L’opposition égyptienne s’apprête à annoncer une assemblée « unifiée » contre Sissi
Des figures politiques d’opposition en Égypte ont mis à l’épreuve la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi soutenue par l’armée en annonçant la préparation d’une nouvelle « Assemblée nationale » qui pourrait contribuer à la transition du pays de la dictature vers la démocratie.
Le groupe, qui se fait appeler « G10 », comprend des partis libéraux, laïcs et islamistes, et représente la coalition la plus large jamais rassemblée de démocrates égyptiens qui refusent d’accepter la légitimité du coup d’État militaire de 2013 qui a amené Sissi au pouvoir.
Le groupe affirme être en contact avec les principaux États du Golfe qui finançaient autrefois Sissi, mais qui ont aujourd’hui rompu leurs liens avec le président égyptien et d’anciens membres de l’armée égyptienne.
Un comité préparatoire a été créé, disposant de comités de soutien dans de nombreux pays, dont l’Égypte. L’Assemblée nationale a été créée en tant que parlement alternatif en 2010, après des élections truquées par le président de l’époque, Hosni Moubarak, et a contribué à précipiter la démission de ce dernier après les manifestations de masse qui ont commencé dans les rues le 25 janvier 2011.
L’homme politique libéral Ayman Nour, chef du parti el-Ghad, a déclaré que l’idée était de présenter à l’Égypte un mouvement qui pourrait aider tous les partis et mouvements sociaux à participer.
Dans une interview accordée à Middle East Eye, Nour a expliqué la démarche : « C’est destiné à rassurer les gens, les coptes, les institutions de l’État. C’est une union de gens qui ne sont pas violents et qui ne cherchent pas à se venger. Ils ont des positions politiques équilibrées et à même de tenir compte des différences. Tel est le message que nous portons à la région, où l’on craint que les Frères musulmans ne reprennent le pouvoir, une région qui pense que la seule alternative à Sissi ne peut venir que de l’armée elle-même. »
Nour a rejeté la possibilité que Sissi, impopulaire dans le pays, se soit vu offrir une bouée de sauvetage par le nouveau président américain Donald Trump.
Trump s’est entretenu avec Sissi lors d’un appel téléphonique ce lundi ; un porte-parole de la Maison Blanche a déclaré aux journalistes que les deux hommes avaient « discuté des moyens de renforcer la relation bilatérale et de soutenir le combat de l’Égypte contre les terroristes ».
« Je ne suis pas vraiment aussi pessimiste que les autres au sujet de Trump, parce que je n’étais pas vraiment optimiste avec Obama. Trump est en réalité en train d’injecter du terrorisme dans la région. Il n’est pas une défense contre le terrorisme », a affirmé Nour.
Nour, qui vit aujourd’hui à Istanbul, a indiqué que la position de Sissi était désormais intenable suite à la perte du soutien de l’Arabie saoudite.
« Une petite colline pleine de singes »
« Sissi n’a aucune vision et aucune opportunité réelle, mais cet homme maudit a beaucoup de chance et une partie de sa bonne fortune, c’est nous, l’opposition égyptienne. Je pense que si nous travaillions avec un demi-cerveau ou, disons-le, si les Frères musulmans travaillaient avec un demi-cerveau, Sissi serait aujourd’hui dans un zoo. Nous avons cette créature mi-âne mi-cheval, et cette créature [en arabe] s’appelle Sissi. Il serait à sa place dans ce zoo, mais à côté de cet endroit, il y aurait une petite colline pleine de singes. Je dirais que c’est un endroit plus approprié pour lui. »
Nour a expliqué qu’il était entré en communication avec le roi Salmane d’Arabie saoudite avant son accession au trône en 2015, et a affirmé que le roi saoudien voyait désormais « la vérité nue » au sujet du dirigeant égyptien. Cette prise de conscience a déjà eu son effet sur les relations intra-Golfe, avec le développement en cours d’un important partenariat entre la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar.
Nour a indiqué qu’au cours des trois derniers mois, l’influence de Mohammed ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi, sur le fils du roi Salmane, Mohammed, également ministre saoudien de la Défense, avait « considérablement chuté ». Il a affirmé que l’Arabie saoudite serait désormais « tout aussi heureuse » d’avoir au pouvoir Sami Anan, l’ancien chef d’état-major de l’armée égyptienne – ou n’importe qui d’autre.
Anan, qui est connu pour entretenir des relations étroites avec Riyad, a reçu l’ordre par Sissi de se faire discret, ce qui équivaut presque à une assignation à résidence, a soutenu Nour.
Nour a révélé pour la première fois les principaux noms du comité préparatoire et leur parti. Le comité comprend le mouvement laïc du 6 avril et les deux branches des Frères musulmans, qui ont fait scission suite à la question de la nécessité de moderniser l’organisation.
Mohamed el-Baradei, l’ancien vice-président qui vit en exil en Autriche, est un absent notable de la liste révélée par Nour.
Selon Nour, la situation en Égypte est si mauvaise que personne ne peut arrêter la chute vers le chaos économique et politique.
Quiconque prendrait les rênes après Sissi assumerait une fonction suicidaire, d’où l’importance d’avoir un groupe de figures politiques avec des références démocratiques fortes qui seraient capables de maintenir le pays sur la voie de la démocratie, a indiqué Nour.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].