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Italie : les politiques islamophobes de Meloni relèguent les musulmans à la marge

Depuis son entrée en fonction, la Première ministre italienne promeut des théories du complot à propos de l’islamisation de l’Europe. Aujourd’hui, des mesures sont prises pour réprimer la vie civile des musulmans
La Première ministre italienne Giorgia Meloni tient une conférence de presse au Palazzo Chigi à Rome, le 8 juin 2023 (AFP)
La Première ministre italienne Giorgia Meloni tient une conférence de presse au Palazzo Chigi à Rome, le 8 juin 2023 (AFP)

Depuis son entrée en fonction en octobre à la suite des élections législatives, la Première ministre italienne et cofondatrice dirigeante du parti néofasciste Fratelli d’Italia (FdI, Frères d’Italie), Giorgia Meloni, a fait de nombreux gros titres négatifs.

Elle inquiétait les élites politiques en Europe avec son partenaire de coalition d’extrême droite, la Ligue. Mais contrairement aux craintes, elle ne s’est pas opposée à l’Union européenne (UE) et n’a pas brisé l’unité de l’OTAN contre l’invasion russe de l’Ukraine, deux domaines qui rendaient particulièrement anxieux ses homologues européens.

La dirigeante de l’extrême droite française Marine Le Pen a même reproché à Meloni d’avoir fait des « concessions » en matière d’immigration face à l’UE.

Des musulmans brandissent des affiches tandis qu’ils prient lors d’une manifestation contre l’islamophobie dans le centre de Rome, le 30 octobre 2020 (AFP)
Des musulmans brandissent des affiches tandis qu’ils prient lors d’une manifestation contre l’islamophobie dans le centre de Rome, le 30 octobre 2020 (AFP)

En plus de son agenda anti-LGBTQI+, Meloni soutient la théorie du complot à propos d’une prétendue islamisation de l’Europe.

En septembre 2019, Meloni avait rédigé l’avant-propos du « Premier rapport sur l’islamisation de l’Europe », présentée par le think tank d’extrême droite, Farefuturo Foundation, dans lesquelles elle écrit : « Parce que nous craignons que la “prophétie” de [Michel] Houellebecq si jamais l’Europe, et l’Italie ce qui nous inquiète particulièrement, ne décide pas de se doter de politiques et d’outils pour se préserver, puisse inéluctablement se transformer en réalité. »

Aujourd’hui, des premières mesures sont prises pour combattre cette prétendue islamisation.

Amender les règles d’urbanisme

Comme l’a mentionné la chercheuse Ada Mullol Marin dans son rapport sur l’islamophobie en Italie en 2022 : « Des membres des FdI et de la Ligue ont fait des déclarations contre l’existence et la construction de nouvelles mosquées dans le pays, faisant valoir qu’elles déclenchent des conflits sociaux. »

Une couverture médiatique simultanée mettant en garde contre la construction de nouvelles mosquées, signes de création d’un « ghetto islamique » – à la une dans le quotidien Il Giornale, détenu par la famille Berlusconi – a mené le reste de la campagne de peur pour légitimiter des mesures des politiques discriminatoires.

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Et ce discours, avant les élections nationales, semble finalement porter des fruits.

Comme l’a signalé un média local, le parti FdI de Meloni, qui dirige l’actuelle coalition gouvernementale en Italie, a proposé un projet de loi visant à interdire que des garages et entrepôts industriels servent de mosquées.

Fer de lance de ce projet de loi, le dirigeant FdI à la chambre des députés italienne Tommaso Foti prétend que cela arrêterait l’islamisation de l’Italie.

Ce projet de loi est actuellement débattu dans la commission environnementale du Parlement. Et comme d’autres États comme la Carinthie et le Vorarlberg en Autriche, cette loi vise à amender les règles d’urbanisme.

De cette façon, contrairement à la Suisse où il existe une interdiction explicite des minarets dans la Constitution qui enfreint clairement les droits de l’homme, le gouvernement italien veut couper-court à toute critique potentielle à l’égard de la violation de la liberté religieuse.

Mais plusieurs tentatives similaires ont échoué au niveau régional parce que les règles ont été jugées inconstitutionnelles. Sauf que cette fois, le gouvernement d’extrême droite, dirigé par les Frères d’Italie, veut se servir de sa domination au niveau national.

Restreindre la liberté religieuse des musulmans

De l’autre côté, le gouvernement se retrouve face à l’opposition de divers partis notamment les verts, les libéraux (Action) et un parti représentant les minorités linguistiques. Ils affirment que ce nouveau projet de loi va restreindre la liberté religieuse des musulmans.

Actuellement, les musulmans – qui constituent environ 4, 9 % de la population totale (soit 2, 7 millions de personnes), sont principalement représentés parmi les travailleurs pauvres et les descendants d’immigrés. Leur richesse matérielle est limitée.

Ainsi, de nombreux espaces de prière ne sont pas de belles mosquées étincelantes et brillantes, mais se situent dans des garages et des environnements industriels.

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L’Italie ne soutient pas la construction de bâtiments religieux musulmans et ne reconnaît pas légalement l’islam.

Si aujourd’hui le pays reconnaît l’église catholique comme une autorité souveraine et indépendante et a signé des contrats avec un total de treize communautés religieuses – bien moins importantes –, notamment les hindous et les juifs, les musulmans n’ont pas la même reconnaissance juridique qui leur permettrait d’institutionnaliser leurs infrastructures religieuses.

Mais un tel contrat comporte aussi des risques car les musulmans pourraient être soumis à bien plus de pression, de surveillance et une plus grande régulation de la part de l’État italien, comme ce qu’on peut observer en Autriche.

Les politiques du parti de Meloni relèguent les musulmans encore plus à la marge de la société, menaçant le culte collectif, l’un des piliers les plus fondamentaux de l’islam. 

Avec un parti néo-fasciste au pouvoir, un autre pas est fait pour démanteler la liberté religieuse et faire de l’Italie un pays discriminant les musulmans.

- Farid Hafez est professeur invité d’études internationales au Williams College et chercheur principal à la Bridge Initiative de l’université de Georgetown.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Farid Hafez is a Distinguished Visiting Professor of International Studies at Williams College and a non-resident Senior Researcher at Georgetown University’s The Bridge Initiative.
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