Algérie : Termoun, de la contestation sociale à l’islamisme armé
ALGER – Son frère, Tayeb, a officialisé la nouvelle, mercredi, sur Facebook. « J’ai reçu la nouvelle du lâche assassinat de mon cher frère », écrit-il en postant des photos d’un homme souriant, tenant ses enfants dans ses bras ou posant à La Mecque.
Abdesselam Termoun, 49 ans, tué entre lundi et mardi près de Sebha, dans le sud-ouest libyen, était pourtant un des hommes les plus recherchés dans le Sahara algérien et libyen. Selon des sources sécuritaires algériennes, il aurait été attaqué avec son chauffeur malien par plusieurs assaillants qui après des échanges de coups de feu, se seraient enfuis.
À la tête d’un groupe islamiste armé, le Mouvement des fils du Sahara pour la Justice, cet Algérien originaire de Djanet (oasis près de la frontière avec la Libye), s’était fait ces dernières années, de nombreux ennemis.
À commencer par le groupe fondé par Mokhtar Belmokhtar, al-Mourabitoune, qui fait désormais partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans du Maghreb islamique créé en février 2017 et affilié à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
« Le mouvement de Termoun avait rejoint en 2012 le Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest [MUJAO], qui a ensuite fusionné avec le groupe des Signataires par le sang pour devenir al-Mourabitoune en 2013 », explique une source militaire algérienne à MEE. « Mais juste après l’élimination de Lamine Bencheneb [émir tué lors de la prise d’otages de Tiguentourine en janvier 2013], Termoun a fait dissidence. » Si bien que l’organisation avait en 2014 diffusé un communiqué sur Twitter pour le condamner à mort, au même titre que tous les « traîtres » qui avaient choisi de quitter al-Mourabitoune.
Abdesselam Termoun s’était aussi mis à dos le groupe État islamique (EI) en Libye et au Niger – dirigé au Sud par Abou Walid al-Sahraoui, qui avait également fait scission avec Belmokhtar.
Les contrebandiers algériens lui en voulaient aussi beaucoup. « Il s’était notamment disputé avec Abdellah Belakahal en 2016 car il considérait que les otages étrangers [deux italiens et un Canadien] enlevés en septembre de cette année-là l’avaient été sur son territoire », poursuit notre interlocuteur.
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Enfin, il avait aussi contre lui, et depuis plus longtemps, les services de sécurité algériens qui avaient tenté, en vain, de lui faire déposer les armes. « Il était un des opposants les plus durs aux autorités dans tout le Sud », admet un officier algérien de la lutte antiterroriste.
Populaire dans le Sud
Dans son Sud natal, Abdesselam Termoun est resté, malgré le fait qu’il ait pris les armes, plutôt populaire. « Il avait un charisme particulier. Plus que tous les autres, il incarne, pour les militants du Sud, un idéal. Ils ont tous rêvé d’être lui, ils ont tous rêvé à un moment ou à un autre, de faire comme lui », témoigne à MEE un militant associatif de Ouargla qui l’a côtoyé.
« Après les événements du Printemps noir en 2001 – émeutes politiques en Kabylie provoquées par un sentiment de marginalisation culturelle – plusieurs militants du Sud, comme Termoun, mais aussi Lamine Bencheneb, Kamel Fekhar, Hafnaoui Ghoul ou Tahar Belabbès, se sont retrouvés autour d’une même idée : revendiquer le développement pour leur région », raconte un proche de la bande à MEE.
Le Mouvement des fils du Sahara pour la justice naît en 2003. Rapidement, il appelle à une désobéissance civile et est sévèrement réprimé par le pouvoir. « Ils purgent une peine de prison et à leur sortie, certains choisissent de se ranger dans la vie civile, comme Belabbès ou Fekhar, pendant que d’autres décident d’entrer dans la clandestinité », poursuit-il.
« Termoun a été le premier à mettre des mots justes sur une cause, qui, depuis son départ, n’a plus trouvé de leader », assure un proche. « C’était un très bon orateur, qui savait parler des idées qui nous préoccupaient tous à l’époque et qui restent d’actualité, comme la marginalisation du Sud, le chômage, l’accès aux ressources naturelles. »
Un autre militant nuance : « Il était aussi très agressif, et contrairement à Belabbès, pensait qu’il ne pouvait arracher des droits qu’en s’attaquant au pouvoir. »
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En 2006, Termoun cherche même à se présenter aux élections législatives à Djanet. Mais son dossier est bloqué par l’administration. Les témoins de l’époque affirment que c’est à ce moment-là qu’il se radicalise et dès 2007, mène une attaque armée contre l’aéroport de Djanet. Après un nouveau séjour en prison, Termoun et ses acolytes seront finalement graciés.
« Le problème, c’est qu’après les révoltes arabes, la plupart des membres du mouvement ont disparu dans la nature et ont commencé à recruter », explique une source sécuritaire. Le Mouvement des enfants du Sud pour la justice ajoute « islamique » à son intitulé.
Le groupe est notamment accusé d’avoir mené plusieurs attaques contre les forces de sécurité à Illizi en 2014.
« Le kamikaze qui a foncé sur la gendarmerie de Ouargla en 2012 avait aussi un lien très étroit avec le groupe. De même, on les soupçonne d’avoir été étroitement impliqués dans la prise d’otages de la base gazière de Tiguentourine, qui aurait été impossible sans l’aide de complices qui connaissent très bien la région », poursuit la source sécuritaire qui confirme qu’en 2016, des négociations ont été menées pour qu’ils déposent les armes.
Sept islamistes armés du groupe accepteront de se rendre. Mais pas Termoun, qui depuis, avait toutefois cessé ses activités et ses déclarations hostiles contre les autorités algériennes.
Selon les informations recueillies par MEE, sa famille à Djanet aurait entamé une procédure pour le rapatriement du corps.
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