Procès de l’attaque de Sousse : les parties civiles, grandes absentes
TUNIS – « Vous êtes de l’ambassade britannique ? » La question d’Akram Barouni ressemble à un appel désespéré.
Ce mardi, juste avant le début de la seconde audience du procès de l’attaque de Port el-Kantaoui, près de Sousse, qui a coûté la vie à 38 touristes étrangers le 26 juin 2015, l’avocat tente sa chance en interpellant les personnes étrangères présentes. Mandaté par l’ordre national des avocats pour défendre Carter Lean, Akram Barouni ne connaît que le nom et la nationalité – britannique – de son client.
La première audience de ce procès, le 26 mai dernier, avait déjà soulevé des questions qui ne semblent pas avoir été réglées aujourd’hui.
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Ainsi, maître Akram Barouni n’a pas pu entrer en contact avec son client. « J’ai essayé de contacter l’ambassade britannique. Ils m’ont répondu qu’ils allaient me rappeler, j’attends toujours. Sans savoir ce qui est arrivé à mon client, s’il a été blessé, s’il a perdu un proche ou s’il subit un traumatisme psychologique, je dois demander le report du procès », explique-t-il à Middle East Eye.
L’ambassade britannique a envoyé un représentant pour suivre l’audience. Celui-ci refuse de parler à la presse se contentant simplement de confirmer à MEE qu’il représente Londres.
Akram Barouni est loin d’être le seul dans cette situation. Au cours de l’audience, alors que le juge demande à une avocate si son client est bien japonais, celle-ci répond : « Je n’en sais rien. » Akram Barouni croit savoir que les victimes se sont constituées partie civile juste après l’attentat.
La plupart étant britanniques, belges ou hollandaises, elles sont ensuite rentrées chez elles. Ont-elles, depuis, suivi la procédure judiciaire ? Sont-elles au courant que le procès a débuté à Tunis ? Aucun avocat interrogé ne peut répondre.
Dans ces conditions, les dossiers de plainte ne sont pas prêts, d’où la demande d’ajournement de plusieurs avocats de la partie civile. « Nous n’avons ni certificat de décès, ni certificat médical », s’inquiète auprès de MEE maître Raja Khimiri.
Sur le banc des inculpés, seize personnes sont présentes sur 32. La plupart sont accusées d’avoir aidé Seifeddine Rezgui à préparer son attaque.
Entre l’attaque de Sousse et celle du Bardo, une dizaine d’accusés
Le jeune étudiant de 23 ans avait tiré sur les touristes qui profitaient du soleil sur la plage de l’hôtel RIU Imperial Marhaba avant d’être abattu par la police.
Certains accusés sont absents car « ils ont été arrêtés dans le cadre d’une autre affaire », indique un avocat au cours de l’audience.
Maître Abdulnasser Mehri, lui, fait état de tortures que son client aurait subies en prison et qui l’empêchent de se déplacer. Le juge confirme que l’état de santé de l’inculpé ne lui permet pas de suivre l’audience.
Comme ils l’avaient déjà fait à la première audience, certains avocats d’inculpés demandent un examen parallèle entre l’attaque du Bardo (21 victimes le 18 mars 2015) et celle de Sousse. Une dizaine de personnes seraient accusées dans les deux affaires.
« Le travail a été bâclé. L’enquête doit se poursuivre. Le procès est prématuré »
- Monia Bousselmi, avocate
Une idée que l’avocat d’un policier, sous couvert d’anonymat, rejette auprès de MEE : « Il s’agit de deux procès très lourds, de dossiers très volumineux avec des interrogatoires qui vont durer des heures. Il est impossible de les réunir. »
À la fin de l’audience, maître Monia Bousselmi ne cache pas sa colère. Son client, Said Amri, 25 ans reconnaît être parti pour s’entraîner en Libye dans un camp d’islamistes armés et être rentré en Tunisie avec Yassine el-Abidi (un des assaillants du Bardo) et Seifeddine Rezgui.
Il aurait ensuite regretté ce voyage et coupé les ponts pour reprendre l’université. « Il n’a joué aucun rôle dans cette affaire. Les policiers ont ramassé tout le monde, sans réfléchir », dénonce Monia Bousselmi à MEE. « Le travail a été bâclé. L’enquête doit se poursuivre. Le procès est prématuré. »
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