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Tout n’est pas de tout repos sur le front du Golan : l’équation israélo-syrienne change

La Syrie annonçait-elle un changement de politique lorsqu’elle a exercé des représailles contre l’armée israélienne dans le Golan la semaine dernière ?

Les événements de la semaine dernière semblent indiquer que l’équation israélo-syrienne est sur le point de changer pour la première fois depuis que la sanglante guerre civile en Syrie a éclaté il y a cinq ans et demi.

Du moins c’est ce qu’il semblait dans les heures précédant l’aube mardi dernier.

Dans une action rare, une batterie antiaérienne syrienne a tiré deux missiles S-200 sol-air contre des combattants et des drones israéliens. Ils les ont ratés. Le service de presse des Forces de défense israéliennes a démenti l’allégation du porte-parole de l’armée syrienne selon laquelle les missiles avaient abattu un avion et un drone israéliens et a déclaré que les missiles n’avaient même pas frôlé les appareils de l’armée de l’air israélienne.

Les responsables du gouvernement israélien et les officiers de l’armée tentent de déterminer si le lancement de missiles signifie un changement de politique par Assad ou s’il s’agit d’un étalage de force symbolique

Les avions israéliens ont bombardé des positions d’artillerie de l’armée syrienne. Du point de vue israélien, il s’agissait une mission de routine et près d’une centaine de missions de ce genre ont eu lieu depuis 2012. De tels bombardements font partie de la politique israélienne de représailles pour les obus et les roquettes qui tombent sur son côté du plateau du Golan.

Cette politique ne fait pas de différence entre les obus qui résultent de tirs accidentels ou de tirs intentionnels, bien qu’il s’agisse surtout de « débordements » accidentels de la guerre entre l’armée et les groupes rebelles syriens concentrés le long de la frontière israélienne.

Chaque fois que des obus atterrissent en Israël, ce qui est arrivé à plusieurs reprises depuis le début de la guerre, qu’ils proviennent des armes de l’armée ou des rebelles syriens, Israël tient le gouvernement d’Assad pour responsable en tant que régime souverain sur son territoire.

Pas un hasard

Tous ces incidents, jusqu’au dimanche 11 septembre, restaient sans réponse du régime syrien – du moins, pour l’opinion publique. Aujourd’hui, les responsables du gouvernement israélien et les officiers de l’armée tentent de déterminer si le lancement de missiles S-200 signifie un changement de politique par Assad ou s’il s’agit d’un étalage de force symbolique.

Cependant, une chose est déjà claire : le tir de missiles dans la région de Quneitra n’était pas un hasard. L’armée syrienne a publié un communiqué officiel concernant l’incident.

Ceci est le second cas connu de représailles de l’armée d’Assad contre l’activité militaire israélienne en territoire syrien, mais c’est le premier incident de ce genre rendu public. Le premier cas, il y a sept mois, n’avait pas été signalé par Israël ou le gouvernement syrien.

Samedi dernier, deux autres obus ont débordé de la guerre en Syrie, mais cette fois, ils ont été interceptés par le système de défense anti-roquettes d’Israël, le « Dôme de fer ».

Depuis plusieurs années, comme l’a reconnu le Premier ministre Benjamin Netanyahou il y a quelques semaines, l’armée israélienne a agi à sa guise dans l’espace aérien syrien en violation de la souveraineté de la Syrie et de l’accord de désengagement de mars 1974, signé par les deux pays après la guerre du Kippour (guerre d’octobre) en 1973.

« Vous êtes souverain »

Bien qu’Israël n’ait jamais enregistré publiquement ses sorties, les médias étrangers ont à plusieurs reprises indiqué que l’armée israélienne a eu recours à des avions de chasse et des drones pour des missions de reconnaissance. À plus de dix reprises, elle a attaqué des cibles de l’armée syrienne, dont certaines à la périphérie de Damas : entrepôts, usines et convois apportant des armes sophistiquées (missiles sol-sol de précision, missiles antiaériens, radars et missiles antinavires) au Hezbollah au Liban.

Face à toutes ces attaques, l’armée d’Assad a avalé sa fierté et n’a pas réagi. L’armée syrienne n’a pas réagi non plus quand Israël a abattu un avion de combat Sukhoï syrien près de sa frontière il y a quelques années.

Israël a également procédé à plusieurs autres occasions, selon des rapports étrangers, à des assassinats d’officiers supérieurs du Hezbollah via des frappes aériennes. Parmi ces objectifs figuraient Jihad Moughniyeh, le fils d’Imad Moughniyeh, un haut responsable du Hezbollah tué dans un attentat à la voiture piégée en 2008 ; un général des Gardiens de la révolution islamique iranienne ; et, en décembre 2015, dans sa planque de Damas, le terroriste druze-libanais Samir Kuntar, qui avait passé 26 ans dans une prison israélienne pour le meurtre d’une famille israélienne.

Les funérailles de Jihad Moughniyeh à Beyrouth, le 19 janvier 2015 (AFP)

Ces incidents sont survenus dans un contexte de tentatives par le Hezbollah et le commandant de la Force al-Qods des Gardiens de la révolution, le général iranien Qassem Suleimani, de mettre en place des infrastructures militaires sur le plateau du Golan et, à la connaissance d’Assad, de lancer des attaques contre Israël. Les attaques israéliennes ont contrecarré ce plan de l’axe Hezbollah-Iran-Syrie.

En outre, l’armée israélienne a répondu par des tirs d’artillerie, des roquettes et des frappes aériennes symboliques contre les avant-postes de l’armée syrienne presque à chaque fois que des obus provenant de combats entre l’armée syrienne et les groupes rebelles près de la frontière ont « débordé » et atterri en territoire israélien.

Les réactions de l’armée israélienne étaient mesurées et principalement destinées à envoyer un message au régime : vous êtes souverain à nos yeux.

Confiance croissante

Le dernier incident témoigne de la confiance croissante de l’armée d’Assad, qui réussit, principalement en raison de l’aide russe, à étendre son contrôle en Syrie (lequel représente encore seulement environ 30 % du territoire) et à consolider le régime alors que l’opposition s’affaiblit et que le groupe État islamique (EI) arrive au début de sa fin.

La plupart des parties concernées – Israël, le régime d’Assad, la Russie et certains des groupes rebelles – n’ont aucun intérêt à empirer la situation à la frontière et à provoquer un conflit militaire

À mesure que l’armée du régime syrien intensifie ses attaques contre les rebelles, notamment ceux non loin de la frontière avec Israël, les chances d’obus accidentels tombant sur le territoire israélien augmentent.

Ainsi, la probabilité d’une escalade des tensions et d’une descente dans la violence au niveau de ce qui était jusqu’à présent la frontière relativement calme du plateau du Golan augmente également, en dépit du fait que la plupart des parties concernées – Israël, le régime d’Assad, la Russie et certains des groupes rebelles – n’ont aucun intérêt à empirer la situation à la frontière et à provoquer un conflit militaire.

En fait, l’hypothèse croissante des sources militaires israéliennes, après un échange de messages avec la Russie, est qu’une guerre entre Israël et la Syrie n’est pas à l’horizon malgré les récentes tensions.

Il n’est certainement pas dans l’intérêt d’Assad d’entraîner les puissantes forces israéliennes dans le conflit.

 

Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : de la fumée s’élève du village syrien de Jubata al-Khashab sur le plateau du Golan annexé par Israël, le 10 septembre 2016 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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