L'Iran ripostera, soyez-en sûrs
« Le fardeau de l’homme blanc » – ou devrait-on dire « le fardeau qu’est l’homme blanc » – est probablement le plus grand joug de l’histoire de l’humanité. Interrogé sur ce qu’il pensait de la civilisation occidentale, le Mahatma Gandhi aurait répondu : « ce serait une très bonne idée. »
Bien que les intellectuels occidentaux critiquent les politiques mondiales de leurs gouvernements, les échecs sont trop souvent attribués aux partis politiques, à un leadership médiocre, à des stratégies inefficaces, à un financement insuffisant, aux armes ou à la « volonté ». Mais aventurez-vous un instant à envisager que le problème soit plus fondamental – que la construction « occidentale » du savoir soit elle-même entachée d’insuffisances troublantes.
Trop peu d’intellectuels traditionnels sont même prêts à accepter l’idée que, peut-être, les structures sociales occidentales et leur épistémologie sous-jacente des valeurs sont si irrémédiablement faussées qu’elles font des régimes politiques occidentaux un lourd fardeau pour l’existence humaine.
Hégémonie occidentale
La notion de grave culpabilité morale et idéologique occidentale est difficile à saisir pour beaucoup, et plus encore à embrasser. Se demander si la géographie imaginaire appelée Occident est vraiment exceptionnelle, ou si le monde « libre » ou « civilisé » est véritablement civilisé, n’est pas une tâche simple, surtout quand la troisième sorcière shakespearienne – les Orientaux orientalisés, les sahibs bruns, les « gharbzadegi » et les « nègres de maison » – réagit avec fureur en rivalisant avec ses deux étranges sœurs, la néo-conservatrice et l’interventionniste humanitaire néolibérale.
Ainsi, il est généralement entendu que quelles que soient les lacunes, la civilisation occidentale préconise des idées, des idéaux et des normes qui sont les principaux composants de toute boussole morale légitime. Ainsi, dans ce récit, l’hégémonie et la hiérarchie occidentales deviennent à la fois morales et légitimes.
Trop peu d’intellectuels traditionnels sont même prêts à accepter l’idée que, peut-être, les structures sociales occidentales et leur épistémologie sous-jacente des valeurs sont si irrémédiablement faussées
Avec le soutien indéfectible apporté à des acteurs brutaux et génocidaires, le choc et l’horreur, l’occupation, la torture, l’assujettissement, le réchauffement climatique, la marchandisation et la sexualisation des femmes, et l’injustice sociale croissante, Barack Obama affirme que ces choses ne reflètent pas « qui nous sommes », alors que c’est exactement le cas.
La dissonance cognitive est criante : les valeurs et les actions semblent être complètement séparées les unes des autres, et de pures excuses écartent le fait qu’il n’y a jamais eu de valeurs nobles guidant le moteur destructeur de la « civilisation » occidentale.
Anticolonialiste, anti-apartheid
Depuis sa création, la République islamique d’Iran repose sur deux objectifs moraux et politiques clés : les mouvements de résistance anticolonialistes et anti-apartheid en Afrique du Sud et en Palestine. Bien que cela ait été magiquement effacé du discours public occidental aujourd’hui, à l’époque, l’ANC et Nelson Mandela ont été déclarés terroristes par les dirigeants occidentaux et désignés comme tels par la loi américaine.
Les libéraux et les gauchistes tolérés par l’establishment et qui se lamentent – comme leurs homologues contemporains hypocrites et opportunistes – n’auraient « toléré » ni la violence ni la « brutalité » de la résistance, et depuis la perspective et la sécurité « morale » de leurs tours d’ivoire bien financées, déclaraient les deux parties presque autant corrompues l’une que l’autre.
Ils étaient, et continuent d’être, des défenseurs des « droits de l’homme » acceptés par l’establishment et souvent primés, mais en vérité, en tant qu’auto-apologistes « innocents », ils ont régulièrement entravé toute résistance efficace face à un empire puissant. Des gardiens de la vertu, pour ainsi dire.
Néanmoins, grâce à la résistance et à leurs « apologistes », l’apartheid institutionnel s’est effondré en Afrique du Sud et le champ de bataille moral vital s’est totalement déplacé en Palestine.
Malgré des années de propagande occidentale, de désinformation des médias et de menaces israéliennes répétées, l’Iran n’a jamais menacé d’initier un conflit militaire avec Israël
En raison de son indépendance et de son soutien à la résistance à l’occupation en Palestine et au Liban – ou de son « antisémitisme » et son « terrorisme » selon la métropole qui contrôle l’histoire –, les Iraniens ordinaires ont vécu pendant des décennies l’ingérence, la diabolisation, les sanctions, la guerre, des attaques chimiques massives et répétées soutenues par l’Occident, et l’attaque d’avions de ligne civils par la marine américaine et l’armée de l’air de Saddam Hussein.
Les médias et think-tanks privés et publics occidentaux peuvent caricaturer sans fin l’Iran et la République islamique, mais les Iraniens reconnaissent massivement que leur indépendance, leur dignité et leur sécurité résident dans leur capacité à empêcher les puissances hégémoniques implacables et leurs clients de prendre le dessus dans la région.
Apologistes de l’empire
Soutenir l’extrémisme en Afghanistan et son invasion subséquente, soutenir Saddam, puis la destruction de l’Irak et plus tard de la Libye, affamer le Yémen et Gaza, écraser Bahreïn, répéter leur politique des années 1980 au Nicaragua en Syrie, l’extrémisme religieux remplaçant les Contras, et le coup d’État en Turquie sont tous liés à cet objectif.
Bien après que des organisations de renseignement étrangères ont facilité l’émergence de dizaines de milliers de combattants étrangers en Syrie, le Hezbollah (2013) et les forces iraniennes (2015) sont entrés en Syrie en nombre significatif et à la demande du gouvernement syrien.
Ignorant les apologistes de l’empire ainsi que les libéraux triomphalistes, les Iraniens comprenaient que l’objectif américain en Syrie n’était pas « la liberté et la démocratie », mais d’ébranler la Syrie pour blesser l’Iran et soutenir le régime israélien.
Lorsque le chef des renseignements militaires israéliens déclare que son pays préfère l’État islamique au président syrien Bachar al-Assad, que l’ancien chef du Mossad admet avoir traité des militants blessés d’al-Nosra parce que son régime n’est pas « spécifiquement visé par al-Qaïda », et que l’ancien ministre israélien de la Défense explique comment les combattants de l’EI occupant la frontière avec la Syrie ont eu la gentillesse de « s’excuser » auprès des Israéliens, il est clair que le choix se portait entre le drapeau syrien ou le drapeau noir.
Désinformation des médias
De manière semblable aux frappes illégales de missiles américaines, britanniques et françaises sur la Syrie, l’attaque israélienne sur la base aérienne T-4 syrienne et le meurtre de sept soldats iraniens étaient liés à cette politique de renforcement des extrémistes. Les Iraniens étaient légalement stationnés là-bas pour aider l’armée arabe syrienne à libérer les poches restantes occupées par les terroristes.
Malgré des années de propagande occidentale, de désinformation des médias et de menaces israéliennes répétées, l’Iran n’a jamais menacé d’initier un conflit militaire avec Israël. Cependant, le dévoué et cerné Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a maintenant fait une mauvaise évaluation et une grave erreur.
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Les États-Unis inculpent sans établir de mobile pour le défendeur, frappent sans attendre les inspections, et détruisent sans expliquer l’absence mystérieuse d’armes chimiques. Par l’exceptionnalisme occidental, la loi de la jungle prévaut, ne laissant aucun espoir de justice institutionnelle.
Toute nouvelle contrainte empêchant de réagir à une agression israélienne ne fera qu’encourager davantage d’atteintes contre l’Iran et les Iraniens. L’Iran ripostera en légitime défense.
Son orientalisme mis à part, Voltaire soulignait à juste titre : « Dieu n’est pas du côté des gros bataillons, mais du côté de ceux qui tirent le mieux. »
- Seyed Mohammad Marandi est professeur de littérature anglaise et d’orientalisme à l’Université de Téhéran.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le président iranien Hassan Rohani (à gauche) et de hauts responsables de ses forces armées assistent à un défilé à l’occasion de la journée annuelle de l’armée, le 18 avril 2018, à Téhéran (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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