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Tunisie : les accusés dans l’« affaire du bisou » resteront en prison

En prison depuis deux semaines dans l’affaire dite du « bisou », le Franco-algérien Nessim Ouadi et son amie tunisienne resteront en prison, selon le verdict du procès en appel. La société civile dénonce injustice et abus de pouvoir
Après le premier jugement, le quotidien arabophone Le Maghreb avait publié en Une une photo de l'ancien président Habib Bourguiba en train d'embrasser sa femme pour dénoncer l'hypocrisie autour de cette affaire (MEE/Lilia Blaise)

TUNIS – Dix avocats et la mobilisation de la société civile n’auront pas suffi à aider Nessim et son amie tunisienne, arrêtés le 29 septembre et jugés début octobre dans l’affaire dite « du bisou » – qui selon leur version des faits mercredi 18 octobre au tribunal, n’a jamais existé.

Après une journée au cours de laquelle les deux prévenus ont pu expliquer ce qu’il s’est passé la nuit où ils ont été arrêtés par la police tunisienne alors qu’ils rentraient d’une soirée, le verdict est tombé : quatre mois de prison ferme pour Nessim et une réduction de peine de deux à trois mois pour son amie. Parmi les chefs d’accusation : atteinte à la pudeur, outrage à un fonctionnaire et refus d’obtempérer à un ordre de police.

À LIRE : Tunisie : d’une histoire de bisous à un contrôle de police qui tourne mal

Pour les avocats et les membres de la société civile présents lors de ce procès en appel (le premier procès a eu lieu le 4 octobre), le nouveau verdict symbolise un « abus de pouvoir » non seulement de la part de la police mais aussi des juges.

« Les avocats ont défendu la nullité des procédures car il y a eu de nombreux vices de forme depuis l’arrestation de Nessim et son amie [comme le fait que Nessim ait dû signer une déposition alors qu’il ne comprenait pas la langue, ou encore l’absence d’un avocat pendant leur interrogatoire] mais le juge ne les a pas pris en compte », témoigne à Middle East Eye la directrice de Human Rights Watch (HRW) à Tunis, Amna Guellali.

« Apparement, ce n’est pas un cas isolé. Souvent, les juges tunisiens ne tiennent pas compte de ces paramètres, ce qui est très inquiétant car cela conforte l’impunité de la police quand elle ne respecte pas le droit à un avocat pendant la garde à vue, par exemple. »

La Tunisie a pourtant voté une loi de réforme du code de procédure pénale en février 2016 qui atteste du droit à un avocat pendant la garde à vue. De même, « les officiers de police judiciaire doivent informer le suspect, dans la langue qu’il comprend, de la mesure prise à son encontre, de sa cause, de sa durée ».

« Lorsque cette loi a été votée, nous avions beaucoup d’espoir que cela change la donne, alors que dans les faits, ni la police ne respecte la procédure, ni le juge n’applique les sanctions pour le non-respect de la loi » ajoute Amna Guellali.

Le récit policier prend le dessus

Autre fait « dérangeant » pendant l’audience, selon les avocats : la primauté des propos de la police malgré l’absence de preuves, notamment sur l’affaire du bisou.

« Les policiers ont dit qu’ils les avaient trouvés dans une situation compromettante qui impliquait un acte sexuel. Ensuite, le porte-parole du procureur est intervenu dans un média pour dire la même chose alors que nos clients ont nié en bloc cette version », atteste Oussama Helal, un des avocats. « Nous avons eu une affaire surnommée à tort ‘’l’affaire du bisou’’ alors qu’il n’y en a pas eu ! »

Le porte-parole du procureur avait en effet déclaré le 9 octobre à l’émission de grande écoute 24/7 animée par Meriam Belkhadi sur la chaîne El Hiwar Ettounssi, qu’il « avait lu le dossier » et que « la femme était complètement nue » au moment où la police est intervenue.

https://www.youtube.com/watch?v=bW3vYUhUhrg&index=16&list=PLedk48A9HqyMcfw6n8zDRWqKHwzwMA-t6

Lors de l’audience de mercredi, la jeune femme a nié cette version et a seulement admis qu’elle et son ami avaient essayé de filmer les policiers lorsqu’ils ont commencé à les insulter pendant le contrôle d’identité. Nessim a aussi demandé leur matricule pour en référer à son ambassade.

« Nous sommes vraiment dans un état où le policier tout-puissant est mis en avant », conclut Amna Guellali.

Entre-temps, les proches de Nessim se sont mobilisés pour demander sa libération. Sa mère s’est exprimée dans le journal La Provence et raconte qu’elle n’a été prévenue de l’incarcération de son fils que cinq jours après son arrestation. Sa sœur a parlé au journal 20 minutes et lancé une pétition adressée à l’ambassadeur de France en Tunisie pour demander la libération de son frère.

« Avec cette pétition, nous demandons, en cas de verdict négatif en appel, au gouvernement français d'intervenir et nous souhaitons que le ministère des Affaires étrangères agisse pour que Nessim et sa campagne soient relaxés et que mon frère puisse rentrer en France reprendre son travail qu’il vient de commencer il y a à peine deux mois », souligne-t-elle.

L’ambassade de France a publié un communiqué le 13 octobre pour démentir toute ingérence de l’ambassade dans les affaires de la justice tunisienne et assurer que Nessim Ouadi avait bénéficié d’une protection consulaire une fois qu’il l’avait demandée. Les avocats veulent tenter un recours en cassation.

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