Avec Mike Pompeo, Trump précipite les États-Unis dans des eaux dangereuses
Mardi, le président américain Donald Trump a limogé le secrétaire d’État Rex Tillerson et nommé le chef va-t-en-guerre de la CIA, Mike Pompeo, pour le remplacer.
Tillerson, qui est entré au service du gouvernement en tant que PDG d’Exxon-Mobil, l’une des plus grandes sociétés énergétiques du monde, s’est souvent heurté frontalement au style de décision chaotique et incontrôlable de Trump en matière de politique étrangère.
Tillerson avait également été durement critiqué à la fois par des diplomates américains chevronnés et des membres du Congrès pour son projet de réduire considérablement la taille du Département d’État et son incapacité à pourvoir des postes critiques d’ambassadeur.
Le cercle intime de Trump
Mike Pompeo a rempli quatre mandats à la Chambre des représentants en tant qu’élu du Kansas et appartient au cercle intime de Trump. Il est connu pour satisfaire au style de réunion particulier de Trump, qui se passe de matériel écrit et reçoit son briefing quotidien sous forme orale et accompagné de nombreuses diapositives Powerpoint.
Pompeo a des opinions extrêmes sur des questions de sécurité nationale critiques comme l’Iran. Alors que Tillerson approuvait l’accord sur le nucléaire du P5 + 1, Pompeo l’a impitoyablement attaqué et a raillé le régime iranien. Il a tweeté : « Je suis impatient de revenir sur cet accord désastreux avec le plus grand sponsor du terrorisme au monde. »
Il est connu pour prendre des positions qui adhèrent servilement à celles du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Dans d’autres commentaires sur l’accord nucléaire, Pompeo a déclaré : « [Cela] n’empêchera pas l’Iran d’obtenir la bombe nucléaire et met Israël en danger. [La] théorie selon laquelle l’Iran post-sanctions sera pondéré est une farce – ils veulent anéantir Israël, achetant désormais des missiles russes. »
Non seulement l’accord sur le nucléaire avec l’Iran pourrait être annulé, mais les États-Unis pourraient soutenir une action militaire réelle contre l’Iran directement ou contre ses forces combattant en Syrie
Aucun dirigeant iranien n’a jamais explicitement appelé à « l’annihilation » d’Israël. Lorsque les dirigeants iraniens ont fait des déclarations apparemment belliqueuses à propos d’Israël, c’était toujours en réponse aux menaces directes des dirigeants israéliens contre l’Iran. De plus, l’accord sur le nucléaire n’a jamais été censé empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire. Il était censé retarder ce processus d’une décennie ou plus, ce qu’il a fait.
Mike Pompeo a également émis une critique de l’accord avec l’Iran qui avait été rejetée par l’administration Obama comme étant déraisonnablement draconienne : Pompeo avait déclaré que « cesser d’appeler à la destruction d’Israël aurait dû être une condition de l’accord avec l’Iran – ainsi que la libération d’otages américains innocents. »
Ceci reflète totalement l’approche israélienne de « l’évier bouché » lorsqu’il est question de torpiller des négociations : vous balancez toutes les exigences possibles et imaginables en sachant que votre interlocuteur s’y opposera, puis vous partez en le rendant responsable de l’impasse. Cela vous offre l’opportunité d’adopter une approche plus agressive à son encontre.
Opinions islamophobes
La nomination de Mike Pompeo est contestée par le principal groupe national américano-musulman, le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), qui a dénoncé ses opinions vertement islamophobes. Pompeo a en outre reçu un important prix de la part d’ACT for America, une organisation désignée par le Southern Poverty Legal Center, association de surveillance de l’extrême droite aux États-Unis, comme un groupe de haine.
« Ceux qui, comme M. Pompeo, ont exprimé des opinions islamophobes et ont été associés à un groupe de haine anti-musulmans… ne devraient avoir aucun rôle dans le gouvernement de notre nation, et encore moins au plus haut niveau politique », a déclaré le directeur exécutif national du CAIR, Nihad Awad. « Ces nominations ont le potentiel de nuire à l’image de notre nation et à nos relations avec les principaux acteurs de la communauté internationale. »
Pour en revenir à l’accord sur le nucléaire, Trump lui-même ne l’a pas annulé. Mais avec la promotion de Pompeo, le monde peut s’attendre à une élévation de la rhétorique hostile de la Maison-Blanche, et maintenant du Département d’État, contre l’Iran.
Avec l’accession de figures comme Pompeo et Bolton à des postes de pouvoir dans l’administration Trump, nous sommes confrontés à un scénario cauchemardesque à la Dr Folamour
Non seulement l’accord sur le nucléaire pourrait être annulé, mais les États-Unis pourraient soutenir une action militaire réelle contre l’Iran directement ou contre ses forces combattant en Syrie. Il est concevable que les États-Unis puissent intervenir plus énergiquement en Syrie, comme l’a fait la Russie.
Fait intéressant, Netanyahou s’est rendu à la Maison-Blanche la semaine dernière et s’est entretenu avec Trump. La Syrie et l’Iran constituaient vraisemblablement leurs priorités. Un journaliste israélien écrivant dans Maariv a évoqué la menace que représentent plusieurs scandales de corruption majeurs ayant frappé Netanyahou.
Il a fait allusion à la possibilité d’une confrontation militaire avec l’Iran concernant la Syrie, qui pourrait être un prélude à de nouvelles élections.
Par ailleurs, une source israélienne confidentielle m’a confié que le cabinet de sécurité s’était réuni le week-end dernier pour réfléchir à une « opération militaire majeure » en Syrie, probablement pour affronter les forces de l’Iran et de son allié régional, le Hezbollah. Il est raisonnable de supposer que Netanyahou a au minimum cherché l’approbation de Trump concernant cette attaque, sinon la participation américaine à celle-ci.
Tout ceci laisse présager une politique étrangère américaine plus belliciste et plus musclée où la force est utilisée plus facilement et plus agressivement. Le limogeage de Rex Tillerson peut aussi mener au limogeage d’autres membres de l’équipe de sécurité nationale qui ne se sont pas adaptés au « style » de Trump.
Parmi eux, le conseiller à la sécurité nationale, H.R. McMaster, qui a récemment été signalé comme étant sur le point de quitter ses fonctions. Bien que McMaster ait été connu aussi comme un faucon sur l’Iran et la Corée du Nord, il a été pragmatique et collet monté dans son approche de la sécurité nationale, en contradiction avec l’approche improvisée de Trump.
Une autre recrue radicale et anti-islam
L’arrivée d’un autre faucon tel que John Bolton (il a été présenté comme un potentiel remplaçant du chef de cabinet de la Maison-Blanche John Kelly ou de McMaster) pourrait précipiter la sécurité nationale et à l’étranger des États-Unis dans des eaux inconnues. Bolton est connu pour ses véhémentes opinions islamophobes.
Il a été particulièrement populaire parmi un petit mais influent groupe de militants extrémistes anti-islam, le mouvement « contre-djihad », qui croit que le gouvernement américain est infiltré par les islamistes et que la loi islamique prend silencieusement le contrôle du système judiciaire américain.
Il s’est allié à Pam Geller, une islamophobe acharnée, et a écrit une préface à son livre soutenant ses opinions dingues. Il était l’un des responsables de l’administration Bush ayant proclamé la fausse affirmation selon laquelle Saddam Hussein avait des armes nucléaires en Irak.
À LIRE : Donald Trump prêche-t-il la guerre sainte ?
Il partage également les opinions hostiles de Pompeo et de Trump sur l’Iran. Dans une tribune du New York Times de 2015, il a préconise une attaque militaire d’Israël et/ou des États-Unis contre les installations nucléaires iraniennes : « Le temps est terriblement compté, mais une frappe peut encore être un succès. Une telle action devrait être combinée à un fort soutien américain à l’opposition iranienne, dans l’optique d’un changement de régime à Téhéran. »
Clairement, Bolton ne croit pas en la diplomatie. Il préfère la guerre et considère la projection agressive du pouvoir américain comme le meilleur moyen de protéger les intérêts américains dans le monde.
Avec l’accession de figures comme Pompeo et Bolton à des postes de pouvoir dans l’administration Trump, nous sommes confrontés à un scénario cauchemardesque à la Dr Folamour. Comme vous vous en souvenez peut-être, ce film se termine avec un officier de l’armée de l’air chevauchant joyeusement une bombe nucléaire larguée sur sa cible russe.
- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso), et est l’auteur d’un autre essai dans l’ouvrage collectif Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le directeur de la CIA, Mike Pompeo, témoigne devant la commission sénatoriale sur le renseignement au Hart Senate Office Building à Capitol Hill, le 13 février 2018 à Washington, DC (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].