Des vidéos pour sensibiliser les Algériens au quotidien des migrants
« Je gagne ma vie dans la construction. Au début, quand ils voient ma couleur [de peau], ils pensent que je ne peux pas [travailler]. Mais à la fin, ils appellent les voisins pour leur dire ‘’Venez voir ce que le jeune homme a fait ! ‘’ »
Thierry, 34 ans, vient du Cameroun. Il vit en Algérie depuis six ans. Avec six autres migrants qui ont accepté de parler d’eux devant une caméra, ils ont fait l’objet de pastilles vidéo diffusées à partir de ce mardi et pendant sept jours par Amnesty International Algérie dans le cadre de la campagne internationale « I welcome » (J'accueille) de protection des réfugiés.
L’objectif : « inciter les jeunes Algériens à s’investir pour la protection des droits des migrants », explique la directrice Hassina Oussedik.
« Car aujourd’hui, pour beaucoup d’Algériens, le migrant est un Nigérien qui mendie dans les rues des grandes villes. Il est important qu’on déconstruise ce genre d’idées reçues », explique à Middle East Eye Leïla Beratto, la journaliste qui recueille des témoignages de migrants avec un photographe pour un projet documentaire, pour l’instant partagé sur un compte Instagram, « terminusalgerie ».
« Peu de gens savent que ces migrants viennent surtout de l’Afrique de l’Ouest, ou que la plupart d’entre eux travaillent, certes de façon informelle, mais ils travaillent. Donner la parole aux migrants permet de connaître la réalité de leurs conditions de vie en Algérie », poursuit la journaliste.
Les autorités estiment que le nombre de réfugiés en Algérie est de 7 000 – déclarés par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et donc détenteurs de papiers. Les associations estiment par ailleurs qu’il y aurait dans le pays 100 000 migrants (sans papiers).
S’ils sont, pour les associations qui les suivent, de plus en plus nombreux, cette situation est en grande partie liée au contexte régional.
Au Maroc, le coût de la vie est plus élevé que dans les pays voisins, si bien qu’il est plus difficile d’y survivre au quotidien. En Tunisie, la crise économique modifie le marché de l’emploi : les Tunisiens acceptent désormais les petits boulots autrefois occupés par les migrants qui se retrouvent sans ressources.
Enfin en Libye, la situation sécuritaire ne leur permet pas d’envisager une installation. En 2016, des réfugiées d’Afrique subsaharienne ont raconté à Amnesty International que le viol était monnaie courante lors des voyages avec les passeurs. Des réfugiés et des migrants ont également indiqué avoir été retenus captifs par les passeurs qui avaient réclamé une rançon à leur famille. Ils ont été détenus dans des conditions d’hygiène déplorables, privés de nourriture et d’eau et exposés à des coups.
Ce mardi, à l’occasion du lancement de la campagne « I Welcome », Amnesty International Algérie a demandé aux autorités de « protéger des migrants des actes de violence » et la suppression de l’article de loi réprimant la sortie illicite du pays à l’aide de documents d’identité falsifiés. Hassina Oussedik a également plaidé pour la création d’une législation nationale sur l’asile.
Selon un rapport publié par l’ONG ce mardi, « les pays riches font preuve d’une totale absence de volonté politique et de responsabilité en laissant seulement dix pays, représentant moins de 2,5% du PIB mondial, accueillir 56% des réfugiés de la planète ».
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