Appel des associations tunisiennes pour que les femmes puissent épouser des non-musulmans
TUNIS - Novembre 2017, c’est la date que s’est fixée un collectif d’une soixantaine d’associations pour parvenir à l’autorisation du mariage des Tunisiennes avec des non-musulmans.
Dans une conférence de presse donnée ce lundi à Tunis, le collectif a présenté un réquisitoire en faveur de la levée de cette interdiction et son plan d’attaque.
Si ce groupe informel d’associations a choisi pour nom « Coalition pour l’abrogation de la circulaire du ministre de la Justice du 5 novembre 1973 », leur combat dépasse ce seul texte et concerne plusieurs circulaires.
« Les circulaires ne sont pas publiées en Tunisie, explique Wahid Ferchichi, professeur de droit public. Il est donc difficile de toutes les recenser. »
Le collectif se bat ainsi contre au moins trois circulaires : celle du ministre de la Justice de 1973, celle du ministre de l’Intérieur qui s’adresse aux agents de l’État civil et celle du Premier ministre de 2005 qui n’admet que les certificats du mufti de la République tunisienne pour les conversions à l’islam.
« Nous allons donc demander audience à ces trois autorités », a indiqué Sana Ben Achour, présidente de l’association Beity qui vient en aide aux femmes en détresse. Nous allons également parler aux députés. « C’est une véritable dynamique que nous allons lancer. »
Le mariage de couples mixtes n'est pas retranscrit
Les associations ont également l’intention de pousser les couples mixtes à aller devant la justice pour faire jurisprudence.
Ces circulaires s’opposent à différents articles de la Constitution adoptée le 26 janvier 2014 qui affirme la liberté de conscience, le principe d’égalité sans discrimination et la garantie des droits de la femme.
Ces textes contredisent également certains traités internationaux, comme l’accord bilatéral signé entre la France et la Tunisie, en 1972, pour la reconnaissance réciproque de tous les actes d’état civil de leurs ressortissants. En effet, les administrations tunisiennes refusent de retranscrire les mariages entre couples mixtes célébrés en France.
Alaya Cherif Chammari, avocate et militante, représente plusieurs Tunisiennes mariées à des non-musulmans. « Jusqu’en 2010, j’arrivais à faire retranscrire le mariage sur l’acte de naissance de la femme tunisienne. Cela prenait entre neuf et dix mois, mais nous y arrivions. Il y a eu un réel changement d’attitude en 2010-2011. Nous avons eu les premiers refus », explique l’avocate qui a déposé, au nom d’un couple, un recours pour demander l’annulation d’un refus de transcription du mariage et l’annulation des circulaires.
Celles-ci peuvent mener à des situations ubuesques. En effet, elles partent du principe que la citoyenne tunisienne est forcément musulmane. Ghaydaa Thabet, membre de l’Association tunisienne de soutien des minorités raconte ainsi l’histoire d’un couple de Tunisiens de confession juive : « Lorsqu’ils ont commencé les démarches pour se marier, on a demandé au futur époux son certificat de conversion à l’islam. Ce couple paye ses impôts, vote. Ce sont des citoyens tunisiens à part entière. Ils ne peuvent pas se marier parce que l’homme est juif. »
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