Radiations, poison, pollution : les Syriens face à une bombe à retardement toxique
La Syrie est confrontée à des catastrophes de santé publique qui persisteront pendant des décennies à cause de la poussière toxique des décombres, de la pollution due aux feux d’hydrocarbures et de l’utilisation d’uranium appauvri par la coalition dirigée par les États-Unis sur les cibles liées à l’État islamique.
La semaine dernière, les États-Unis ont admis avoir tiré des munitions perforantes à l’uranium appauvri dans leur guerre contre l’EI et avoir touché non seulement des cibles militaires, mais aussi des cibles civiles sans protection, comme des camions-citernes de carburant, et ce, en ayant promis le contraire.
Les spécialistes de la santé et de l’environnement affirment que les décombres et la poussière produits par les bombardements et les combats dans les agglomérations pourraient avoir d’énormes répercussions sur la santé, car les particules fines rejetées dans l’atmosphère provoquent de nombreuses maladies respiratoires et s’ajoutent à la pollution causée par le bombardement des infrastructures pétrolières.
L’uranium appauvri est un matériau radioactif et toxique. Aucun État n’accepterait d’y être exposé en temps de paix
– Wim Zwijnenburg du groupe militant néerlandais, PAX
L’organisation néerlandaise pour la paix PAX a déclaré que l’utilisation d’uranium appauvri multipliait les problèmes de santé semblables à ceux qui ravagent l’Irak voisin depuis les guerres de 1991 et 2003.
Des villes telles que Falloujah ont connu une flambée des cas de cancers et de malformations chez les nouveau-nés suite à l’utilisation répandue d’armes comportant de l’uranium appauvri par les forces américaines et alliées.
« Comme ce fut le cas en Irak, les civils [syriens] ont exprimé leur crainte face à une exposition potentielle à l’uranium appauvri, étant donné qu’il s’agit d’un matériau radioactif et toxique », a déclaré Wim Zwijnenburg à Middle East Eye, après une récente visite dans la région pétrolifère de Qayyarah en Irak.
« Aucun État n’accepterait d’être exposé à l’uranium appauvri en temps de paix, l’uranium appauvri est donc fortement réglementé. Nous ne voyons pas pourquoi ces réglementations devraient être jetées aux orties dans ce conflit. »
Puits empoisonnés
Zwijnenburg a indiqué que la menace de maladie dues à l’uranium appauvri s’ajoutait à d’autres pollutions provoquées par la destruction des puits de pétrole dont l’EI s’est emparés.
« Voir le paysage rempli de puits de pétrole en train de brûler, de goudron séché et de terre noircie était apocalyptique », a-t-il déclaré.
Selon Zwijnenburg, sept puits brûlaient encore, mais les incendies devraient s’épuiser d’ici deux mois.
Néanmoins, les organisations humanitaires continuent à s’inquiéter vivement de l’impact sur la santé de ces incendies, a indiqué Zwijnenburg.
Des milliers de raffineries de pétrole de fortune ont vu le jour en Syrie, ce qui pose des risques pour l’environnement et la santé des communautés environnantes.
Zwijnenburg a déclaré que les feux d’hydrocarbures constituaient des menaces immédiates pour la santé à cause de la fumée âcre et des dommages environnementaux, en raison de la production de toxines comme le dioxyde de carbone et le monoxyde de carbone, le plomb, l’azote et les fines particules.
« L’impact à long terme sur le sol et les eaux souterraines devrait être abordé. Le nettoyage et l’assainissement des sites est nécessaire pour prévenir l’exposition des civils à des matières dangereuses en raison des retombées de la fumée et la pollution par les hydrocarbures », a précisé Zwijnenburg.
Réduits en poussière
Richard Sullivan, du groupe de recherche sur les conflits et la santé du King’s College de Londres, a déclaré que la Syrie souffrait déjà de « l’énorme impact » des produits chimiques toxiques rejetés dans l’atmosphère par cinq années de guerre.
Selon Zwijnenburg, environ 60 % des bâtiments en Syrie ont été fortement endommagés ou détruits depuis 2011, leurs décombres libérant des substances toxiques, notamment de l’amiante et des métaux lourds cancérogènes.
Le Toxic Remnants of War Network a déclaré que les effets de la pollution étaient à la fois « omniprésents et sous-étudiés ».
« Lorsque des bâtiments sont [touchés] par des munitions ou endommagés par les ondes de choc générées par les explosions, les matériaux de construction sont pulvérisés, générant de gros volumes de poussière », a déclaré le chercheur Andy Garrity.
L’exposition à de telles poussières « peut avoir des répercussions tant physiques que chimiques sur la santé » car elles contiennent des mélanges de matériaux de construction communs tels que le ciment, les métaux, les polychlorobiphényles, la silice, l’amiante et d’autres fibres synthétiques.
Le matériel électrique couramment utilisé dans les bâtiments est également une source potentielle de contaminants, a précisé Garrity.
Les effets de l’exposition aux décombres varient, d’une irritation immédiate des yeux, du nez, de la gorge et de la peau, aux maladies pulmonaires comme la pneumoconiose.
Les polychlorobiphényles provoqueraient des cancers.
Emilia Wahlstrom, spécialiste des catastrophes environnementales pour l’ONU, a déclaré que les réponses humanitaires immédiates à la guerre étaient souvent axées sur les menaces à court terme, tandis que les complications environnementales et sanitaires étaient souvent négligées.
Cependant, elle a ajouté que des problèmes apparemment immédiats, tels que les décombres bloquant les convois d’aide, étaient également des problèmes à long terme, car les décombres libéraient des substances toxiques dans le sol et contaminaient les réserves d’eau.
Un avenir appauvri
Les crises environnementales causées par les deux guerres majeures en 1991 et 2003 continuent d’affaiblir un grand nombre de civils en Irak et constituent le pire des scénarios pour l’avenir de la Syrie.
Les taux de cancer en Irak sont nettement plus élevés que les niveaux antérieurs à 1991 dans des zones comme Falloujah et Bassorah, tandis que des anomalies congénitales sont également signalées – une étude indique que 15 % des bébés nés depuis 2003 souffrent de malformations congénitales.
L’utilisation intensive d’uranium appauvri a été citée comme l’un des facteurs majeurs de ces crises sanitaires– bien qu’aucun gouvernement n’ait spécifiquement reconnu ses effets, et PAX indique n’avoir trouvé aucun lien entre l’uranium appauvri et les malformations congénitales.
Alors que PAX a déclaré que la majorité des frappes avec l’uranium appauvri en 2003 avaient eu lieu à l’extérieur ou en périphérie de zones fortement peuplées, « davantage d’uranium appauvri a été utilisé proportionnellement dans les frappes sur les villes et villages ».
À la fin de l’année dernière, PAX a publié un rapport avec la Coalition to Ban Uranium Weapons, fondée sur « la diffusion fortuite de données sur les cibles » concernant 1 116 attaques en Irak par des A-10 « antichars » entre le 20 mars et le 15 avril 2003.
Les données ont révélé que les États-Unis et le Royaume-Uni ont tiré 116 000 kg de munitions à l’uranium appauvri dans plus de 1 000 endroits.
L’uranium appauvri est un métal lourd toxique et également légèrement radioactif. Il brûle lorsqu’il atteint une cible et les composés qui en résultent peuvent se propager sur une vaste zone.
« Il est significatif que les données confirment que seules 33 % des cibles des A-10 étaient des chars ou des véhicules blindés, les armes étant également utilisées contre les véhicules légers, les bâtiments et les troupes non-protégées », indique le rapport.
Zwijnenburg de PAX a dit craindre que cela ne se produise en Syrie, à moins que la coalition américaine ne cesse son utilisation de munitions à l’uranium appauvri.
« Cela alourdira le fardeau des communautés affectées, déjà aux prises avec l’impact direct de la guerre sur leur santé et leur bien-être », a-t-il dit.#
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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