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La dramatique disparition des espèces au cœur de la conférence sur la biodiversité en Égypte

Alors qu’une conférence majeure sur la biodiversité organisée par les Nations unies se tient jusqu’au 29 novembre en Égypte, les experts s’alarment de la disparition des espèces, qui hypothèque l’avenir des êtres humains
Des spécialistes de l’environnement iraniens se sont mobilisés pour protéger les derniers guépards asiatiques dont le nombre est estimé à 50 dans le monde (AFP)
Des spécialistes de l’environnement iraniens se sont mobilisés pour protéger les derniers guépards asiatiques dont le nombre est estimé à 50 dans le monde (AFP)

La biodiversité – la variété des espèces sous toutes ses formes – ne fait pas souvent la une des journaux. Et pourtant sa disparition entraînerait notre condamnation à tous.

Alors qu’une conférence majeure sur la biodiversité organisée par les Nations unies se tient jusqu’au 29 novembre dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh en Égypte, des délégations de 196 pays sont venues assister à l’annonce de nouvelles déprimantes : les derniers chiffres recueillis par la WWF (World Wildlife Fund) font état d’une baisse vertigineuse de 60 % du nombre des mammifères, oiseaux, poissons et reptiles dans le mondeau cours des 50 dernières années.

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« Nous fonçons droit dans le mur » a déclaré Mike Barrett, directeur exécutif du département Science et conservation chez WWF, dans The Guardian.

« La situation est bien plus grave que si nous assistions à la disparition des merveilles de la nature... En réalité, c’est l’avenir des êtres humains qui est en danger. La nature n’est pas là uniquement pour nous contenter, elle est indispensable à la survie de notre espèce. »

Les pays délégués qui participent à la conférence des Nations unies en Égypte n’auront pas à chercher bien loin des preuves de l’appauvrissement progressif de la biodiversité. Les coraux au large de Charm el-Cheikh et du golfe d’Aqaba, au nord de la mer Rouge, abritent plus de 1 000 espèces de poissons et 250 types de coraux différents, ce qui en fait l’un des habitats naturels les plus riches au monde. 

Face à la montée des températures et au changement climatique, les coraux de la mer Rouge ont fait preuve d’une résilience remarquable. Mais le développement anarchique du tourisme de masse, le rejet des déchets dans la mer, la pêche intensive et l’utilisation d’explosifs par les pêcheurs ont causé de graves dommages dans cette région riche en biodiversité. 

Les mangroves et les algues marines, qui alimentent une large variété d’espèces marines et agissent comme régulateur empêchant la montée du niveau de la mer et les ondes de tempête, ont disparu.

Destruction des écosystèmes marins

De même, la prospection pétrolière, l’eau rejetée par les usines de dessalement et l’augmentation effrénée de programmes de développement industriels et touristiques le long de la côte de la mer Rouge et autour du golfe ont contribué à décimer non seulement les réserves de pêche, mais également les plantes, les espèces d’oiseaux et autres espèces sauvages.

Les mangroves et les algues marines, qui alimentent une large variété d’espèces marines et agissent comme régulateur empêchant la montée du niveau de la mer et les ondes de tempête, ont disparu. 

La frénésie de construction est à l’origine de la destruction actuelle des zones marécageuses du littoral et de l’intérieur des terres. De par leur fonction purificatrice de l’eau, ces zones sont souvent comparées aux « reins de la terre ». Elles remplissent également d’autres fonctions vitales, en permettant la survie d’une grande variété de faune et de flore et en jouant le rôle de « siphon carbonique », absorbant en grande quantité le gaz à effet de serre responsable du changement climatique. 

Les mangroves et les algues marines, qui alimentent une large variété d’espèces marines et agissent comme régulateur empêchant la montée du niveau de la mer et les ondes de tempête, ont disparu

Aux Émirats arabes unis (EAU), de vastes projets de défrichement, comme les Palm Islands et l’archipel des World Islands à Dubaï, ont altéré la géographie de la côte et ont profondément modifié la configuration des vagues.

Ces transformations ont engendré la destruction des écosystèmes marins. Démarré au début des années 2000, le projet des World Islands qui a coûté plusieurs milliards de dollars, a été gelé au moment du crack financier de 2008, avant d’être relancé. Il est toutefois loin d’être achevé, alors que certaines îles seraient déjà en train de s’enfoncer dans la mer. 

Les activités des EAU à Socotra – un archipel d’îles au large de la côte méridionale du Yémen – ont également suscité des inquiétudes chez les écologistes. Territoire yéménite dont les EAU se sont ouvertement emparé ces dernières années, le site de Socotra classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et l’une des régions du monde les plus riches en biodiversité, a souvent été comparé aux « Galapagos de l’Océan Indien ». 

On estime que 40 % des plantes, notamment le fameux Dragonnier, et 90 % des reptiles qui se trouvent sur Socotra sont des espèces endémiquesde l’île. Selon certaines allégations, les EAU auraient détruit des espèces rares parmi la faune et la flore de l’île, et auraient l’intention de transformer les plages vierges de ce territoire en stations balnéaires. Ces dernières années, la population de Socotra estimée à 60 000 habitants, ainsi que son exceptionnelle biodiversité, ont été frappées par une série de cyclones

Des touristes admirent les Dragonniers sur l’île yéménite de Socotra en 2008 (AFP)

À la suite des plaintes du Yémen accusant les EAU de vouloir prendre le contrôle total des îles, de nombreux soldats émiratis basés à Socotra ont quitté les lieux plus tôt dans l’année pour laisser la place aux forces saoudiennes. 

La nature a une capacité de résilience remarquable, et peut-être est-il encore temps de sauver certaines espèces menacées et de restaurer certains habitats naturels. Mais dans de nombreuses régions, un ensemble de facteurs – comme le changement climatique, la mauvaise gestion des terres et des eaux et les conflits politiques et militaires – entraîne un appauvrissement de la biodiversité toujours plus important.

Menaces d’extinction

Dans certaines régions d’Iran et dans les zones marécageuses du sud de l’Irak, la situation est rapidement en train de se transformer en une catastrophe humaine et environnementale. Selon le ministère de l’Environnement iranien, plus de la moitié des terres marécageuses du pays – couvrant une zone de plus d’un million d’hectares, qui regorgeait autrefois de poissons et d’oiseaux – se sont asséchées en raison d’une sécheresse prolongée et d’une utilisation irrationnelle des ressources en eau. 

Les lacs et les marais ont disparu et les rivières se sont taries laissant place à des bassins de poussière ou dustbowls. Ce terme fait référence à une région des États-Unis regroupant une partie de l’Oklahoma, du Kansas et du Texas qui a été frappée par la sécheresse dans les années 1930, suite à une surexploitation agricole, causant une catastrophe écologique majeure. 

Des espèces rares, comme la Panthère de Perse et le guépard asiatique, sont menacées d’extinction en raison de la construction de routes et de la surexploitation – notamment des hydrocarbures. Les spécialistes de la faune et de la flore affirment qu’il ne subsisterait que 50 guépards asiatiques à l’état sauvage

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De vastes étendues de terres arables sont aujourd’hui infertiles. Des bisons, des espèces d’oiseaux et de poissons sont en voie d’extinction. Les roseaux et autres plantes menacées sont actuellement détruits

Les problèmes en matière de biodiversité sont encore plus graves autour de la ville septentrionale de Bassorah, en Irak, où les terres marécageuses ont permis le développement d’un mode de vie unique pendant des milliers d’années. À l’endroit où se rejoignent et se divisent en dizaines de canaux les mythiques fleuves du Tigre et de l’Euphrate, des marais s’étendaient autrefois sur une zone de plus de 20 000 km2, peuplée d’au moins 500 000 habitants. 

Au début des années 1990, Saddam Hussein y avait construit un barrage et drainé les marais après que les peuples indigènes ont soutenu un soulèvement chiite à l’encontre du régime baasiste. Au lendemain du renversement de Saddam Hussein, les populations locales ont démoli le barrage et les digues et ont réintroduit la vie dans la région. 

Depuis 2016, ces marais sont inscrits par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité et constituent un « refuge pour la biodiversité ». Plus de 250 espèces d’oiseaux ont été répertoriés dans les marais, dont certains, comme la Rousserolle d’Irak et le Cratérope d’Irak, sont uniquement présents en Irak

Utilisation inappropriée des ressources en eau

Aujourd’hui, le réseau dense de canaux et de voies d’eau situé dans le sud de l’Irak est une nouvelle fois menacé. Une sécheresse extrême, une utilisation abusive des ressources en eau par le gouvernement de Bagdad et les barrages construits en amont aux frontières de l’Iran et de la Turquie ont gravement abaissé le niveau des eaux du Tigre et de l’Euphrate. 

Parallèlement à la forte baisse du niveau de la mer, la salinité a augmenté de manière spectaculaire du fait de l’évaporation et de l’infiltration d’eau salée provenant du golfe. Il n’est pas rare, qu’en raison de la salinité et de la pollution, il y ait très peu d’eau, voire une pénurie totale d’eau à Bassorah. Au cours d’une sécheresse estivale prolongée, des milliers d’individus ont été hospitalisés pour avoir contracté des maladies transmises par l’eau contaminée. 

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De vastes étendues de terres arables sont aujourd’hui infertiles. Des bisons, des espèces d’oiseaux et de poissons sont en voie d’extinction. Les roseaux et autres plantes menacées sont actuellement détruits. Plusieurs personnes ont été tuées au cours des manifestations qui ont éclaté pour protester contre l’inaptitude du gouvernement et la pénurie d’infrastructure de base et d’emplois dans la province riche en pétrole

La conférence de Charm el-Cheikh se déroule sous les auspices de la Convention onusienne sur la diversité biologique. 

« L’appauvrissement de la biodiversité tue en silence », a souligné la directrice exécutive de la convention, Cristiana Pasca Palmer, dans The Guardian. « Le temps que vous réalisiez ce qui se passe, il est peut-être déjà trop tard... Il faut espérer que nous ne serons pas la première espèce à documenter notre propre disparition ».

Kieran Cooke, ancien correspondant à l’étranger pour la BBC et le Financial Times, collabore toujours avec la BBC et de nombreux autres journaux internationaux et radios.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduction de l’anglais (original) par Julie Ghibaudo

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