Le gouvernement syrien parviendra-t-il à un accord avec les Kurdes ?
Des hauts responsables du Conseil démocratique syrien (CDS) dirigé par les Kurdes et de son aile armée, les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, se sont rendus à Damas la semaine dernière pour négocier avec des représentants du gouvernement syrien.
Cette visite est survenue quelques mois après que les États-Unis ont annoncé leur désir de se retirer de Syrie, ce qui pourrait rendre les FDS vulnérables et enhardir leurs ennemis. Pour éviter une telle situation et sécuriser ses acquis sur le terrain, le CDS semble être pressé de parvenir à un accord avec Damas alors qu’il dispose encore d’un fort pouvoir de négociation.
Mais sur quoi porteront les négociations – et un accord peut-il être conclu ?
Persécution de l’État
Avant le conflit, les Kurdes syriens ont été confrontés à la persécution de l’État pendant des années, sans la moindre reconnaissance constitutionnelle de leurs droits culturels ou politiques. Cependant, le seul objectif du régime syrien de combattre les groupes d’opposition sunnites après 2011 a donné au Parti de l’union démocratique (PYD) kurde et à son aile armée, les unités de protection du peuple (YPG), l’opportunité d’établir une autonomie de fait dans les régions à majorité kurde.
Avec le soutien des États-Unis, les YPG ont alors pu établir en 2015 une coalition multiethnique pour combattre l’État islamique (EI) en Syrie, s’étendant au-delà de ses bastions vers des régions comme Raqqa et Deir ez-Zor. Les gains rapides des FDS contre l’EI ont façonné leur décision de créer un cadre politique, le CDS, pour établir un système fédéral dans les zones sous leur contrôle, basé sur l’idéologie gauchiste de son épine dorsale, le PYD.
L’énorme fossé entre ce que les deux parties tentent d’accomplir fait qu’il est difficile d’imaginer qu’elles seront en mesure de parvenir à un accord substantiel dans un futur proche
Bien qu’elles contrôlent plus d’un quart du territoire syrien, les FDS ont réussi à éviter les conflits avec le régime syrien, hormis de rares escarmouches. Parfois, ces deux acteurs se sont même étroitement coordonnés pour combattre leur ennemi commun, les groupes rebelles.
Malgré l’importance de la visite de la délégation dirigée par les Kurdes à Damas, ce ne sont pas les premières négociations entre eux. Le CDS, par l’intermédiaire de ses affiliés, s’est régulièrement coordonné avec le régime syrien sur les questions d’administration locale dans la province de Hassaké, où les deux entités coexistent.
Un accord aurait été négocié entre les deux parties à Hassaké, en vertu duquel le régime syrien fournit sa technologie et son expertise pour augmenter la production pétrolière des champs contrôlés par les FDS, en échange du partage des revenus. De même, les négociations sur le barrage de Tabqa à Raqqa ont permis aux employés de l’État d’entretenir le barrage en échange de l’attribution d’une part de l’électricité produite aux zones tenues par le régime à Hassaké.
Demandes d’autonomie
Pour tirer parti de ces négociations locales, les responsables kurdes ont annoncé qu’ils étaient prêts à entamer des négociations directes avec Damas sans aucune condition préalable. En outre, le CDS a mis en place une plate-forme, l’Administration autonome démocratique, pour représenter les zones sous son contrôle dans les négociations avec le régime syrien.
L’agenda des négociations à Damas reste incertain, mais les responsables kurdes ont indiqué qu’elles seraient plus significatives et complètes que les discussions précédentes. Le co-président du CDS, Riad Darar, a déclaré dans une interview avec Reuters qu’il n’y avait aucun plan défini, mais les discussions incluront probablement des questions de prestation de services, en plus des questions politiques et de sécurité. Le CDS devrait concentrer ses revendications sur une certaine forme d’autonomie ou de structure décentralisée pour maintenir son organisation et son contrôle sur le nord-ouest de la Syrie.
En ce qui concerne le régime syrien, on s’attend à ce qu’il fasse pression pour obtenir un accord lui permettant de rétablir son autorité sur ces régions sans compromis majeur. En outre, le régime encouragera probablement la réintégration des FDS et des autres forces de sécurité affiliées dans les forces armées régulières de l’État.
L’énorme fossé entre ce que les deux parties tentent d’accomplir fait qu’il est difficile d’imaginer qu’elles seront en mesure de parvenir à un accord substantiel dans un futur proche.
Le régime souhaite que le CDS facilite l’entrée de l’armée syrienne et le retour des institutions étatiques dans les zones situées à l’est de l’Euphrate, en échange de la reconnaissance constitutionnelle de la communauté kurde et de ses droits culturels
Enhardi par ses récentes victoires militaires, le régime semble plus déterminé que jamais à empêcher l’établissement de centres d’autorité parallèles en Syrie. Ce désir était clairement affirmé dans la récente déclaration du président Bachar al-Assad, décrivant les administrations dirigées par les Kurdes comme des « structures temporaires ».
On trouve davantage de détails sur ce que le régime est disposé à offrir dans une récente interview avec Omar Usi, un membre kurde du Parlement du régime, qui a déclaré que les discussions se concentreraient sur le confinement des ambitions des Kurdes dans la sphère culturelle, avec un contrôle du gouvernement central restauré dans les zones sous contrôle kurde. En d’autres termes, le régime souhaite que le CDS facilite l’entrée de l’armée syrienne et le retour des institutions étatiques dans les zones situées à l’est de l’Euphrate, en échange de la reconnaissance constitutionnelle de la communauté kurde et de ses droits culturels.
Combler le fossé
Un tel accord, qui n’offre pas au CDS le minimum de ce qu’il est prêt à accepter, sera très probablement rejeté. Salih Muslim, ancien coprésident du PYD et membre du CDS, a prédit que le régime syrien voudrait manipuler les discussions en cours pour imposer un accord de reddition semblable à ceux négociés avec les groupes rebelles. Muslim a ajouté que le CDS, contrairement aux groupes rebelles qui étaient obligés de se soumettre, continuerait à lutter contre un tel accord jusqu’à la fin.
Pour aider à combler progressivement le fossé, les négociations seraient divisées en plusieurs phases. La première abordera la restauration des services gouvernementaux (électricité, registres d’état civil, santé, etc.) dans les zones tenues par le CDS. Ces questions mutuellement bénéfiques seront utilisées pour donner confiance aux parties. La deuxième étape abordera deux passages frontaliers avec l’Irak contrôlés par les FDS. Les étapes ultérieures s’appuieront sur les réussites antérieures et discuteront des principaux problèmes qui nécessitent plus de temps et d’efforts.
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Au lieu de présenter ces négociations comme une potentielle avancée, il est plus réaliste de les considérer comme une tentative de tâter le terrain. De telles discussions ne peuvent aboutir à un accord que lorsque l’une des parties à la négociation, probablement le CDS, subira suffisamment de pression pour accepter une version légèrement modifiée de l’accord qui est actuellement sur la table.
- Haid Haid est un chroniqueur et chercheur syrien associé à l’ICRS, la Chatham House et à l’Atlantic Council. Il se concentre sur les politiques en matière de sécurité, la résolution des conflits, les Kurdes et les mouvements islamistes. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @HaidHaid22.
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Photo : les Forces démocratiques syriennes ont combattu le groupe État islamique avec le soutien des États-Unis (Reuters).
Traduit de l’anglais (original).
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