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La « révolution » de Bernie Sanders plaît aux jeunes Arabes américains

Le discours de Sanders à Dearborn (Michigan), connue comme la capitale de l’Amérique arabe, a attiré des centaines de jeunes arabes et musulmans
Des personnes écoutent le sénateur Bernie Sanders, candidat aux primaires démocrates aux États-Unis, lors d’un meeting de campagne à la section locale 600 du syndicat United Auto Workers, le 15 février 2016 à Dearborn, dans le Michigan (AFP)

DEARBORN, États-Unis – Lorsque le candidat aux primaires démocrates Bernie Sanders est venu à Dearborn, une ville ayant l’une des plus grandes concentrations de population arabe en dehors du Moyen-Orient, ce dernier a avant tout réitéré son message sur l’inégalité économique tout en soulignant la nécessité d’une réforme de Wall Street.

Bien que le sénateur du Vermont ne se soit pas focalisé sur des questions spécifiques aux Américains du Moyen-Orient, cela n’a pas empêché les centaines de jeunes Arabes présents d’applaudir ses déclarations avec enthousiasme. Le message de Sanders est bien passé auprès des Arabes américains, en particulier chez les moins de 30 ans.

Dearborn, une ville de 100 000 habitants située dans la banlieue de Detroit, est connue comme la capitale de l’Amérique arabe de par son importante communauté originaire du Moyen-Orient. Sanders s’est exprimé ce lundi dans une section locale du syndicat United Auto Workers.

À Dearborn, Sanders, autoproclamé démocrate socialiste, s’est concentré sur les politiques économiques nationales, fustigeant les banquiers et milliardaires corrompus, et a appelé à quasiment doubler le salaire minimum.

Toutefois, il a également subtilement critiqué les politiques interventionnistes et rappelé à la foule son opposition à la guerre en Irak.

« Si nous pouvons reconstruire des villages en Irak et en Afghanistan, nous pouvons très bien reconstruire Flint, Michigan », a-t-il déclaré.

Flint, une ville post-industrielle située à une centaine de kilomètres de l’endroit où Sanders s’exprimait, est confrontée à une crise sanitaire due aux taux élevés de plomb contenus dans l’eau potable de la ville. La contamination a été déclenchée par une décision prise par l’État de changer la source d’eau.

Diversité

Amer Zahr, militant et comédien palestino-américain, a fait part de son enthousiasme au sujet de la campagne de Sanders, trouvant le sénateur plus honnête que les autres candidats sur les questions de justice raciale.

Sanders a maintes fois rejeté la rhétorique anti-immigrés et antimusulmane de Donald Trump. Il a également parlé de la brutalité policière et de la guerre contre la drogue, qui vise selon lui de façon disproportionnée les Afro-Américains. La semaine dernière, il a publié un spot de campagne dans lequel figure la fille d’Eric Garner, un homme noir qui a été tué en 2014 à New York alors qu’il n’était pas armé après avoir subi une prise d’étranglement pratiquée par des policiers.

Selon Zahr, la communauté arabo-américaine, y compris les propriétaires de petites entreprises et les étudiants, bénéficierait des plans économiques de Sanders.

« Les Arabes américains sont principalement des gens de classe moyenne qui peuvent tirer profit du genre de solutions que Bernie propose », a soutenu Zahr.

L’appel libéral populiste de Sanders rappelle d’une certaine manière la campagne présidentielle de Barack Obama en 2008.

Bien que les Américains arabes puissent être déçus par certaines des politiques d’Obama, Zahr pense que Sanders répondra aux attentes.

« Bernie marche dans cette voie depuis quarante ans, et au moment où il arrivera à la Maison Blanche, il est assez clair que ce sera son tout dernier poste politique », a indiqué Zahr.

« Il ne va pas sortir et donner des discours pendant dix ou quinze ans quand il ne sera plus président. Nous espérons qu’il changera le système et non l’inverse. »

Sanders s’adresse à ses partisans à Dearborn (MEE/Ali Harb)

Zahr a reconnu que Sanders n’était « pas génial » sur la question du conflit israélo-palestinien du point de vue arabe.

Le sénateur défend une solution à deux États et réaffirme le droit d’Israël d’exister dans la paix ainsi que le droit des Palestiniens à une patrie dans laquelle ils peuvent contrôler leur avenir politique et économique. Sanders, un juif américain, a critiqué la violence israélienne par le passé. Mais cette vision critique est souvent accompagnée de l’argumentation traditionnelle employée à Washington selon laquelle Israël dispose du droit de se défendre.

« Bernie indique sur son site web qu’il traiterait les Palestiniens et les Israéliens de manière égale ; Hillary [Clinton] ne dirait jamais ce genre de choses », a soutenu Zahr.

Le comédien a ajouté qu’aucun des principaux candidats n’a formulé de programme en matière de politique étrangère d’une manière qui puisse satisfaire les Arabes américains.

« Quiconque étudie le conflit israélo-palestinien n’irait jamais voter s’il s’agissait de voter uniquement sur cette base, a précisé Zahr. Si c’est votre choix, soit. Je choisis de ne pas faire ce choix. Je choisis de m’investir autant que je peux. »

Rasha Almulaiki, une militante féministe yéméno-américaine, a fait écho aux propos de Zahr.

« Cela desservirait réellement le mouvement arabo-américain que de ne pas aller voter à cause de cette seule question », a-t-elle soutenu.

Almulaiki a fait part de son admiration pour le bilan cohérent de Sanders en matière d’égalité.

Elle a ajouté qu’elle trouvait « attachant » le fait que les discours politiques de Sanders ne soient pas aussi impeccables que ceux de certains de ses adversaires.

Le meeting de Sanders à Dearborn a attiré des dizaines de femmes musulmanes portant le hijab, ou voile, dont Almulaiki.

« Cela montre la diversité démographique des personnes auxquelles Bernie s’adresse. De plus, nous sommes à Yémen-Ville », a expliqué Almulaiki en évoquant le sud de Dearborn, où le meeting de campagne a eu lieu.

Intégrés dans le mouvement

Maya Berry, directrice exécutive de l’Arab American Institute (AAI), une organisation de représentation politique basée à Washington, a expliqué que les jeunes Arabes américains ne sont pas différents de l’électorat en général.

« Après avoir vu la campagne de Sanders et la direction que celle-ci a prise, et au vu de la façon dont il mobilise les gens à travers le pays en s’intéressant en particulier aux jeunes, il n’est pas surprenant selon moi que les étudiants arabo-américains soient intégrés dans ce mouvement », a-t-elle argumenté.

Berry voit le soutien des jeunes Arabes américains pour Sanders dans le contexte du large pouvoir d’attraction de ce dernier auprès des jeunes. Les Arabes américains actifs sur le plan politique ont souvent évalué les candidats en fonction de leur politique nationale et non en fonction de leur point de vue sur les conflits au Moyen-Orient, a expliqué Berry.

« Si les candidats ne sont pas particulièrement différents ou meilleurs en ce qui concerne la politique étrangère, alors cela n’a selon moi aucun sens que de mettre l’accent sur cela, a-t-elle ajouté. Je regarderai plutôt qui a une politique en matière d’éducation qui fonctionne pour moi et ma famille, qui est meilleur sur la question des soins de santé, qui se focalise sur les emplois et aurait plus d’impact sur mon statut. »

D’après Berry, en tant que législateur, Sanders s’est concentré sur les questions économiques qui lui paraissent importantes pour ses électeurs. « Il n’est pas très en vue sur les questions du conflit israélo-palestinien ou du Moyen-Orient depuis un certain temps », a-t-elle affirmé.

Cependant, Berry a ajouté que la position de Sanders sur la guerre en Irak est le signe d’un niveau important de connaissances en matière de politique étrangère.

« Comme l’histoire l’a démontré, il a adopté la bonne position à ce sujet », a-t-elle précisé.

Sanders a fait un bond dans les sondages au cours des derniers mois. Bien qu’il se trouve toujours derrière l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, il est parvenu à combler l’écart de popularité de dix points de pourcentage et à remporter la primaire du New Hampshire.

Un programme attractif

En promettant de rendre les universités publiques gratuites et de réformer la dette étudiante, Sanders a gagné le soutien des jeunes électeurs. L’attitude simple et pragmatique du sénateur passe également bien auprès des jeunes.

« Il est très humble. Il est très bénéfique pour les minorités. Il est plus orienté vers la classe ouvrière », a soutenu Ingham Elqadhi, âgé de 20 ans.

Ilfat Maatouk, une ingénieure de 25 ans, a confié que Sanders lui donne l’espoir qu’un changement est possible au niveau national.

« C’est un candidat rafraîchissant et il arrive à un moment où la plupart des jeunes ont perdu foi en notre propre système politique, a-t-elle justifié. Son intégrité, sa passion et son énergie ravivent notre intérêt politique. Il est capable de réunir des foules de dizaines de milliers de personnes qui en ont assez de l’hypocrisie et des promesses vides de Washington. »

Maatouk a ajouté que même si Sanders ne sera peut-être pas en mesure de remplir tous les objectifs qu’il a fixés, il est cependant appréciable de voir un homme politique s’en prendre aux riches sociétés et défendre le peuple.

Âgée de 17 ans, Rawia Elmuflahi est trop jeune pour voter, mais elle est venue au meeting pour afficher son soutien pour Sanders.

« Il est sincère, a-t-elle expliqué. Il est franc et dit ce en quoi il croit. »

Mahdi Shukr, étudiant au Henry Ford College, a expliqué qu’il soutenait Sanders pour son programme en matière d’éducation. Interrogé sur la capacité du candidat à mener à bien son projet d’élimination des frais de scolarité, Shoukr a répondu : « Je l’espère, pour ma dette. »

Toutes les personnes qui ont assisté au meeting de campagne à Dearborn ont été soumises à un contrôle de sécurité. Les partisans ont patienté devant le bâtiment pendant des heures jusqu’à l’ouverture des portes.

« Trois heures de queue pour voir #BernieSanders. La dernière fois que j’ai attendu aussi longtemps pour voir un juif c’était à l’aéroport de Tel Aviv », a tweeté Amer Zahr, le comédien.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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