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L’Iran est ce à quoi ressemblera l’État islamique s’il réussit

Ceux qui redoutent la façon dont pourrait évoluer la vision déformée de l’islam par l’EI si le groupe en venait à former un véritable État ne doivent peut-être pas regarder plus loin que l’Iran

Lorsque les gens réfléchissent à ce qui les horrifie le plus au sujet de l’auto-proclamé État islamique (EI) – un nom qui marque sans aucun doute l’apothéose de toutes les appellations inappropriées –, ils évoquent habituellement sa violence brutale, son usage de la torture, ses crimes sexuels, et la façon dont l’EI déforme la religion islamique en la transformant en quelque chose de méconnaissable pour tout musulman normal.

Mais ce qui effraie le plus les gens est ce que à quoi ressemblerait la dénaturation de l’islam par l’EI si le groupe parvenait à devenir un État de fait.

Permettez-moi, dans ce cas, de vous prédire l’avenir si nous échouons à arrêter l’EI et les symptômes qui l’ont créé. Si vous voulez une petite idée de ce à quoi ressemblerait un « califat » gouverné par l’EI, ne regardez pas plus loin que l’Iran.

Les comparaisons avec l’Arabie saoudite

Certains auteurs ont essayé de représenter l’Arabie saoudite comme une forme étatique de l’EI, mais ceci est loin de la vérité. Bien que l’Arabie saoudite doive répondre d’un grand nombre de ses actes, notamment son soutien au coup d’État sanglant d’Abdel Fattah el-Sissi en Égypte, sa coopération avec les États-Unis pour détruire et envahir l’Irak, et sa répression des droits des femmes et d’autres, ce n’est rien en comparaison avec la fanatique théocratie iranienne.

L’Iran a une réputation presque légendaire de déformation de l’islam. Par exemple, il n’y a pas si longtemps, des rapports ont mentionné que les autorités iraniennes avaient exécuté tous les adultes de sexe masculin d’un village de la province du Sistan-et-Balouchistan sur la base de délits liés à la drogue.

Vous avez bien lu – tous les hommes. Bien que ce genre de méfaits liés à la drogue, notamment le trafic de stupéfiants, constitue sans aucun doute des crimes graves qui sont également punissables de mort dans d’autres pays, les autorités iraniennes n’ont pas porté la moindre attention – ni ne se sont interrogées – sur la raison pour laquelle un village entier a estimé qu’il devait avoir recours à la criminalité pour gagner de quoi vivre.

Si le gouvernement iranien avait un respect quelconque pour les véritables enseignements de l’islam, il aurait su que le proche compagnon et ami du Prophète Mohammed, le calife et imam Omar ibn al-Khattab, a montré au monde ce que signifiait une gouvernance équilibrée et clémente quand il a utilisé le principe islamique de révocation temporaire des punitions et prohibitions en cas de circonstances extrêmement difficiles.

Ceci s’est produit lorsque les musulmans vivant sous les soins du calife Omar étaient parfois contraints de voler pour se nourrir et nourrir leurs familles alors qu’ils souffraient de la famine qui sévissait à l’époque. Pourquoi Omar a-t-il agi ainsi ? Parce que selon l’islam, il en va de la responsabilité de l’État de faire en sorte en premier lieu que ses citoyens ne soient jamais mis dans une telle situation, et que par conséquent ces derniers ne sauraient être punis pour avoir essayé de survivre.  

Des attaques terroristes organisées

L’EI se donne beaucoup de mal pour convaincre les musulmans que sa voie est vertueuse et que tous les musulmans à travers le monde devraient rejoindre sa cause. En quoi est-ce différent de l’Iran qui, depuis les jours de l’ayatollah Khomeini, a déclenché des guerres, organisé des attentats terroristes et tenté d’assassiner les dirigeants politiques d’autre pays (citons, à titre d’exemple, la tentative d’assassinat sponsorisée par l’Iran de l’Irakien Tariq Aziz en 1980), et tout cela au nom de « l’exportation de la révolution islamique » ?

N’oublions pas la Force al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique (GRI), une unité dont la seule mission est d’exporter la révolution et qui est responsable de toutes les opérations extraterritoriales des GRI, dont la création, le financement, la formation et l’armement de groupes paramilitaires inspirés par des considérations religieuses et loyaux au chef suprême Khamenei à Téhéran.

Le général Qassem Soleimani, commandant de la Force al-Qods, est connu comme le général iranien qui commande et contrôle des organisations terroristes chiites sectaires in Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et au-delà. Jusqu’au désastreux accord sur le nucléaire du président Obama avec l’Iran, Soleimani figurait sur une liste de personnes sanctionnées pour activités terroristes.

Tout comme les GRI, l’EI utilise lui aussi un système de loyauté, de clientélismes et de fanatisme religieux pour recruter et convaincre d’autres groupes militants de rejoindre sa cause. Il suffit de considérer des exemples comme Boko Haram pour en trouver la preuve, et comprendre que les GRI opèrent en grande partie de la même façon.

Les rapports de l’Iran avec al-Qaïda et les Talibans

Ceci, toutefois, ne devrait peut-être pas surprendre étant donné que Wikileaks nous a déjà dévoilé les liens de l’EI avec al-Qaïda en Irak (AQI). En mars 2016, un tribunal américain a ordonné à l’Iran de verser des compensations aux victimes du 11 septembre 2001 pour l’aide présumée de Téhéran aux pirates de l’air d’al-Qaïda. L’Iran serait même, selon certains rapports, en train de s’associer aux Talibans en Afghanistan contre l’EI. Pendant ce temps, le client de l’Iran en Syrie, le gouvernement Assad, poursuit sa collusion avec l’EI, alors que cette nation arabe fait face à la pire crise humanitaire des temps modernes – et ce grâce à Téhéran.

Du terrorisme à l’étranger au terrorisme sur son propre territoire, l’Iran opère un système judiciaire qui a supervisé un nombre de condamnations à la peine capitale battant tous les records, et faisant de l’Iran le premier exécuteur de délinquants mineurs au monde ainsi que « le pays qui détient le taux d’exécutions par personne le plus haut au monde ». Rien qu’en 2015, l’Iran a exécuté près d’un millier de ses propres citoyens, n’étant surpassé en cela que par la Chine – et pourtant le monde est bizarrement obsédé par le bilan moindre de l’Arabie saoudite en matière d’exécutions, à savoir 151 personnes.

La persécution des minorités

Comme si cela n’était pas assez horrible, l’Iran persécute activement les minorités kurdes et sunnites balouches à l’est et à l’ouest du pays et leur interdit de construire la moindre mosquée sunnite à Téhéran, tout en ayant aucun problème avec le fait que des non-musulmans aient leurs propres lieux de culte. Même les chiites non-perses sont menacés, comme les Arabes ahwazis qui ont été victimes d’une campagne de répression brutale et d’assassinats menée par les successifs dirigeants racistes de l’Iran, que ce soit sous le règne du chah laïc que de celui du fanatique religieux Khomeini et de ses successeurs.

Bien qu’il existe de nombreux rapports d’organisations des droits de l’homme comme Amnesty International et Human Rights Watch qui attestent de ce fait, nous continuons de nous jeter sur les rapports médiatiques annonçant que l’Arabie saoudite a exécuté tel ou tel religieux, comparant la monarchie du Golfe à l’EI, tout en restant étrangement silencieux quand des victimes appartenant aux minorités ethniques et religieuses sont hissées en l’air par le cou à l’aide de grues et laissées agoniser pendant vingt longues minutes.

Des mariages d’enfants révoltants

L’attitude de l’Iran envers les femmes est tout aussi effrayante que celle de l’EI, avec laquelle elle partage de grandes similarités. En 2015, l’ONU a rapporté que l’Iran avait supervisé les mariages de 48 580 filles âgées de 10 à 14 ans, et ce uniquement en 2011, et qu’« en 2012, au moins 1 537 fillettes de moins de 10 ans ont été mariées.

Tout comme l’EI, l’Iran n’a apparemment aucun problème avec la pédophilie légalisée et les chiffres, rien que pour ces périodes, sont effrayants, terrifiants et abjects. Cependant, encore une fois, les médias se concentrent habituellement sur les comparaisons entre l’Arabie saoudite et l’EI.

Les gouvernements occidentaux encouragent le commerce avec l’Iran

Afin d’être bien clair, je répète que l’Arabie saoudite doit être critiquée et mise face à ses responsabilités. Néanmoins, pourquoi sommes-nous si disproportionnés dans notre couverture des pays de la région, choisissant de fermer les yeux sur les agissements d’un État qui assassine comme l’EI, encourage le viol d’enfants comme l’EI, persécute les minorités ethniques et religieuses comme l’EI, et perpétue des actes de terrorisme international comme l’EI ? Nous critiquons nos gouvernements pour leurs transactions commerciales avec l’Arabie saoudite qui pourtant, il faut bien le dire, est loin d’être aussi mauvaise que l’Iran (le royaume saoudien ne commande par des milices qui écument le globe, par exemple), mais nous restons silencieux lorsqu’ils encouragent le commerce avec l’auto-proclamée République islamique.

Selon cette logique, si l’Iran est assez bien pour le commerce, l’EI l’est aussi – c’est évidemment une logique fallacieuse qui doit être combattue. Le fait que nous soyons à un stade où nous pensons que coopérer avec l’Iran est une grande idée, tout en bombardant l’EI qui y ressemble pourtant beaucoup, démontre juste à quel point nous sommes loin de l’objectif dans notre lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le fanatisme religieux où que nous puissions le trouver.

- Tallha Abdulrazaq est chercheur à l’Institut de sécurité et de stratégie de l’Université d’Exeter. Il a été récompensé par le Young Researcher Award de la chaîne Al Jazeera. Vous pouvez consulter son blog à l’adresse thewarjournal.co.uk et le suivre sur Twitter (@thewarjournal).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : une Iranienne écoute le sermon de la prière du vendredi à l’Université de Téhéran le 3 juillet 2009 (AFP).

Traduit de l’anglais (original).

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