Rapport sur la guerre de Gaza : la guerre aurait pu être évitée
Il y a eu des failles, des erreurs, des mauvaises décisions et des échecs – et pourtant, cet épisode a apporté la plus longue période de calme sur le front entre Gaza et Israël. Telles sont les principales conclusions qui peuvent être tirées du rapport publié mardi par le contrôleur de l’État israélien sur la guerre d’Israël contre le Hamas de l’été 2014.
Selon le rapport, il y a un principal responsable : le Premier ministre Benyamin Netanyahou
Le rapport devrait provoquer une tempête parmi les responsables politiques israéliens et au sein des échelons militaires – qui ont déjà entamé une campagne de chamailleries entre eux.
Selon le document, il y a un principal responsable : le Premier ministre Benyamin Netanyahou. « Malgré le fait qu’il était bien au courant de la menace des tunnels et qu’il savait que celle-ci a été définie comme une menace centrale et même stratégique à la fin de l’année 2013 », le rapport indique que le Premier ministre n’a pas donné d’instructions au Conseil de sécurité nationale et à l’appareil de défense « pour présenter la menace du tunnel d’une manière claire et détaillée au cabinet ».
Selon le rapport, Netanyahou était comme un analyste. Il a disséqué la situation et a donné des avertissements, mais il n’a pas pris la peine de s’assurer que ses paroles donnaient lieu aux actions correspondantes nécessaires. Le rapport critique également Netanyahou à d’autres occasions, pour son comportement et son leadership – ou plutôt son absence de leadership.
Malgré cela, il est peu probable que Netanyahou soit finalement touché par le rapport du contrôleur, qui ne recommande pas que le Premier ministre soit tenu personnellement responsable des erreurs commises par Israël à Gaza.
La protection en Teflon de Netanyahou, qui le rend « invincible » depuis des années, restera probablement en place et il parviendra à survivre à la crise représentée par la publication du rapport.
Les chefs de la défense en première ligne
Ceux qui risquent d’être affectés par le rapport ont beaucoup moins de responsabilité que Netanyahou. Ce sont les haut gradés de la défense au moment de la guerre de l’été 2014 : le ministre de la Défense Moshe Ya’alon, le chef d’état-major de l’Armée de défense d’Israël (ADI) Benny Gantz et le chef du renseignement militaire de l’ADI, le général Aviv Kochavi.
Ya’alon, l’ancien chef de la défense, veut revenir en politique et diriger la droite israélienne à la place de Netanyahou, Avigdor Liberman et Naftali Bennett
Comme Netanyahou, ils sont la cible des critiques du contrôleur. Selon le rapport, Ya’alon et Gantz, entre autres choses, n’ont pas informé le cabinet de « la tendance à l’escalade » avec le Hamas ou du fait que l’Armée de défense d’Israël n’a pas été formée et préparée adéquatement pour faire face à la menace des tunnels du Hamas.
Kochavi est critiqué pour ne pas avoir partagé d’« informations significatives » avec le cabinet à propos de l’intention du Hamas d’attaquer le territoire israélien par le biais des tunnels. Le rapport ajoute que Kochavi n’a pas signalé que le service de renseignement militaire souffrait d’un « manque de renseignements » – autrement dit que les informations recueillies sur les tunnels étaient insuffisantes.
Ya’alon, Gantz et Kochavi pourraient être affectés par le rapport, non pas à cause de ce qu’ils ont fait ou non avant et pendant la guerre, mais à cause de ce qu’ils voudront peut-être faire à l’avenir.
Ya’alon veut revenir en politique et diriger la droite israélienne à la place de Netanyahou, Avigdor Liberman et Naftali Bennett. Gantz envisage d’entrer en politique au sein de Yesh Atid ou du Parti travailliste lorsque le moratoire de trois ans imposé aux responsables retraités de l’Armée de défense d’Israël avant d’entrer en politique aura pris fin. Cochavi est un candidat majeur et méritant pour devenir le prochain chef d’état-major de l’Armée de défense d’Israël en 2019, année lors de laquelle il est prévu que Gadi Eisenkot, son chef actuel, mette fin à son mandat.
Une guerre évitable
Les lignes qui sont réellement dissimulées dans le rapport sont quelques phrases qui n’attireront probablement pas l’attention des médias ou du public israéliens, mais qui le devraient pourtant. Et ces lignes évoquent le fait que la guerre aurait pu être évitée. Le rapport reconnaît que les deux camps – le Hamas et Israël – ne voulaient pas une confrontation et y ont finalement été entraînés contre leurs intérêts personnels.
Certaines des guerres pour lesquelles ces critiques ont trouvé le plus de défauts ont en réalité apporté à Israël les meilleurs résultats sur le plan stratégique
Le rapport cite le général Yoav Mordechai, chef du Bureau du coordonnateur israélien des activités gouvernementales en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza indépendante, qui a averti à la fin du mois de juin 2014, quelques semaines avant la guerre, que « la bande de Gaza sombr[ait] dans une crise [...] qui [avait] atteint un niveau sans précédent ».
En d’autres termes, si le gouvernement israélien avait compris la gravité de la crise économique et humanitaire à Gaza et agi en conséquence, la guerre aurait peut-être pu être évitée.
Malgré le rapport du contrôleur, il est impossible d’ignorer le paradoxe inhérent aux guerres d’Israël. Les commissions d’enquête et les divers rapports du contrôleur d’État et d’autres organes critiquent et réprimandent les échelons militaires tout comme les échelons politiques, comme le veut leur mission. Pourtant, certaines des guerres pour lesquelles ces critiques ont trouvé le plus de défauts ont en réalité apporté à Israël les meilleurs résultats sur le plan stratégique.
La paix avec l’Égypte a été obtenue après la guerre du Kippour. Le calme est maintenu à la frontière libanaise depuis onze ans suite à la deuxième guerre du Liban avec le Hezbollah en 2006, et Israël connaît actuellement la plus longue période de calme sur le front de Gaza depuis 1968. Cela est dû au fait que ni le Hamas, ni Israël ne souhaitent être entraînés dans une nouvelle manche. Le ministre de la Défense Avigdor Liberman a déclaré ce lundi : « Nous n’avons aucune intention de lancer des mesures militaires contre Gaza. »
L’appareil militaire et sécuritaire israélien est connu pour être relativement sérieux et rigoureux quand il est question de tirer des leçons tactiques et techniques de précédents rapports semblables à celui-ci.
Les responsables politiques israéliens, en revanche, ne le sont pas. Ainsi, au bout du compte, des rapports comme celui-ci finissent par s’évaporer, sans que personne n’endosse une quelconque responsabilité pour les échecs passés.
Une conclusion finale s’impose : deux ans et demi après une guerre qui a coûté la vie à 2 125 Palestiniens et 75 Israéliens, les deux camps se retrouvent à la case départ et se préparent pour une nouvelle vague de violence qui, comme auparavant, n’est souhaitée par aucun des deux camps.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : un Palestinien retourne chez lui, dans le quartier d’al-Shaaf à Gaza, pendant un cessez-le-feu au cours de l’été 2014 (AA).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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