Comment Tony Blair a menti au Parlement pour tenir sa promesse de guerre faite à Bush
Tentons une expérience mentale. Supposons que les États-Unis, soutenus par le Royaume-Uni, n’aient pas envahi l’Irak.
Que serait-il arrivé ? Certes, il ne pourra jamais y avoir de réponse définitive, mais il est difficile d’imaginer que le monde serait dans un pire état que maintenant.
L’Irak en tant qu’État se serait-il effondré ? Des terroristes encore plus barbares qu’al-Qaïda occuperaient-il aujourd’hui de vastes territoires et s’en prendraient-ils à leur population ? Des milliers d’Irakiens seraient-ils morts inutilement et prématurément ?
Le Moyen-Orient serait-il aujourd’hui en flammes, poussant un nombre incalculable de ses habitants à chercher refuge en Europe ?
La vérité est que Tony Blair a contribué à promouvoir ce qui est jusqu’à présent la plus grande calamité du XXIe siècle. Il ne fait selon moi aucun doute qu’il a menti au peuple britannique, et il y a même lieu de le considérer comme un criminel de guerre.
Je ne suis arrivé à cette conclusion qu’après avoir examiné scientifiquement l’énorme masse de preuves fournies à l’enquête sur l’Irak dirigée par Sir John Chilcot, qui a commencé il y a sept ans.
Son rapport, publié le 6 juillet, pourrait comporter environ 2 millions de mots, soit près de quatre fois la longueur de Guerre et Paix. Pour l’essentiel, cependant, il se résumera à quelques questions cruciales...
L’ENGAGEMENT SECRET DE BLAIR
En janvier 2002, le président George W. Bush a surpris la plupart de ses alliés quand il a désigné l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord comme un « axe du mal qui s’arme pour menacer la paix dans le monde ».
L’Irak, a-t-il affirmé, complote depuis plus d’une décennie pour développer de l’anthrax, du gaz neurotoxique et des armes nucléaires. En tant que partisan de la « terreur », il pourrait bien les fournir à des terroristes.
En réalité, aucune preuve n’est venue soutenir cette dernière affirmation : non seulement Saddam Hussein était idéologiquement opposé à al-Qaïda, mais il ne l’aurait pas non plus autorisé à opérer sur son territoire.
Quoi qu’il en fût, les États-Unis se sont alors mis à la recherche d’alliés en vue d’une attaque contre l’Irak. Ainsi, Bush a invité Blair et sa famille à lui rendre visite dans son ranch familial à Crawford, au Texas, en avril de cette même année, près d’un an avant l’invasion.
Fait rare, il n’y avait pas de conseillers présents et aucune note n’a été prise. De quoi ont-ils donc discuté ?
Bush a expliqué que les États-Unis étaient engagés en faveur d’un changement de régime : ils voulaient se débarrasser de Saddam au motif que le monde aurait été meilleur sans lui. Cet objectif présentait cependant un gros problème.
En vertu du droit international, un changement de régime ne peut jamais constituer le motif de l’invasion d’un autre pays. Non pas que cela comptait pour Bush et son cercle – en ce qui les concernait, le droit international était une plaisanterie.
Tony Blair a exprimé son vif soutien à un changement de régime, mais a indiqué à Bush qu’il lui fallait être couvert par le droit international en recherchant le soutien des Nations unies. Des observateurs bien placés pensent qu’il s’est également engagé en privé à embarquer la Grande-Bretagne dans la guerre.
Des documents présentés plus tard à l’enquête Chilcot ont exposé très clairement le contexte de leur dialogue.
Le 12 mars 2002, quelques semaines avant le sommet de Crawford, David Manning, conseiller principal en politique étrangère de Blair, a eu une conversation avec Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale de Bush. Le Premier ministre « ne transigera pas dans [son] soutien à un changement de régime », lui a assuré Manning.
Cinq jours plus tard, Christopher Meyer, ambassadeur du Royaume-Uni à Washington, a rencontré le secrétaire adjoint américain à la Défense Paul Wolfowitz. Meyer lui a affirmé que la Grande-Bretagne « [soutenait] le changement de régime, mais [que] le plan [devait] être intelligemment pensé et [que] l’échec [n’était] pas une option ».
Le 25 mars, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Jack Straw a envoyé au Premier ministre britannique une note astucieuse juste avant la rencontre avec Bush.
Pour apporter une couverture juridique et un prétexte plausible pour la guerre, a-t-il indiqué, Blair avait besoin de présenter comme objectif l’élimination des capacités irakiennes en armes de destruction massive (ADM) plutôt qu’un changement de régime. La première étape aurait été d’envoyer des inspecteurs en désarmement en Irak
Mais des inspections auraient-elles pu contribuer à apporter un changement de régime ? Selon Christopher Meyer, le plan était de « déstabiliser Saddam avec les inspecteurs ».
Une retranscription divulguée de plusieurs minutes d’une rencontre au 10 Downing Street au mois de juillet de cette année révèle que Blair était du même avis : « Cela ferait une grande différence sur le plan politique et juridique si Saddam refusait de laisser entrer les inspecteurs de l’ONU [...] Si le contexte politique était le bon, les gens soutiendraient le changement de régime », a-t-il affirmé.
Ici, le Premier ministre exprimait l’espoir que Saddam refuse de laisser entrer les inspecteurs de l’ONU dans son pays. Pourtant, en public, il a affiché à de nombreuses reprises son engagement pour assurer le désarmement de l’Irak par des moyens pacifiques.
Blair soutenait-il donc le changement de régime dès le départ ? Lorsqu’on lui a demandé dans le cadre de l’enquête Chilcot s’il avait considéré cela comme un « objectif valable », sa réponse a été sans équivoque: « La question absolument essentielle était celle des ADM », a-t-il affirmé.
Cette affirmation a cependant été mise à mal par plusieurs extraits des journaux de son spin doctor Alastair Campbell.
Par exemple, le 2 avril 2002, Campbell a écrit : « Nous avons discuté pour savoir si l’objectif central était les ADM ou un changement de régime [...] TB a estimé que c’était un changement de régime, en partie à cause des ADM, mais plus largement en raison de la menace pour la région et le monde. »
En bref, je suis convaincu que Blair s’est engagé en faveur d’un changement de régime – et a accepté de soutenir une action militaire – lors de ses entretiens secrets avec Bush.
ADM : LES MENSONGES
Blair devait désormais persuader le public d’identifier Saddam comme une menace urgente. Ainsi, au cours des mois qui ont suivi la rencontre au ranch de Crawford, il s’est consacré avec ses conseillers à prouver que Saddam était un monstre infernal voulant à tout prix détruire ses voisins, et peut-être même la Grande-Bretagne.
Du point de vue de Blair, il y avait un pépin gigantesque. Il ne disposait d’aucune preuve sérieuse que Saddam possédait des « armes de destruction massive » viables.
En outre, les responsables britanniques étaient au courant de la fragilité des preuves. L’un de ces responsables était Carne Ross, à l’époque expert principal de l’Irak auprès des Nations unies, qui avait lu chaque jour tous les briefings sur l’Irak des services de renseignement britanniques et américains pendant quatre ans et demi.
Comme il l’a expliqué dans le cadre de l’enquête Chilcot, « il y avait environ une douzaine de missiles Scud non comptabilisés, les forces aériennes irakiennes ont été réduites jusqu’à devenir totalement inefficaces, son armée était le pâle reflet de sa puissance antérieure, il n’y avait aucune preuve d’un lien entre l’Irak et une quelconque organisation terroriste qui aurait planifié une attaque à l’aide des ADM irakiennes [...] »
« En outre, aucun renseignement ni aucune évaluation [...] n’indiquait que l’Irak avait l’intention de lancer une attaque contre ses voisins, le Royaume-Uni ou les États-Unis. »
En d’autres termes, l’Irak a seulement représenté une menace limitée pour ses voisins, voire nulle pour la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Pourtant, dès le début de l’année 2002, Tony Blair a commencé à délivrer une série de déclarations fallacieuses et trompeuses au sujet de l’existence et du développement des prétendues armes de destruction massive irakiennes.
Il s’est exprimé pour NBC News en avril : « Nous savons qu’il [Saddam] a de larges stocks d’armes chimiques et biologiques, nous savons qu’il tente d’acquérir une capacité nucléaire, nous savons qu’il tente de développer sa capacité dans le domaine des missiles balistiques. »
Trois jours plus tard, lors d’une conférence de presse avec Bush, Blair a informé les journalistes : « Nous savons que [Saddam] a mis au point ces armes. Nous savons que ces armes constituent une menace. »
Puis, le 10 avril, il s’est exprimé à la Chambre des communes : « Le régime de Saddam Hussein est méprisable ; il développe des armes de destruction massive et nous ne pouvons pas le laisser faire de façon incontrôlée. Il représente une menace pour son propre peuple et pour la région, mais aussi pour nous si on le laisse développer ces armes. »
Où a-t-il obtenu ces informations ? Certainement pas auprès des services de renseignement.
Les évaluations faites par le Joint Intelligence Committee (JIC) au mois de mars de cette même année avaient été prudentes.
« Les renseignements sur les armes de destruction massive (ADM) et les programmes de missiles balistiques de l’Irak sont sporadiques et incomplets, a indiqué le JIC. D’après les preuves dont nous disposons, nous pensons que l’Irak [...] a peut-être caché un faible nombre d’agents et d’armes. »
Les divergences entre les évaluations des services de renseignement et les déclarations de Blair sont criantes.
Alors que le JIC laissait entendre que l’Irak disposait peut-être d’une petite quantité d’armes chimiques, Blair affirmait que « nous [savions] que [Saddam] [disposait] de stocks importants de produits chimiques et d’armes biologiques ».
Par conséquent, les déclarations de Blair aux médias et au Parlement étaient à tout le moins des déformations grossières des renseignements. Néanmoins, celles-ci étaient vitales pour plaider la cause de la guerre.
LA MANIPULATION DES RENSEIGNEMENTS
En février 2002, le gouvernement avait commencé à compiler un document destiné au public sur les capacités destructrices massives de quatre pays : l’Iran, l’Irak, la Libye et la Corée du Nord.
Presque aussitôt, une question a été soulevée : pourquoi engager une action militaire contre l’Irak plutôt que contre l’un des autres pays ? En réalité, les services de renseignement considéraient l’Irak comme le troisième voire le quatrième pays le plus dangereux de cette liste.
Le 15 mars, John Scarlett, président du JIC, a suggéré une solution : « Vous pourriez toujours vous demander si le document peut avoir plus d’impact en ne couvrant que l’Irak. Cela aurait l’avantage d’occulter le fait qu’en termes d’ADM, l’Irak n’a rien d’exceptionnel. »
Il a donc été convenu que le dossier, compilé avec l’aide du Secret Intelligence Service (SIS), devait se focaliser uniquement sur l’Irak. Après cela, les déclarations prudentes des services de renseignement ont été simplement réécrites sous la forme de propagande.
Dans l’avant-propos du dossier, Blair a par exemple déclaré fermement : « Sur la base des renseignements traités, il ne fait selon moi aucun doute que Saddam a continué de produire des armes chimiques et biologiques, qu’il poursuit ses efforts visant à développer des armes nucléaires et qu’il a été en mesure d’étendre la portée de son programme de missiles balistiques. »
La quasi-totalité de ces affirmations se sont avérées trompeuses. Pourtant, les chefs des services de renseignement, Richard Dearlove et John Scarlett, ont tous deux scandaleusement toléré l’utilisation des renseignements secrets par le New Labour sous la forme de propagande.
Tous deux avaient été aspirés dans le cercle intime du Premier ministre : Scarlett a par exemple assisté à des réunions présidées par le spin doctor de Blair. Il a même fait partie d’un groupe d’assistants qui tournaient sans cesse autour d’un porte-parole lorsqu’il rédigeait un communiqué de presse.
Je n’ai trouvé aucune preuve indiquant que Scarlett ou Dearlove se sont plaints un jour que leur travail ait été déformé par le 10 Downing Street. En d’autres termes, ils sont tous deux entrés dans une conspiration tacite visant à tromper le peuple britannique.
LE CASSE-TÊTE DE BLAIR
En septembre, Bush a donné à Saddam une dernière chance pour se désarmer et a insisté pour que des inspecteurs de l’ONU (sous la direction d’Hans Blix) soient redéployés en Irak pour la première fois depuis 1998.
Quelques jours plus tard, l’Irak a accepté. Si Blair avait été sacrifié à ce stade, il aurait pu être classé aujourd’hui parmi les plus grands hommes d’État internationaux de l’ère moderne. Malheureusement, à partir de ce moment, rien ne s’est passé comme prévu.
À la surprise de nombreux observateurs, les inspecteurs ont eu accès à tous les sites qu’ils ont demandé à visiter. En trois mois, ils ont procédé à plus de 900 inspections sur plus de 500 sites.
Sur tous ces sites, ils n’ont trouvé aucune ADM ni même aucune preuve de l’existence d’un programme nucléaire. Cela a signifié un gros casse-tête pour Blair.
Il devait désormais faire un choix entre les Nations unies et les États-Unis, entre la légalité et l’illégalité, entre la paix et la guerre.
La plupart des membres du Conseil de sécurité de l’ONU voulaient que les inspecteurs en désarmement poursuivent leur travail jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits quant au désarmement de l’Irak.
L’alternative, à savoir une invasion, « pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile », a déclaré le Premier ministre français Dominique de Villepin. « Elle renforcerait le sentiment d’injustice, aggraverait les tensions et risquerait d’ouvrir la voie à d’autres conflits. »
Blair n’écoutait pas. Tout porte à croire qu’il avait déjà décidé d’abandonner la voie de l’ONU et de rejoindre les États-Unis dans une attaque contre l’Irak.
Bien sûr, il lui fallait encore montrer que l’invasion était légale, et malheureusement, son procureur général Peter Goldsmith n’était pas de cet avis. Cependant, presque au dernier moment, Goldsmith a obligeamment révisé son avis juridique et éliminé ainsi le dernier obstacle majeur à la guerre.
Elizabeth Wilmshurst, conseillère juridique adjointe au Foreign Office, a alors démissionné de façon mémorable. L’ensemble des 27 membres de l’équipe juridique du Foreign Office partageait son point de vue au sujet de l’illégalité de la guerre.
LES MENSONGES AU PARLEMENT
Le 17 mars 2003, Blair a annoncé à son cabinet que la Grande-Bretagne rejoindrait l’invasion de Bush quoi qu’il arrive. Le lendemain, les députés ont été invités à voter une motion pour autoriser la guerre.
Chose remarquable, même la motion de Blair était en elle-même trompeuse : elle indiquait que le président Jacques Chirac avait déclaré dans une interview télévisée que la France opposerait toujours son veto à une résolution de l’ONU autorisant une action militaire contre l’Irak.
En réalité, Chirac a affirmé que si les inspecteurs en désarmement indiquaient que le désarmement par l’inspection était impossible, alors « hélas, la guerre deviendrait inévitable ».
Non seulement les députés n’ont pas relevé ce détail, mais ils n’ont pas non plus contesté Blair sur d’autres affirmations et omissions gravement trompeuses.
Dans un discours passionné devant la Chambre, il a décrit un rapport fraîchement produit par les inspecteurs en désarmement comme un « document remarquable » et donné l’impression que celui-ci contenait de nouvelles preuves accablantes.
Citant une section sur le gaz moutarde, il a déclaré : « Le gaz moutarde constituait une partie importante de l’arsenal [d’armes chimiques] de l’Irak : 550 projectiles remplis de gaz moutarde et jusqu’à 450 bombes aériennes remplies de gaz moutarde non comptabilisés. »
En réalité, le rapport n’a pas affirmé que l’Irak possédait des armes interdites, mais simplement que certains équipements étaient « non comptabilisés ». Et la déclaration alarmiste de Blair avait en réalité une tout autre signification si on lisait dans son intégralité le texte duquel elle était tirée.
Les projectiles et bombes remplis de gaz moutarde qu’il avait mentionnés étaient non comptabilisés depuis 1998. « Selon une enquête, a déclaré le rapport, la divergence dans la comptabilisation des projectiles remplis de gaz moutarde pourrait être expliquée par le fait que l’Irak avait basé sa comptabilisation sur des approximations. »
En d’autres termes, les projectiles contenant du gaz moutarde n’ont peut-être jamais existé.
Mais Blair ne s’est pas arrêté là. Il a également indiqué aux députés qu’entre autres armes non comptabilisées depuis 1998 figuraient « un programme d’armement de grande portée en gaz neurotoxique VX » ainsi que « des réserves non quantifiables de gaz sarin, de toxine botulique et d’un tas d’autres poisons biologiques ».
« Aujourd’hui, on nous demande sérieusement d’accepter qu’au cours des dernières années, contrairement à ce qu’indiquent l’histoire et tous les renseignements, Saddam a décidé unilatéralement de détruire ces armes. Je dis qu’une telle affirmation est manifestement absurde », a-t-il tonné.
Encore une fois, il induisait gravement en erreur la Chambre des communes. Le rapport avait clairement indiqué que toute réserve « non comptabilisée » de gaz sarin, de VX et de toxine botulique aurait été détériorée avant 2003 et n’aurait donc plus été efficace au cours d’une guerre.
Blair s’est ensuite tourné vers la défection en 1995 du gendre de Saddam, Hussein Kamal, qui avait été interrogé par les inspecteurs en désarmement internationaux après son arrivée en Jordanie.
Kamel, a déclaré Blair, avait révélé un vaste programme d’armes biologiques « et avait déclaré pour la première fois que l’Irak avait militarisé le programme ».
Ces affirmations semblaient effrayantes, à moins que l’on n’eût connu le reste de l’histoire. Kamel, qui était en charge des programmes d’armes biologiques et chimiques de l’Irak, avait également insisté sur le fait que toutes les ADM irakiennes avaient été détruites sur ses ordres.
Kamel avait-il simplement feint une défection pour semer la désinformation ? Probablement pas. Quelques mois après avoir informé les inspecteurs, il a été incité à revenir en Irak par Saddam, qui l’a promptement fait exécuter.
L’argumentaire le plus ahurissant de Blair au Parlement concernait la possibilité de voir Saddam donner aux terroristes des ADM ou même « une bombe radiologique, dite "sale" ». « [Il s’agit] à mon avis d’un danger réel et actuel pour la Grande-Bretagne et sa sécurité nationale », a-t-il affirmé.
Ce qu’il n’a pas mentionné, c’est qu’il avait récemment reçu une évaluation des services de renseignement, qui précisait les points suivants :
1. Aucun renseignement n’indiquait que l’Irak avait fourni des agents chimiques ou biologiques à al-Qaïda ou avait l’intention de contribuer à des attaques terroristes ;
2. En cas de chute du régime de Saddam, il existait un risque de voir ces agents tomber entre les mains de terroristes ;
3. Al-Qaïda et les groupes associés représentaient toujours de loin la plus grande menace terroriste pour les intérêts occidentaux et cette menace serait renforcée par une action militaire contre l’Irak.
Les députés ont dûment adopté la motion pour entrer en guerre à une écrasante majorité de 412 voix contre 149.
LA GUERRE
Le même jour où Tony Blair persuadait les députés de le soutenir, les inspecteurs de l’ONU ont été retirés d’Irak pour leur sécurité.
La date de l’invasion n’a pas été déterminée par les progrès effectués par les inspections en désarmement. Elle a uniquement été déterminée par le calendrier militaire américain, auquel le Royaume-Uni avait consenti.
Le 19 mars 2003, les alliés ont lancé une offensive de choc et d’effroi écrasante par voie aérienne et terrestre contre l’armée inférieure et réticente de Saddam.
La Grande-Bretagne a perdu 179 soldats, les Américains plus de 4 000, tandis que des milliers d’autres ont subi des séquelles physiques ou psychologiques permanentes.
Le nombre de civils irakiens qui ont péri directement ou indirectement à cause de la guerre est estimé approximativement entre 800 000 et 1 million de personnes.
|
---|
Tony Blair nous a dit que nous partions en guerre dans le but de faire du monde, notamment de la Grande-Bretagne, un endroit plus sûr. Il est donc important de se demander si l’invasion de l’Irak a rendu les rues britanniques plus sûres. Les preuves présentées à la commission d’enquête Chilcot par la baronne Eliza Manningham-Buller – l’ancienne directrice générale du MI5 – étaient effroyablement claires sur ce point. On lui a demandé : « Dans quelle mesure le conflit en Irak aggrave-t-il la menace globale à laquelle votre service et les services semblables sont confrontés au regard du terrorisme international ? » Sa réponse : « Considérablement. » Il existait des preuves tangibles étayant cela, selon elle. « Un nombre croissant de personnes d’origine britannique vivant et élevées dans ce pays, de la troisième génération pour certains, ont été attirées par l’idéologie d’Oussama ben Laden et ont vu les activités de l’Occident en Irak et en Afghanistan comme une menace pour leurs coreligionnaires et le monde musulman. » En effet, le fait que les attentats de Londres de juillet 2005 aient été perpétrés par des citoyens britanniques n’était pas une surprise pour le MI5. Même avant cela, au lendemain de l’invasion, les menaces à la Grande-Bretagne avaient augmenté de façon substantielle, à tel point que Manningham-Butler avait été contrainte de demander à Blair de doubler le budget du MI5. « C’est sans précédent », a-t-elle affirmé à la commission d’enquête. « Mais le Trésor, le chancelier et lui l’ont accepté parce que j’étais en mesure de démontrer l’ampleur du problème auquel nous étions confrontés. » Avait-elle prévenu le gouvernement qu’al-Qaïda risquait de constituer une menace accrue suite à l’invasion ? Bien sûr qu’elle l’a fait. Les ministres, a-t-elle déclaré, « ne peuvent avoir douté » que, de l’avis des services de renseignement, l’invasion de l’Irak augmenterait la menace pour la Grande-Bretagne. Pourtant, Tony Blair n’a jamais fait part de tout cela au public dans la perspective de la guerre – pour des raisons évidentes. Vu par beaucoup à Whitehall comme un parent pauvre du Secret Intelligence Service (SIS, aussi connu sous le nom de MI6), le MI5 sort de la tragédie en Irak avec sa réputation renforcée. Contrairement au SIS, qui s’est bien trop empressé d’aider Blair à prôner la guerre, le MI5 a sobrement prédit que la Grande-Bretagne allait bientôt faire face à une menace beaucoup plus sérieuse de la part d’al-Qaïda. Cet avertissement n’a pas été transmis au Parlement par le moindre ministre. Si les députés avaient été au courant de ces évaluations des services de renseignement, ils pourraient ne pas avoir voté le feu vert à la guerre. Et le MI5 n’aurait pas eu à consacrer une grande partie de son énergie et de ses ressources pour gérer ses conséquences. |
– Peter Oborne a été désigné journaliste indépendant de l’année 2016 à l’occasion des Online Media Awards pour un article qu’il a rédigé pour Middle East Eye. Il a reçu le prix de Chroniqueur britannique de l’année lors des British Press Awards de 2013. En 2015, il a démissionné de son poste de chroniqueur politique du quotidien The Daily Telegraph. Il a publié de nombreux livres dont Le triomphe de la classe politique anglaise, The Rise of Political Lying et Why the West is Wrong about Nuclear Iran.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : des soldats américains aperçus derrière des fenêtres brisées traversent le jardin d’un palais détruit de l’ancien président irakien Saddam Hussein, à Tikrit, le 20 novembre 2003 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].