Là où les anges ont peur de poser le pied : au cœur des ruines de l’héritage chrétien de l’Irak
BARTELLA, Irak – Un membre de l’armée irakienne gravit les escaliers d’une église orthodoxe lourdement endommagée de cette ville chrétienne ancienne. Il tire sur une corde, faisant sonner les cloches au-dessus de lui – des cloches qui sont restées silencieuses pendant les deux ans et trois mois de règne de l’État islamique.
Bartella, une petite ville chrétienne de 2 000 ans, occupe une place particulière dans le cœur de la plupart des chrétiens du Moyen-Orient. Elle a également beaucoup souffert sous l’emprise de l’État islamique, dont le traitement des chrétiens a été largement documenté, avec des crimes et des atrocités allant de l’esclavage au nettoyage ethnique, en passant par les assassinats.
La ville est de nouveau sous le contrôle d’un gouvernement qui promet des libertés religieuses. Des milices chrétiennes ont été impliquées dans sa reprise, tout comme des forces chiites et kurdes.
Mais il serait pour le moins prématuré et potentiellement mortel de croire en toute confiance que Bartella et ses villages environnants ont été entièrement libérés.
En entrant dans le vestibule de l’église, les camarades du soldat irakien ont crié pour que tout le monde se baisse, alors que des balles sifflaient et s’écrasaient au-dessus des têtes.
Les combattants de l’État islamique semblent refuser de reconnaître leur défaite. La majeure partie du contingent de l’État islamique s’est retirée, mais il reste souvent des snipers et des escouades de kamikazes qui rôdent sur les champs de bataille. Ces hommes n’avaient manifestement pas l’intention de repartir.
La campagne à l’est de Mossoul, mais aussi certainement la ville de Bartella, sont criblées de tunnels de l’État islamique – d’où des militants peuvent apparemment surgir à tout moment pour tuer.
Au cours de son règne de près de 28 mois, l’État islamique est parvenu à saccager minutieusement Bartella. Une grande partie de la ville chrétienne a été minée. Les soldats irakiens craignent que malgré un nettoyage intensif, un certain nombre d’engins explosifs n’existent encore.
Les soldats semblaient toutefois ne pas se soucier des tirs essuyés, ni des pièges potentiels. Au lieu de cela, ils se sont précipités là où les anges avaient peur de poser le pied pendant des mois, pour prendre des photos, danser et faire sonner les cloches dans un climat d’euphorie.
Ils avaient le regard d’hommes qui avaient traversé de bien pires épreuves. Pour certains des plus jeunes au moins, la guerre est pratiquement la seule chose que la vie a eu à leur offrir jusqu’à présent.
L’église orthodoxe de Bartella a été lourdement endommagée pendant le règne de l’État islamique.
Certains de ses murs et de ses avant-toits ont été brûlés, tandis que la tour de l’église et la porte principale ont été détruits. Une statue sur un socle a été quasiment décapitée ; il reste toutefois difficile de déterminer si cela est dû aux décisions de l’État islamique en matière d’idolâtrie ou aux batailles.
L’intérieur de l’église est poussiéreux et meurtri, ses fenêtres autrefois décorées sont brisées et ses murs sont profanés par des graffitis de l’État islamique. Les pièces ont été dépouillées de toute leur valeur.
Lorsque le père John, un prêtre orthodoxe aux cheveux gris, est retourné dans sa ville dimanche matin, accompagné de soldats irakiens et de certains fidèles, il n’a pas tardé à constater le nombre d’objets portés disparus, en particulier des livres et des documents.
Avant de partir, le père a emporté avec lui une grande partie de ce qui avait été laissé – juste au cas où. Dans l’une de ses pièces, il avait oublié une peinture représentant la Cène. Une recrue de l’armée irakienne l’a ramassée et l’a déplacée en lieu sûr.
Les extrémistes ont également profané le cimetière local. La plupart des objets antiques et médiévaux ont été détruits. Au vu des choses, les maisons les plus anciennes ont été le plus durement touchées.
Trois jours après sa libération officielle, Bartella ressemblait à un village de Normandie par un jour d’été gris et poussiéreux de 1944. Des décombres gisaient partout où l’on osait marcher.
Et l’église est loin d’être un havre de paix. À seulement 200 mètres de l’église, des soldats irakiens ont posté leur artillerie lourde pour frapper les positions voisines de l’État islamique. Des officiers hurlaient, de la fumée s’élevait et des avions rugissaient au-dessus des têtes.
« La bataille a été difficile. Les dangers sont toujours omniprésents. Nous combattons toujours dans la ville voisine d’al-Hamdaniya. Il y a des pièges partout. Des attentats-suicides peuvent se produire à tout moment », a affirmé Ahmed Buhari, un officier de la « division dorée », une brigade d’élite qui a combattu et vaincu l’État islamique à Ramadi et Falloujah.
Bartella a en grande partie été vidée de ses civils. La plupart des habitants ont depuis longtemps fui la ville, et à ce jour, seulement une douzaine sont revenus. Aucun n’a été trouvé à l’intérieur de la ville, mais des dizaines de civils ont été vus en train de fuir la ligne de front dans des camions remplis de toutes sortes de biens, en direction d’Erbil et des camps de réfugiés.
Et ce n’est pas seulement dû à ce que l’on peut voir à Bartella.
Dans les environs élargis, la dévastation est encore plus importante. Les bombardements de la coalition, l’artillerie kurde et l’action « défensive » de l’État islamique ont rasé une grande partie du front est.
Les champs autrefois exceptionnellement fertiles des plaines de Ninive, que la main humaine n’a pas cultivés pendant au moins deux ans, ont tous été réduits en poussière. Les routes sont criblées de cratères creusés par des bombes. Les usines ne sont guère plus que de la poussière et des décombres. Même les oiseaux sont partis.
Ici, il n’y a pas que le passé qui est en train de mourir. Ici, au moment présent, le futur se meurt également.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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