Attentat déjoué contre des opposants iraniens en pleine tournée européenne de Rohani
Un couple de Belges d'origine iranienne a été interpellé samedi près de Bruxelles par la police. Lundi, Amir S, 38 ans, et son épouse Nasimeh N, 33 ans, ont été inculpés de « tentative d'attentat terroriste et de préparation d'une infraction terroriste ».
Selon les opposants iraniens potentiellement ciblés, la femme est arrivée d'Iran en 2009. L'enquête menée en coopération avec les autorités judiciaires françaises et allemandes a débouché sur l'interpellation de plusieurs autres personnes, dont un diplomate iranien.
Colère de Téhéran
L'homme, présenté comme Assadollah Assadi par les opposants iraniens, 47 ans, est en poste à l'ambassade iranienne à Vienne en tant que conseiller. Il est soupçonné d'être un contact du couple. Mais Téhéran balaie toute implication de ses services dans le projet.
« L'Iran condamne sans équivoque toute forme de violence et de terrorisme, où que ce soit, et est prêt à travailler avec toutes les parties concernées », a réagi le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.
Traduction : « Juste au moment où nous entamons une visite présidentielle en Europe, une opération iranienne présumée et ses ‘’conspirateurs’’ sont mis en échec L'Iran condamne sans équivoque toute forme de violence et de terrorisme, où que ce soit, et est prêt à travailler avec toutes les parties concernées pour découvrir ce sinistre stratagème ».
L'Autriche a demandé mardi à l'Iran de lever l'immunité diplomatique de cet homme, accusé par les opposants iraniens d'être un membre des services de renseignements iraniens.
Par ailleurs, trois autres personnes ont été interpellées en France, dont deux ont été remises en liberté lundi.
Deux proches de Donald Trump - l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich et Rudy Giuliani, un des avocats du président américain et ex-maire de New York - ont pris part à la réunion ciblée
L'éventuel projet d'attentat ciblait les Moudjahidine du peuple, un mouvement d'opposants iraniens exilés, dans le collimateur de Téhéran depuis des décennies, qui organise tous les ans un grand rassemblement en France.
Ce samedi, pas moins de 25 000 personnes étaient venues « appeler à la résistance et à la liberté » dans le grand parc des expositions, composé de gigantesques hangars, près de l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle où se déroulent régulièrement des meetings politiques.
Deux personnalités américaines de premier plan, proches de Donald Trump - l'ancien président de la chambre des représentants Newt Gingrich et Rudy Giuliani, un des avocats du président américain et ex-maire de New York - ont pris part à cette réunion, et auraient donc pu être également visées.
Le président américain Donald Trump est l'un des plus farouches contempteurs de l'Iran sur la scène internationale.
Les deux principaux suspects ont été arrêtés à bord d'une voiture dans laquelle les enquêteurs ont trouvé 500 grammes de TATP, un explosif artisanal et un dispositif de mise à feu séparé.
Le TATP est un explosif particulièrement délicat à fabriquer et à manipuler, utilisé notamment par le groupe État islamique (EI).
Sauver l’accord sur le nucléaire
Un expert en terrorisme et relations internationales ayant requis l'anonymat estime pour l'AFP que l'utilisation du TATP ne colle pas avec les modes opératoires du Hezbollah libanais, chargé de longue date des opérations extérieures iraniennes.
Ces révélations surviennent alors que Téhéran a particulièrement besoin du soutien des Européens sur la scène internationale, ce qui interroge sur les motivations et l'identité des personnes à l'origine de l'affaire.
Téhéran se trouve dans une situation particulièrement délicate depuis que Donald Trump a dénoncé l'accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien, que plusieurs de ses rivaux régionaux veulent aussi voir échouer, à l'instar d'Israël et de l'Arabie saoudite.
Hassan Rohani entame une tournée en Europe pour discuter de l’accord nucléaire que les Européens tentent activement de préserver
Dans ce contexte, les Européens tentent activement de préserver l'accord. La révélation de l'affaire tombe d'ailleurs pile au moment où le président iranien Hassan Rohani entame une tournée en Europe pour discuter du sujet, ce que n'a pas manqué de relever son ministre des Affaires étrangères.
Après son séjour en Suisse, lundi et mardi, Hassan Rohani est attendu Vienne mercredi.
Deux experts interrogés par l'AFP sous couvert d'anonymat estiment que le timing ne pouvait être pire pour Téhéran.
La principale question de ce dossier sera celle des conséquences diplomatiques. Elles sont pour l'heure impossibles à prévoir compte tenu des innombrables zones d'ombres et des doutes qui planent sur l'affaire, explique l’AFP.
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Les deux experts relèvent que si l'implication du régime iranien est avérée, les conséquences pour les relations franco-iraniennes seraient très fortes.
Les Moudjahidine du peuple ont été retirés en janvier 2009 de la liste des organisations terroristes de l'Union européenne (UE) sur laquelle ils figuraient depuis mai 2002. Les États-Unis ont fait de même en septembre 2012.
Début 2018, le président Hassan Rohani a demandé à son homologue français Emmanuel Macron de prendre des mesures contre les Moudjahidine du peuple
En juillet 2015, Maryam Radjavi, dirigeante de ce mouvement, s'est élevée contre l'accord conclu entre les grandes puissances et l'Iran sur le nucléaire iranien. En octobre 2015, elle a accusé la communauté internationale de « complaisance » à l'égard de l'Iran au sujet de la peine de mort.
En janvier 2018, le président Hassan Rohani a demandé à son homologue français Emmanuel Macron de prendre des mesures contre les Moudjahidine du peuple, qu'il accuse d'attiser des manifestations violentes en Iran et d'être lié à l'Arabie saoudite.
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