Dans les sous-sols d’une mosquée de Téhéran, les ninjas prônent la non-violence
TÉHÉRAN – Au coin d’une ruelle dans une banlieue prospère du nord de Téhéran, en Iran, un bâtiment offre une vue surprenante. Entre villas chics et restaurants de style occidental se trouve la mosquée chiite al-Nabi.
Dans la salle de prière du premier étage, dans une salle dédiée à l’enseignement de l’islam, le mollah Hassan Hossein prône un message de paix.
Pendant ce temps, dans le sous-sol du bâtiment, les étudiants du Ninja Club font résonner l’ordre du début de l’entraînement : « Hajime ! »
Maître Faraji, l’instructeur du club, fait part aux ninjas iraniens des bienfaits du respect mutuel et des activités physiques.
Bien que les pièces soient contiguës, ceux qui utilisent la salle de prière et ceux qui utilisent le sous-sol ne communiquent pas vraiment entre eux, ils n’en ont pas particulièrement besoin non plus. « Des portes nous séparent », explique Faraji. Sans aucun dialogue entre eux, ces deux mondes différents partagent néanmoins un espace et une valeur essentielle commune : la non-violence.
Il est largement admis que les ninjas peuvent retracer leurs origines jusqu’au XIIe siècle au Japon. Formés sans relâche à l’art de la guerre non conventionnelle et entourés de mystère, ils appartiennent à une classe comparable à celle des Samouraïs.
Initialement formés pour travailler comme espions et mercenaires dans le Japon féodal, les ninjas ont vu leur statut et leurs compétences évoluer au fil des siècles et se développer à la lumière des changements sociétaux. Bien que leurs compétences étaient autrefois utilisées spécifiquement pour le combat, la discipline dans sa forme moderne « ne doit pas être reproduite au dehors », insiste Faraji.
C’est un art martial qui « n’est pas un sport ». Faraji explique qu’aujourd’hui la discipline ninja est enseignée dans le monde entier sous le nom de « ninjutsu ». Le terme décrit un état d’esprit qui exige d’une personne « qu’elle fasse travailler son cerveau, plutôt que se contenter d’utiliser sa force physique ».
À Téhéran, les leçons hebdomadaires consistent principalement à acquérir les connaissances nécessaires pour contrôler son propre corps ainsi que le développement de techniques d’esquive et d’auto-défense.
Loin de la chaleur torride de l’été, dans la salle située sous la mosquée al-Nabi, environ 30 hommes (les femmes sont entraînées séparément conformément à la loi iranienne) se réunissent trois fois par semaine pour pratiquer un art qu’Amir, l’un des étudiants, raconte avoir découvert « au travers des films Batman ».
Quant à Ashkan, il explique qu’il a voulu s’épanouir « au travers d’un art martial » et pensait que le « ninjutsu était un bon mélange de tous les arts martiaux ». Il a rejoint le Ninja Club, « c’était il y a deux ans et me voici aujourd’hui ! »
Membre du club depuis trois ans, Shahrukh rappelle au groupe la règle d’or des ninjas iraniens : « Quand un combat se profile à l’horizon, la première chose à faire est de fuir. »
Comme l’exhorte le Coran, « Si tu lèves la main pour me tuer, je ne lèverai pas la main pour te tuer. Car je crains Allah, le Seigneur de l’univers » (5:28).
Le cours de ninjutsu est maintenant terminé, les étudiants se dispersent de nouveau dans la rue devant la mosquée. Dans un pays comme l’Iran, où le sport et la religion semblent parfois entrer en conflit, le mollah Hassan Hossein, responsable de la mosquée al-Nabi, parle de sport en choisissant soigneusement ses mots. Il commence par l’obligation islamique du « développement du corps et de l’âme ». À propos du Ninja Club qui se réunit en ce moment sous ses pieds, et qui inclut désormais des femmes, il dit qu’il accepte la pratique et qu’elle « lui inspire du respect ».
Le mollah Hossein se prépare maintenant à diriger la prière de l’après-midi. Il se retire et partage une dernière pensée : « Tout ce que vous voyez sur l’islam à la télévision, ce n’est pas l’islam. L’EIIL [le groupe État islamique] ne représente pas l’islam. »
L’islam est un mode de vie aux multiples facettes et dimensions et, même dans un pays comme l’Iran, qui est si souvent perçu comme un bloc monolithique, il y a plus à découvrir qu’il n’y paraît.
Kévin Millera contribué ce reportage.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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