Algérie : de hauts responsables critiqués pour leurs propos antimigrants
« Ces étrangers en séjour irrégulier amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux ». C’est en ces termes qu’Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, et leader du deuxième parti d’Algérie, le Rassemblement national démocratique (RND), a parlé des migrants, samedi sur Ennahar, une chaîne privée très regardée en Algérie.
« Ces gens-là sont venus de manière illégale. On ne dit pas aux autorités ‘’Jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts’’, mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles », a-t-il ajouté.
Depuis, les critiques n’ont pas cessé.
Les défenseurs des droits de l'homme en Algérie ont dénoncé dimanche des propos « scandaleux » et « dignes de l'extrême-droite européenne ».
Interrogé par l'AFP, le secrétaire général de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) Abdelmoumene Khelil a fustigé des « déclarations dignes des discours de l'extrême-droite européenne » qui « viennent torpiller le discours équilibré du nouveau Premier ministre sur le sujet ».
Le gouvernement du nouveau Premier ministre Abdelmajid Tebboune, issu des législatives de mai, a annoncé son intention d'élaborer une loi sur le droit d'asile en Algérie, qui ne dispose pas de législation sur les réfugiés mais a signé les principales conventions internationales.
Dans un communiqué, Amnesty International a qualifié de « choquants et scandaleux » les propos d’Ahmed Ouyahia.
« De tels propos alimentent le racisme et favorisent la discrimination et le rejet de ces personnes » qui « ont fui les guerres, la violence et la pauvreté », souligne l'organisation de défense des droits de l'homme. « Il est de notre responsabilité de les accueillir, conformément aux textes internationaux signés et ratifiés par l'Algérie. »
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L’Algérie été secouée fin juin par une campagne visant les migrants subsahariens sur les réseaux sociaux, où a fleuri un hashtag en arabe signifiant « Non aux Africains en Algérie » qui avait suscité une vive opposition sur internet et dans la presse.
Sur les réseaux sociaux, les réactions ont aussi été très virulentes. Le site satyrique El Manchar est même allé plus loin en imaginant ce qu'aurait pu dire l'ex-chef de gouvernement : « En fait, les Algériens, c'est des Africains, je ne les aime pas non plus ! »
Plusieurs personnalités politiques ont aussi réagi : Ramdane Tâzibt, du Parti des travailleurs (PT) a dénoncé « une campagne xénophobe » et Soufiane Djilali de Jil Jadid (Nouvelle génération) parle de « propos inacceptables au moment où les migrants et les réfugiés sont confrontés à des comportements racistes ».
Même le Front de libération nationale (FLN), le parti au pouvoir, a jugé que « le langage envers nos frères africains devrait être plus approprié ».
Lundi en fin de journée, c'est le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, qui a insisté. Il a déclaré à la presse « suivre de près le phénomène de l'immigration clandestine des Africains pour qui l'Algérie est devenue une destination », affirmant que le gouvernement était « en phase de prendre des mesures urgentes pour faire face à ce flux important de migrants clandestins derrière lequel se cache des réseaux organisés » et qui représentent « une menace pour la sécurité nationale ».
Lors de la présentation de son programme devant les députés, le Premier ministre avait rappelé « le devoir moral et humain qui nous impose de prêter assistance à nos frères contraints de fuir leurs terres en raison de la pauvreté et des affres de la guerre ».
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