Les frappes aériennes du gouvernement syrien financées par des comptes offshores sur liste noire
Le gouvernement syrien a contourné les sanctions internationales par l’intermédiaire de sociétés-écrans pour fournir en carburant ses avions militaires, selon des documents divulgués connus sous le nom de « Panama Papers » et consultés par le journal Le Monde.
Le quotidien a rapporté lundi que trois sociétés syriennes – Pangates International, Maxima Middle East Trading et Morgan Additives Manufacturing – ont eu recours aux services du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca pour créer des sociétés-écrans dans les Seychelles.
Le Monde, partenaire dans l’enquête des médias internationaux qui a duré un an et a analysé 11,5 millions de documents divulgués provenant du cabinet d’avocats Mossack Fonseca, a déclaré que les sociétés-écrans constituaient « une façon, pour le régime syrien, de contourner les sanctions internationales qui le frappent depuis le début de la guerre ».
Les trois sociétés ont fait l’objet de sanctions américaines pour avoir fourni des produits pétroliers, notamment du carburant aviation à l’armée de l’air du président Bachar al-Assad.
L’Office of Foreign Assets Control (OFAC), le Bureau de contrôle des avoirs à l’étranger qui est chargé de la mise en œuvre des sanctions au sein du Trésor américain, a annoncé des sanctions en 2014 interdisant aux Américains de travailler avec des individus et des institutions qui soutiennent le gouvernement syrien.
Un rapport publié par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) lundi montre que le cabinet d’avocats international a fait des affaires avec au moins une de ces sociétés, Pangates, pendant au moins neuf mois après que le gouvernement des États-Unis les a sanctionnées pour leur contribution à l’effort de guerre du gouvernement syrien.
Selon le rapport, l’OFAC a inscrit Pangates sur liste noire en juillet 2014 et a accusé la société d’avoir fourni 1 000 tonnes métriques d’« avgas » – le carburant pour l’aviation militaire – au gouvernement d’Assad.
Pangates appartient au groupe Abdulkarim basé à Damas, lequel est proche du gouvernement syrien, selon Le Monde.
Dans un article de Reuters en 2013, Pangates avait admis avoir expédié du pétrole en Syrie mais avait souligné ne pas connaître la destination ni l’utilisation finale de ce pétrole.
« Nous vendons à des entreprises qui ne sont pas syrienne et qui n’apparaissent pas sur la liste des sanctions de l’UE et des États-Unis », avait indiqué la société. « Nous ne savons pas exactement qui est l’utilisateur final du carburant, mais selon nos informations, le produit est utilisé à des fins humanitaires civiles. »
Mossack Fonseca, dont le siège social se situe au Panama, a collaboré avec au moins 33 personnes et entreprises inscrites sur la liste noire des États-Unis en raison d’actes répréhensibles, d’après l’ICIJ.
Depuis le début de la guerre de Syrie en 2011, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et des milliers de maisons détruites par des raids aériens et des frappes de bombes-barils.
L’enquête, coordonnée par l’ICIJ, a dévoilé un enchevêtrement de transactions financières réalisées par les élites mondiales, notamment des membres de la famille du président syrien Bachar al-Assad.
Deux cousins d’Assad, Rami et Hafez Makhlouf, ont eu recours à Mossack Fonseca pour gérer leurs vastes et lucratifs investissements découlant de leur relation avec le chef de l’État syrien.
L’ICIJ a rapporté qu’en 2002, Rami Makhlouf a cofondé Syriatel, une entreprise de téléphonie mobile syrienne, et qu’il a ensuite pris 73 % des actions, dont la plupart a été enregistrée dans une société des îles Vierges britanniques qu’il possédait.
Les documents révèlent que les frères Makhlouf étaient titulaires d’un grand nombre de comptes bancaires à Genève.
Les documents montrent que, en février 2011, à peu près au moment où les manifestations ont éclaté contre Assad, le personnel de Mossack Fonseca avait discuté par email des allégations de corruption portées contre la famille Makhlouf et des sanctions imposées par le Trésor américain, selon l’ICIJ.
En juin 2011, la British Virgin Islands Financial Services Commission a écrit à Mossack Fonseca concernant une enquête sur le blanchiment d’argent menée contre la famille, ce qui a incité le cabinet d’avocats à couper ultérieurement ses liens avec la famille Makhlouf.
Aucun des deux frères Makhlouf n’a répondu aux demandes de commentaires de l’ICIJ.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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