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La guerre imminente entre Israël et le Hamas qu’aucun des deux camps ne souhaite

Tandis que des groupes militants continuent de lancer des roquettes depuis Gaza afin d’ébranler le Hamas, ce dernier et Israël sont enfermés dans un dangereux jeu de retenue

En Israël, les mois d’automne passent généralement inaperçus et constituent un bref moment de fraîcheur après un autre été brûlant et, bien souvent, une autre guerre.

Cette année, l’automne est différent. Contrairement aux étés houleux de 1967, 1982, 2006, 2012 et 2014, les mois de juin, juillet et août se sont déroulés sans guerre.

Mais un vent de violence souffle de nouveau.

Ces derniers jours, deux roquettes ont de nouveau été tirées depuis Gaza. L’une d’entre elles a atterri dans la ville de Sdérot. Israël a violemment répliqué à grands renforts de bombardements aériens et d’obus de chars.

La ville de Gaza suite aux frappes de l’armée israélienne contre les positions du Hamas dans la bande de Gaza la semaine dernière (AFP)

Ces trois derniers mois, toutes les roquettes – moins de dix au total – ont été lancées par de petits groupes djihadistes soutenant l’État islamique (EI) qui opèrent à Gaza afin d’ébranler le régime du Hamas. Ces tirs de roquettes ont pour objectif de pousser Israël à frapper durement le Hamas et à semer le chaos à Gaza.

C’est un jeu dangereux qui contraint Israël et le Hamas à agir avec l’agilité d’un équilibriste. Pour le moment, les deux camps semblent y être parvenus.

À qui profite la guerre ?

Il n’est pas dans l’intérêt d’Israël ni du Hamas d’attiser leurs tensions compte tenu du risque de dérapage des événements.

Le Hamas sait qu’il n’est pas prêt pour une nouvelle guerre. Il est beaucoup plus faible qu’il ne l’était avant sa dernière guerre en 2014. Il est plus isolé que jamais sur le plan politique. L’Égypte continue de le considérer comme une extension palestinienne des Frères musulmans qui sont haïs par le régime du président Abdel Fattah al-Sissi.

La Turquie, bienfaitrice majeure du Hamas, a récemment signé un accord de réconciliation et a pleinement rétabli ses relations diplomatiques avec Israël. Son soutien au Hamas est plus rhétorique que matériel.

Le dernier soutien dont le Hamas dispose est le Qatar. Mais l’émirat pétrolier se montre également très prudent car il dispose de canaux secrets avec Israël et dépend de la bonne volonté de ce dernier pour le transfert de fonds destinés à réhabiliter Gaza.

Le Hamas doit aujourd’hui mener son combat politique sur deux fronts. D’une part, il combat l’Organisation de libération de la Palestine et a subi un revers important lorsque la Cour suprême palestinienne a ordonné l’annulation des élections locales en Cisjordanie après que le gouvernement du Hamas a révoqué le droit du Fatah, la principale faction de l’OLP, à participer aux élections à Gaza.

Le dirigeant du Hamas, Khaled Mechaal, prie lors des funérailles de sa mère qui ont eu lieu le mois dernier à Amman (AFP)

D’autre part, sur le plan interne, le Hamas est sur le point de changer de dirigeant. Son président, Khaled Mechaal, a affirmé à plusieurs reprises qu’il se retirerait bientôt après vingt années passées aux commandes. Il existe plusieurs candidats à sa succession au sein de sa formation politique ; toutefois, la branche militaire – les Brigades Izz al-Din al-Qassam –, en pleine montée de puissance, souhaite couronner l’un de ses propres membres, très probablement Yahya Sinwar.

Pour sa part, Israël ne souhaite pas être entraîné dans un nouveau combat pour de nombreuses raisons. Avant tout, il sait que si une nouvelle guerre venait malheureusement à éclater, il n’aurait pas d’autre choix que de remporter une victoire militaire décisive qui devrait renverser le régime du Hamas. Et ensuite ?

Les décideurs et les généraux israéliens savent qu’Israël devrait alors occuper et gouverner Gaza de nouveau puisque la plupart des Palestiniens refuseraient le rétablissement du gouvernement de l’Autorité palestinienne sous les baïonnettes de l’armée israélienne.

Mais la réoccupation de Gaza est la dernière chose dont Israël a besoin. Avec la crise humanitaire colossale qui touchera certainement ses 1,9 million d’habitants d’ici trois à quatre ans, comme l’a récemment prédit un rapport de l’ONU, Gaza est condamnée. Personne ne veut la gouverner.

Capitulation

Une autre raison importante explique la retenue et la réticence d’Israël. Le Hamas détient les corps de deux de ses soldats ayant pris part à la dernière guerre ainsi que trois jeunes civils israéliens instables sur le plan psychologique, dont deux Bédouins venant du sud, ayant pénétré à Gaza l’année dernière.

Israël souhaite un échange de prisonniers mais n’est désormais plus disposé à payer n’importe quel prix. Une négociation indirecte via des intermédiaires arabes et non arabes a été organisée, mais le fossé entre les deux camps semble pour le moment infranchissable.

Israël se dit disposé à échanger une dizaine de corps de Palestiniens contre les corps des deux soldats des Forces de défense israéliennes et à relâcher une dizaine de prisonniers palestiniens en échange des citoyens israéliens. Mais pour le moment, Israël a refusé de céder aux conditions préalables du Hamas, énoncées par Yahya Sinwar, exigeant qu’Israël relâche 50 membres du Hamas faits prisonniers en 2014 avant toute négociation.

Les deux camps se montreront inflexibles jusqu’à ce que l’un capitule. Peut-être cherchent-ils à déterminer si l’hiver peut se dérouler aussi calmement que l’été ou se conclure par une détonation comme en 2008.

- Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des militants palestiniens membres des Brigades al-Nasser Salah al-Din, une branche armée du Comité de résistance populaire, posent à côté de roquettes qu’ils ont fabriquées lors d’un rassemblement organisé à Rafah le mois dernier à l’occasion du 16e anniversaire de la création du groupe (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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