Palestine : les subventions de la Banque mondiale sont une autre forme d’occupation
Depuis le début de l’Intifada de Jérusalem, ainsi qu’elle a été dénommée par le Hamas, Israël a intensifié sa violence étatique et colonialiste, ciblant notamment un nombre considérable d’étudiants et écoliers palestiniens.
L’actuel soulèvement est en effet mené en grande partie par la génération post-Oslo, ce qui implique une rupture décisive avec la fatuité du processus politique. Même les factions de la résistance ont dû se résoudre à réaliser que leur rôle a été marginalisé dans ce soulèvement. Cependant, la double attaque d’Israël contre la société palestinienne ne devrait pas être ignorée.
Hormis la récente législation qui a renforcé l’impunité d’Israël en approuvant l’assassinat extrajudiciaire de Palestiniens sous le prétexte de préoccupations relatives à la sécurité dans le contexte de la résistance à al-Aqsa, les atrocités actuelles sont aussi une attaque directe contre les fondements de l’histoire, de la culture et de la résistance palestiniennes – une attaque contre l’éducation.
Pendant qu’Israël continue d’assassiner et blesser des élèves palestiniens, la Banque mondiale annonce que deux subventions seront accordées aux « gouvernements locaux palestiniens » en vue d’améliorer « les services de base et la qualité de l’éducation ».
Ces subventions, qui s’élèvent à 8 millions de dollars, seront partagées entre le Fonds fiduciaire multi-donateurs du partenariat palestinien pour le développement des infrastructures et le Projet d’amélioration de la qualité de l’éducation à destination des enseignants. En référence à la première subvention de 5 millions de dollars censée renforcer et améliorer les services locaux dans les villages palestiniens, le responsable de la Banque mondiale pour la Cisjordanie et Gaza, Steen Lau Jorgensen, a déclaré que « l’instrument de financement qui sera utilisé est une reconnaissance du fait que les institutions palestiniennes sont prêtes pour la création d’un État entièrement indépendant ».
Au sujet de la subvention de 3 millions de dollars visant à accroître la qualité de l’éducation, Jorgensen a parlé de l’importance d’améliorer les compétences et les aptitudes des enseignants d’école primaire en Cisjordanie et à Gaza, ajoutant que « reconnaître ce besoin et le traduire en une stratégie active signifie investir dans le futur des enfants palestiniens et dans leur résilience face aux défis ». « De tels investissements seront payants dans les années à venir », a-t-il assuré.
Le dossier de financement dans le secteur de l’éducation, qui stipule que la subvention est destinée à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au bénéfice de l’Autorité palestinienne (AP), évoque la récession économique palestinienne de 2014, elle-même exacerbée par l’opération militaire israélienne « Bordure protectrice » menée à l’été de la même année.
En mai dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a prédit les répercussions de l’agression coloniale d’Israël à Gaza (en particulier des retards dans les travaux de reconstruction) et du siège de l’enclave, dans lequel l’Égypte participe désormais sans réserve.
L’opération « Bordure protectrice » d’Israël et son ciblage délibéré des écoles et institutions éducatives devraient aussi être pris en considération. Un rapport de l’UNESCO publié en janvier 2015 établit le détail des destructions subies par les institutions éducatives de Gaza, et évoque la possibilité que certains secteurs de l’éducation supérieure aient subi davantage de destructions que d’autres. Un pourcentage élevé d’étudiants se spécialisant dans le commerce et l’éducation ont ainsi été ciblés, ce qui trahit l’intention de déstabiliser le potentiel des Palestiniens à Gaza.
L’entrelacement de la lutte anticoloniale et de l’éducation palestiniennes peut historiquement être comparé à l’expérience de Fidel Castro et d’Antonio Gramsci, qui exploitèrent leur incarcération pour développer leur réflexion intellectuelle et bâtir les fondations de la résistance. Les subséquents manifestes de Castro, ainsi que la Déclaration de la Havane, incarnent la continuation et la réalisation de l’éducation comme une composante intégrale de la lutte anticoloniale au bénéfice de la société cubaine. L’éducation à Cuba n’a pas été compromise par le gouvernement révolutionnaire – au contraire, Fidel a mis l’accent sur le rôle inhérent joué par l’éducation tant à l’intérieur de la sphère sociale qu’au profit de l’idéologie.
En Palestine, au contraire, la dynamique est constamment défigurée en raison de la dépendance manufacturée par l’Autorité palestinienne puis imposée à la population. Les différences entre l’aide internationale accordée à Israël et à la Palestine garantissent une subjugation permanente – volontiers épousée par l’AP mais opposée par la population.
Si l’éducation demeure une composante intégrale de l’histoire et de la mémoire palestiniennes, le manque d’autonomie a aussi eu un impact sur les étudiants palestiniens en raison de l’oppression politique. L’insistance de l’AP sur la coordination en matière de sécurité a résulté en un manque de protection pour les étudiants palestiniens, tandis que l’assujettissement permanent aux négociations, aux projets de résolutions à l’ONU et aux incessantes références à l’hypothèse des deux États a dilué l’impact que l’éducation pourrait avoir.
Il est donc pertinent de dissocier les subventions à venir de la Banque mondiale et les questions qui tourmentent la Palestine. Toute forme d’incorporation via les institutions financières internationales constitue rien de plus qu’un frein supplémentaire au développement de la société palestinienne.
Affirmer qu’investir dans l’éducation palestinienne servira à promouvoir la résilience des Palestiniens est erroné dans la mesure où l’isolement et l’endoctrinement restent des éléments clé de la stratégie israélienne et internationale. Les subventions, si administrées, serviront à soutenir le programme de l’AP, laquelle continue de considérer le compromis des deux États comme la soi-disant solution, en dépit de la quantité croissante d’indices prouvant que ce paradigme sert uniquement les desseins israéliens d’approfondissement de l’expansion coloniale.
La volonté de la Banque mondiale de financer les infrastructures et les services éducatifs n’a aucune portée sur les aspirations des Palestiniens. Plutôt, elle sert à souligner ce qu’Israël a à gagner dans le contexte de la suppression de l’éducation palestinienne par l’AP, qui non seulement se plie aux impositions externes, mais tente continuellement d’affirmer et baser sa prétendue légitimité internationale sur la volonté de collaborer avec des entités qui souhaitent la fragmentation de la Palestine.
En l’état actuel des choses, l’Autorité palestinienne a manifesté son incapacité à nourrir une appréciation de l’éducation au sein de l’idéologie de résistance, et il est peu probable que les institutions financières internationales subventionnent des projets éducatifs palestiniens allant à l’encontre de leurs propres objectifs, à savoir imposer la domination sous le prétexte de l’égalité et de la création d’opportunités.
- Ramona Wadi est une chercheuse indépendante, journaliste pigiste, critique littéraire et blogueuse spécialisée dans la lutte en faveur du devoir de mémoire sur l’Histoire du Chili et de la Palestine.
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Photo : des lycéennes palestiniennes sont assises dans une salle de classe d’Hébron, en Cisjordanie occupée, le 19 octobre 2015. La chaise vide recouverte d’un traditionnel keffieh palestinien est celle de leur ancienne camarade, Bayan al-Osaily (16 ans), tuée par une soldate israélienne après avoir tenté de la poignarder, selon les déclarations des forces de sécurité israéliennes (AFP).
Traduction de l’anglais (original).
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