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En Irak, al-Maliki passe à l’attaque en complotant un « coup d’État vengeance » contre al-Abadi

D’après l’une de nos sources, tout n’est qu’une histoire de vengeance. Al-Maliki veut porter un coup à al-Abadi, quelles qu’en soient les conséquences
L’ancien Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, semble tirer les ficelles du parlement (AFP)

Un coup d’État parlementaire a été orchestré jeudi dernier par l’ancien Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, d’après les déclarations effectuées au Middle East Eye par des membres du parlement et des hauts responsables politiques irakiens.

Mercredi 13 avril, plus de 170 membres du parlement irakien ont protesté contre les chefs des blocs parlementaires qui ont entravé les efforts de réforme du Premier ministre, Haïder al-Abadi, visant à mettre en place un gouvernement de technocrates, et ont observé un sit-in au sein du parlement. Le lendemain, les parlementaires en colère ont voté la destitution du président du parlement, Salim al-Joubouri.

Les membres du parlement ont déclaré suivre les règles parlementaires, mais il est probable que la Cour suprême fédérale rejette cette décision pour des raisons de procédure. Pendant ce temps, les membres du parlement contestataires pourraient choisir un nouveau président du parlement avant de remettre en cause la légitimité du Premier ministre et du président, avec l’intention publiquement annoncée de les faire tomber.

Pour endiguer cette situation, ou tout au moins pour l’apaiser, des personnalités politiques impliquées dans les discussions ont déclaré à MEE que les chefs des blocs politiques devront négocier avec al-Maliki, qui contrôle plus de deux tiers des parlementaires qui se sont rebellés.

« Ceux qui ont orchestré le coup d’État sont des parlementaires partisans de al-Maliki et ils ont agi sous sa supervision », a déclaré un haut dirigeant chiite informé des négociations en cours au sein du bloc politique, lors d’une déclaration à MEE, sous couvert d’anonymat. « Je dispose de tous les messages et de toutes les instructions qu’il a envoyés à ses partisans », a-t-il déclaré. « C’est lui qui tire toutes les ficelles. Il peut poursuivre dans cette direction ou y mettre un terme. »

Al-Maliki a été le chef du gouvernement irakien de 2006 à 2014. En dépit d’une victoire éclatante lors des élections de 2014, des opposants politiques et des religieux chiites l’ont empêché d’effectuer son troisième mandat, après que de nombreux Irakiens lui ont reproché la perte impressionante de presque un tiers du territoire irakien au profit du groupe État Islamique. Al-Abadi, membre du parti politique d’al-Maliki, lui a succédé à la tête du gouvernement, soutenu par les rivaux chiites, sunnites et kurdes d’al-Maliki.

Al-Maliki a été nommé vice-président, mais al-Abadi, en réponse à d’importantes manifestations, a mis un terme au mandat d’al-Maliki en août dernier lors d’une première vague de réformes. Depuis lors, le climat entre al-Maliki et ses rivaux a été particulièrement tendu.

« Le peuple irakien veut des réformes et nous [les membres du parlement contestataires] sommes autorisés par le peuple irakien à trouver une manière d’accomplir cette réforme, cela commence … par la nécessité de remplacer les trois hauts dirigeants », a déclaré jeudi dernier lors d’une interview télévisée Ali Subhai, un parlementaire également membre du bloc de l’État de droit et neveu d’al-Maliki.

« Ces fonctions ne sont pas uniquement destinées à ces personnes. Ils ne représentent pas l’Irak. Nous représentons le peuple irakien, pas le président du parlement, ni le Premier ministre, ni le président », a déclaré Ali Subhai.

Depuis le mois d’août, des manifestations ont eu lieu toutes les semaines en Irak afin de protester contre le manque de services de base et contre la corruption administrative et financière qui sévit au sein des ministères. Les manifestations ont pris de l’ampleur lorsque le dignitaire religieux chiite Moqtada al-Sadr a commencé à les soutenir et a demandé à ses partisans de commencer un sit-in le 18 mars aux portes de la Zone verte, siège des bâtiments du gouvernement, du parlement et de plusieurs ambassades.

Plus d’une semaine plus tard, al-Sadr a fait monter la tension d’un cran en entamant son propre sit-in à l’intérieur de la Zone verte, à seulement quelques mètres de l’entrée intérieure du cabinet et du parlement. Il exigeait d’al-Abadi qu’il forme un « gouvernement de technocrates indépendants » libérés de l’influence des blocs politiques au sein du parlement.

Les blocs ont répondu à la pression d’al-Sadr. Ils ont voté le 31 mars l’abandon de leur système de partage du pouvoir et accepté la mise en place du nouveau cabinet de technocrates d’al-Abadi sous 10 jours.

Après qu’al-Sadr a mis fin à son sit-in et appelé ses partisans à rentrer chez eux, les blocs politiques sont revenus sur leurs positions.

Le retour des blocs qui se partagent le pouvoir

La semaine dernière, Ammar al-Hakim (chef du bloc al-Mouwaten), Oussama al-Nujaifi (chef des Forces unies sunnites), Saleh al-Mutlaq (chef du Front national du dialogue), Hadi al-Ameri (chef de l’Organisation Badr), al-Joubouri (président du Parlement), Fouad Massoum (président irakien), al-Abadi et quelques autres personnes ont signé un document intitulé « Document National relatif à la réforme ».

Le document vise à maintenir l’accord portant sur le partage du pouvoir politique et à élargir l’influence des blocs politiques sur les décisions et les fonctions de hauts dirigeants. Le texte, que MEE est parvenu à se procurer, se composait de 12 articles. La plupart d’entre eux étaient rédigés de manière à maintenir le système de partage du pouvoir.

« Mettre en place un conseil politique consultatif, parallèlement au Premier ministre, au président irakien et au président du parlement, dont les membres se composent des chefs des principales forces politiques du pays … qui se réunira tous les mois pour discuter des stratégies du pays », stipule l’un des articles.

« Les blocs politiques vont présenter au Premier ministre la liste de leurs candidats au cabinet, et il les choisira de manière à assurer le partage national [du pouvoir] », souligne un autre article.

Le document a fait naître sur les médias sociaux une vague de colère et de scepticisme de la part des Irakiens.

Quelques heures plus tard, al-Sadr, qui a boycotté la réunion des chefs de blocs politiques, est parti pour rejoindre Beyrouth.

Mercredi 13 avril, le bloc parlementaire d’al-Sadr, la plupart des parlementaires membres du bloc de l’État de droit d’al-Maliki et de nombreux membres du parlement sunnites dissidents de leur bloc se sont soulevés contre la décision d’al-Joubouri de lever la séance avant même d’avoir voté la liste du nouveau Cabinet d’al-Abadi.

Révoltés, les membres du parlement ont conspué l’accord de partage du pouvoir et les chefs des blocs politiques, avant de commencer leur sit-in au sein même du parlement.

Samedi, al-Sadr a accusé al-Maliki et ses partisans d’essayer de tirer profit du sit-in parlementaire à des « fins personnelles et politiques ».

« Tout n’est qu’une histoire de vengeance. Al-Maliki veut porter un coup à al-Abadi, quelles qu’en soient les conséquences. Al-Joubouri n’était pas la cible. La véritable cible est al-Abadi », a indiqué Abdulwahid Tuama, analyste politique irakien, à MEE. « Il [al-Maliki] continuera jusqu’à mettre al-Abadi à terre », a-t-il ajouté. « Al-Maliki ne s’arrêtera pas avant d’avoir obtenu ce qu’il veut. »

Pour calmer les esprits, al-Abadi a proposé de repousser la refonte de son cabinet en indiquant que « les tensions qui en découlent peuvent faire obstacle au travail du gouvernement et affecter les opérations militaires » contre l’organisation État Islamique. Fouad Massoum, le président, a proposé de « mettre fin au partage du pouvoir politique au sein de tous les ministères de l’État, des corps indépendants, des corps diplomatiques et militaires, ainsi que des institutions impliquées dans la sécurité ».

 « Nous voulons rendre à l’État tout son prestige et redessiner les institutions dirigeantes, et ces objectifs ne peuvent être atteints que par la mise en place d’un Premier ministre avisé, courageux et fédérateur », a déclaré l’un des conseillers d’al-Maliki à MEE, sous couvert d’anonymat.

« Ce gouvernement a fragilisé la situation en Irak, les choses doivent donc changer », a expliqué le conseiller d’al-Maliki. « Des discussions ont eu lieu et nous avions initialement donné notre accord sur plusieurs points, mais nous ne nous arrêterons pas à al-Joubouri. »

 
Traduction de l'anglais (original) par STiiL.
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