Irak : des responsables chiites rejettent « l’ingérence » de la France
Un appel du président français Emmanuel Macron au démantèlement des forces paramilitaires irakiennes Hashd al-Chaabi a provoqué la colère de personnalités chiites, qui ont dénoncé une « interférence » française dans les affaires de leur pays.
En 2014, face à une offensive éclair des combattants du groupe État islamique (EI), qui s'étaient emparé du tiers du pays et menaçaient l'existence du pays, plus de 60 000 Irakiens avaient répondu à l'appel à la mobilisation du chef spirituel de la communauté chiite, l'ayatollah Ali Sistani.
Ils avaient formé Hashd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire), qui chapeaute une myriade de groupes paramilitaires dominés par des milices chiites, souvent décrites comme étant patronnées par l'Iran. Ces forces ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre l’EI, notamment pour la reprise de Mossoul, la grande ville du nord du pays.
Si le Premier ministre Haïder al-Abadi n'a pas réagi à la demande française, son prédécesseur et rival Nouri al-Maliki ne s'en est pas privé.
« Emmanuel Macron s'est mêlé de manière inattendue des affaires intérieures irakiennes en appelant au démantèlement d'une institution légale, Hashd al-Chaabi », a-t-il écrit sur Facebook.
Actuel vice-président de la République et chef du plus important groupe chiite au parlement, il a ajouté : « Nous voulons qu'aucun pays n'impose sa volonté au gouvernement irakien et à la brave nation irakienne ».
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« Les Irakiens attendaient de la communauté internationale, et notamment de la France, qu'elle félicite les combattants qui ont donné leur vie pour leur pays et pour le monde », a pour sa part déclaré Houman Hamoudi, vice-président du parlement, dans un communiqué. Selon lui, sans Hashd al-Chaabi, l’EI « serait arrivé au cœur de Paris ».
Pour un des chefs du mouvement, Ahmad al-Assadi, « toute discussion [sur le sujet] est rejetée et nous n'acceptons pas d'ingérence dans les affaires irakiennes ». « Demander la dissolution de Hashd, c'est comme demander la dissolution de l'armée irakienne car Hashd est un élément clé de la sécurité irakienne », a-t-il poursuivi.
Recevant samedi à Paris le Premier ministre de la région autonome du Kurdistan irakien, Nechervan Barzani, Emmanuel Macron avait appelé à « une démilitarisation progressive, en particulier de la ‘’mobilisation populaire’’ qui s'est constituée ces dernières années, et que toutes les milices soient progressivement démantelées ».
Le parlement irakien a reconnu Hashd al-Chaabi en novembre 2016 comme une « institution de l’État » et décidé leur intégration « au sein des forces régulières ».
Les Kurdes reprochent au mouvement d'avoir chassé en octobre, en soutien de l'armée irakienne, les combattants kurdes des territoires disputés, notamment de Kirkouk, et d'avoir expulsé la population kurde de la ville de Touz Khormatou.
La crise persiste entre Erbil, capitale du Kurdistan irakien, et le gouvernement irakien, deux mois après le référendum d’indépendance organisé par les autorités kurdes et auquel Bagdad s'était fermement opposé.
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Depuis, le chef de l’État français, qui a reçu le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi le 29 octobre, cherche à « faciliter le dialogue » en profitant « des bonnes relations que Paris entretient avec les différentes parties », selon la présidence.
« Avoir un Irak fort, réconcilié, pluraliste et qui reconnaît chacune de ses composantes est une condition de la stabilité immédiate et de moyen terme » du Moyen-Orient, a déclaré Emmanuel Macron.
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