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Israël cherche à exploiter les attentats de Bruxelles, tout comme la « guerre contre la terreur »

Les hommes politiques et experts militaires israéliens affirment que les méthodes de leur pays en matière de sécurité auraient pu empêcher les attentats de Bruxelles

Le ministère du Transport israélien Yisrael Katz est connu en Israël pour ses remarques plutôt grossières. Donc quand il a expliqué, le jour suivant les attentats meurtriers de Bruxelles, que, « si les Belges continuent à manger du chocolat, à profiter de la vie [...] alors ils seront incapables de combattre le terrorisme », ses propos sont passés quasiment inaperçus. C’est seulement après qu’ils ont été cités et ridiculisés dans les médias occidentaux que les experts israéliens ont critiqué Katz pour avoir donné une mauvaise image d’Israël à l’étranger.

Pourtant, Katz a exprimé ce que de nombreux Israéliens, politiciens et experts militaires pensent, à savoir que les Européens ne savent pas comment combattre « la terreur musulmane » et qu’ils devraient donc apprendre de nous, Israéliens, comment s’y prendre.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou (dont Katz se voit comme l’un des futurs héritiers) a suivi le même raisonnement. « De nombreux pays à travers le monde viennent apprendre de notre expérience dans la lutte contre le terrorisme, et leur nombre croît de jour en jour », a déclaré Netanyahou lors d’une rare conférence de presse donnée quelques heures après les attentats de Bruxelles le 22 mars.

Netanyahou n’a pas manqué l’occasion pour soutenir que l’Europe et Israël combattent la même guerre.

« Je l’ai dit et redit, le terrorisme ne surgit pas de l’occupation ou du désespoir, mais de l’espoir », a dit Netanyahou. « L’espoir que les terroristes de l’EI [le groupe État islamique] établissent un califat musulman à travers toute l’Europe et l’espoir que les terroristes palestiniens établissent un État palestinien à travers tout Israël. »

Bien que de nombreux experts militaires israéliens – pour beaucoup d’anciens généraux ou haut-gradés des forces de sécurité – ne soient pas allés aussi loin que Netanyahou et Katz, ils ont certainement partagé certaines de leurs affirmations de base. Israël, ont-ils dit, a développé des méthodes très efficaces de lutte contre le terrorisme et est parvenu envers et contre tout à mettre un terme aux attentats-suicides. L’Europe a une chance de vaincre le groupe État islamique seulement si elle adopte les mêmes méthodes.

Les cercles militaires israéliens n’ont pas tort quand ils disent que leurs méthodes sont imitées partout dans le monde. Pendant la seconde Intifada, le soulèvement palestinien qui a pris fin en 2005, Israël a commencé à utiliser ce qu’il appelle des « assassinats ciblés », lesquels consistent à éliminer chez eux ou dans les rues de leurs villes et villages des Palestiniens prétendument responsables d’avoir planifié des attaques passées ou à venir contre des cibles israéliennes.

Ces assassinats volontaires, menés essentiellement à l’aide de missiles tirés depuis des avions ou des drones, ont été initialement condamnés par la communauté internationale comme une forme d’exécution extrajudiciaire. Or désormais, les « assassinats ciblés » sont entièrement adoptés par l’armée américaine et les armées d’autres pays occidentaux comme une méthode légitime et efficace dans leurs guerres en Irak, en Afghanistan et ailleurs.

Dans son film The Lab (« le laboratoire »), le documentariste israélien Yotam Feldman montre comment le savoir-faire militaire israélien dans la guerre « contre la terreur » – des missiles et technologies de drones aux méthodes de combat utilisées contre la population palestinienne en Cisjordanie et à Gaza – séduit des marchés sans cesse croissants. Les opérations israéliennes à Gaza, déclare Feldman, sont devenues une sorte de laboratoire dans lequel de nouvelles technologies « anti-terreur » sont expérimentées.

Ce n’est pas un hasard si les exportations militaires israéliennes ont plus que triplé de valeur, passant de 2 milliards de dollars par an en 2002, au début de la seconde Intifada, à 7 milliards de dollars en 2012. On peut dès lors comprendre pourquoi les experts militaires israéliens se sentent capables de conseiller les autres pays, supposément moins expérimentés.  

Faisant référence aux attentats de Bruxelles, les experts israéliens ont suggéré que l’Europe devrait adopter une autre méthode employée par les forces de sécurité israéliennes : « cibler » des populations entières, même si elles ne sont pas directement impliquées dans des attaques violentes, en les soumettant à une surveillance constante. De même qu’Israël surveille et contrôle chaque quartier et village de Cisjordanie et de Gaza, l’Europe devrait surveiller les quartiers musulmans ou les mosquées du continent.

Les aéroports européens, a-t-on suggéré, devraient aussi adopter la méthode israélienne du « profilage », selon laquelle les passagers sont interrogés et inspectés en fonction de leurs origines ethniques. Si une telle méthodes avait été utilisée à Bruxelles, affirment-ils, on aurait pu empêcher les attentats.

- Meron Rapoport, journaliste et écrivain israélien, a remporté le prix Naples de journalisme grâce à une enquête qu’il a réalisée sur le vol d’oliviers à leurs propriétaires palestiniens. Ancien directeur du service d’informations du journal Haaretz, il est aujourd’hui journaliste indépendant.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : l’entrée de l’aéroport international Ben Gourion, près de Tel Aviv, Israël, le 21 août 2014 (AFP). 

Traduction de l’anglais (original). 

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