment à la fois les voix palestiniennes et la violence infligée aux Palestiniens par Israël.
En ce qui concerne les Palestiniens, il est important que les factions de la résistance ne donnent pas la priorité aux injonctions internationales sur la mémoire des Palestiniens au sujet de l'opération « Bordure protectrice ». Il y a eu d’innombrables exemples de tentatives de validation de bribes de préoccupations palestiniennes à un niveau international, mais celles-ci restent conditionnées par l'imposition du paradigme à deux Etats - une condition préalable imposée aux Palestiniens et qui est elle-même prête à diverses formes de violence, notamment l'agression périodique contre Gaza tout au long des années de négociations politiques visant à discuter d'un scénario hypothétique qui conserve encore les intérêts d'existence et la sécurité d'Israël comme une priorité.
Vue collectivement, la décision de M. Ban Ki -moon d’exclure Israël de la liste des Etats et organisations qui violent les droits des enfants a été le prélude à des révélations hypocrites d'Israël en ce qui concerne ses propres enquêtes biaisées dans le massacre colonial de l'année dernière.
Alors que le prochain rapport des Nations unies sur Gaza mettra probablement en lumière les crimes de guerre d’Israël, il est également possible que l'utilisation de la parole cherchera à aborder les violations dans un contexte de défense, permettant aussi bien de valider les conclusions présumées d’Israël, que de fournir une couverture pour l’approbation perpétuelle des Nations unies du colonialisme et de la violence israélienne.
- Ramona Wadi est chercheuse indépendante, journaliste pigiste, critique littéraire et blogueuse spécialisée dans la lutte pour la mémoire au Chili et en Palestine.
Photo : Une enfant palestinienne marche devant des immeubles détruits par les frappes militaires israéliennes durant l’offensive de l’été passé, le 1er octobre 2014 (AFP).
Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé.
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