Bataille d’Idleb : les civils « n’ont nulle part où aller »
Les travailleurs humanitaires syriens ont averti qu’une attaque totale du gouvernement contre Idleb aboutira à une crise humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie qui sera « impossible à gérer ».
Le temps presse en effet pour environ trois millions de personnes vivant dans la dernière zone contrôlée par les rebelles, qui devrait être la cible d’une offensive majeure du gouvernement syrien et de ses alliés dans les jours à venir.
L’ONU a indiqué lundi que 30 000 Syriens ont été déplacés à Idleb depuis leur foyer dans le nord-ouest de la Syrie après la reprise des frappes aériennes et terrestres du gouvernement syrien et de ses alliés ces derniers jours.
Au cours du weekend, des avions de combat russes et syriens ont repris leurs frappes aériennes dans le sud d’Idleb, tuant au moins deux enfants, d’après les Forces de la défense civile syrienne (DCS).
L’Union des organisations de secours et soins médicaux a déclaré que six installations médicales et de défense civile, dont trois hôpitaux, avaient été la cible d’avions de combat russes.
« Certains [réfugiés] ont même déclaré qu’ils se préparaient à mourir, Idleb étant le dernier endroit sûr pour beaucoup d’entre eux »
- Ahmed Mahmoud, Islamic Relief
Les secouristes ont ajouté que les hôpitaux visés s’occupaient de plus de 20 000 personnes et étaient désormais incapables de soigner les civils blessés lors de cette nouvelle vague d’attaques.
« Avec la fermeture de ces hôpitaux, les patients doivent être transférés dans des centres médicaux situés dans des régions éloignées, à deux heures de route », a déclaré Othman Ibrahim, un membre de la défense civile syrienne de Jarjnaz, à Middle East Eye.
« Cela signifie que davantage de personnes mourront en se rendant à l’hôpital, alors que nous aurions pu les sauver dans les hôpitaux voisins. »
Ibrahim a ajouté que la nouvelle vague d’attaques exerçait une « pression immense » sur les secouristes volontaires dans le sud d’Idleb alors que nombre de leurs centres de secours avaient été détruits ces dernières semaines.
« Nous subissons une énorme pression car les attaques se produisent à grande échelle dans le nord de la Syrie et nous n’avons pas la capacité de couvrir les zones ciblées », a déclaré Ibrahim.
Idleb étaient un lieu sûr pour les milliers de personnes qui ont fui les combats ou qui ont été déplacées de force d’autres zones précédemment contrôlées par les rebelles en Syrie.
De hauts responsables jordaniens et libanais ont décrit les conditions à Idleb comme une « case de tir bien conçue », la majorité des civils n’ayant nulle part où aller lorsque le gouvernement prendra totalement le contrôle.
Nulle part où aller
Ahmed Mahmoud, porte-parole chargé de la Syrie pour le groupe d’aide humanitaire Islamic Relief, s’est rendu à Idleb la semaine dernière alors que le gouvernement et ses alliés commençaient leur progression sur le territoire rebelle.
Il a déclaré à Middle East Eye que les civils étaient éparpillés à l’intérieur de la zone contrôlée par les rebelles, les tentes n’étant pas suffisantes pour aider le nombre croissant de personnes déplacées à l’intérieur d’Idleb.
« Un très grand nombre de personnes vivent dans des situations très difficiles. Il n’y a pas assez de tentes. Des civils vivent dans des écoles, des mosquées, des abris collectifs, dans tout bâtiment détruit. »
« Les tentes ont été arrachées et enlevées à plusieurs reprises en raison des conditions météorologiques difficiles », a ajouté Mahmoud, qui s’adressait à MEE depuis la frontière turque.
« Les gens essaient de s’installer où ils le peuvent dans l’espoir d’être protégés contre les frappes aériennes. Certains ont même commencé à s’installer sous les arbres dans l’espoir que cela les sauvera »
- Ahmed Mahmoud, Islamic Relief
Ses avertissements interviennent alors que des responsables du Croissant-Rouge turc ont déclaré à MEE qu’ils craignaient que des millions de personnes ne cherchent refuge le long de la frontière turque avec la Syrie.
« Les gens essaient de s’installer où ils le peuvent dans l’espoir d’être protégés contre les frappes aériennes. Certains ont même commencé à s’installer sous les arbres dans l’espoir que cela les sauvera », a déclaré Mahmoud.
« Lorsque nous parlons aux Syriens qui ont déjà été déplacés trois, cinq, voire six fois, ils disent eux-mêmes qu’il ne reste nulle part où aller. »
« Certains ont même déclaré qu’ils se préparaient à mourir, Idleb étant le dernier endroit sûr pour beaucoup d’entre eux. »
Ressources sous pression
L’assaut imminent du gouvernement sur l’ensemble d’Idleb a suscité de nouvelles inquiétudes quant à la pression qu’il exercera sur les infrastructures endommagées de la région.
Les infrastructures civiles d’Idleb ont eu du mal à satisfaire les besoins de milliers de personnes venues dans la province depuis le début de la guerre en Syrie.
Le bombardement intensif des infrastructures civiles, y compris les hôpitaux et les puits, a davantage aggravé la pression sur ces services.
« Lorsque la crise a commencé, il n’y avait aucune agence de l’ONU en Syrie pour organiser des camps. Mais lorsque les camps d’Idleb ont été construits, il n’y a pas eu de planification adéquate », a expliqué Mahmoud.
« Tout le monde pensait que les gens seraient déplacés à court terme. Aujourd’hui, ces quelques tentes près de la frontière turque accueillent une énorme population. »
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L’humanitaire a ajouté que de nouveaux déplacements aggraveront les choses pour les personnes déplacées, alors que les agences d’aide peinent à satisfaire la demande.
« Les établissements de santé sont déjà très sollicités. Islamic Relief soutient plus de 60 hôpitaux, mais nous ne sommes toujours pas en mesure de couvrir l’énorme besoin via nos différentes installations.
« Les puits ont été presque épuisés par la population pour diverses raisons. Maintenant, la principale source d’eau est les camions-citernes, qui sont coûteux et viennent de loin. »
Traduit de l’anglais (original).
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