Le cinéma algérien et tunisien, outsiders à Cannes
Depuis 1978, la sélection « Un certain regard » du festival de Cannes permet de faire découvrir hors compétition des films dits atypiques ou de réalisateurs encore peu connus.
Cette année, parmi les seize films retenus, l'Afrique du nord sera représentée par la Tunisienne Kaouther Ben Hania pour son film « La Belle et la meute » et l'Algérien Karim Moussaoui pour son long métrage « En attendant les Hirondelles ».
« Je suis très content de cette sélection, une belle manière de faire découvrir le film », confie Karim Moussaoui à Middle East Eye.
« Les Jours d'avant », son précédent film, un moyen métrage nommé en 2015 aux César dans la catégorie meilleur court-métrage, avait été récompensé en 2014 par le prix de la meilleure fiction au festival Vues d'Afrique à Montréal et par une mention spéciale du jury au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand (France).
« ‘’En attendant les hirondelles’’ raconte trois histoires dans l’Algérie de maintenant, de personnages qui sont face à des choix difficiles car ces choix impliquent un renoncement de la situation confortable dans laquelle ils se trouvent », explique-t-il à MEE en précisant que la bande-annonce n'est pas encore disponible. « Même si le film aborde une des conséquences de ce qui s’est passé dans les années 1990 [guerre civile], il ne traite pas de la décennie noire. D’ailleurs les personnages du film n’essaient pas de régler le passé mais de vivre avec. »
Très rarement diffusés en Algérie, les films réalisés par les Algériens connaissent en revanche un joli parcours dans les festivals à l'étranger.
L'an dernier, c'est « Kindil el Bahr » de Damien Ounoury qui avait été sélectionné à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Il a également décroché de nombreuses récompenses dont le prix du meilleur réalisateur et celui du public le 26 mars au festival de Louxor, et s'était retrouvé l'an dernier en compétition au festival de film de Namur avec un autre film algérien, un documentaire aussi très primé, « Dans ma tête un rond-point » de Hassan Ferhani.
Second long-métrage pour Kaouther Ben Hania
Du côté tunisien, la réalisatrice Kaouther Ben Hania signe un second long-métrage avec le film « La Belle et la meute » qu’elle avait commencé à écrire dès 2014. Le film raconte en neuf plans-séquences l’histoire vraie d’une jeune femme Myriam, violée par des policiers en 2013 à Tunis, puis obligée de chercher un hôpital voulant bien attester du viol. Le calvaire de la jeune femme a continué lorsqu’elle a ensuite porté plainte mais s’est retrouvée convoquée chez le juge en tant que « coupable » en raison de sa tenue légère au moment des faits, et du fait qu’elle se trouvait avec son petit ami lors de l'arrestation.
L’affaire avait fait scandale et suscité le soutien de la société civile pour Myriam. La jeune femme avait finalement obtenu gain de cause avec la condamnation des auteurs de son viol. La réalisatrice Kaouther Ben Hania a déclaré à MEE s’être librement inspirée de son histoire pour créer un film autour des réflexes encore parfois autoritaires et injustes des institutions tunisiennes.
« Je voulais faire un film qui évoque la tension, d’où la volonté de réaliser l’action autour de la nuit qui suit le viol de la jeune femme. Je voulais montrer un personnage naïf et ordinaire qui face à une situation traumatisante, trouve la force d'aller jusqu’à porter plainte », témoigne la réalisatrice qui a confié sa joie à l’annonce de la sélection de son film pour le festival de Cannes.
En Tunisie, Kaouther Ben Hania s’est faite connaître avec un premier long métrage au style documentaire, lui aussi inspiré d’un fait divers qui avait marqué la société : Le challat de Tunis sorti en 2014 qui racontait l’histoire d’un homme qui balafrait les femmes avec un rasoir en passant à moto près d’elles.
L’année 2016 a été celle de la consécration pour la réalisatrice qui a été primée avec son documentaire « Zeineb n’aime pas la neige ». Le documentaire qui retrace pendant plus de six ans, l’immigration d’une adolescente de son Sidi Bouzid natal pour le Canada lui a valu le Tanit d’or aux Journées cinématographiques de Carthage.
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