« Au revoir l’Irak ! » : Erbil en fête après le vote sur l’indépendance du Kurdistan
ERBIL, Irak - À la fermeture du scrutin pour le référendum, qui doit dire si le Kurdistan irakien doit – ou pas – devenir indépendant, les Kurdes sont descendus dans les rues d’Erbil.
La musique a été mise à fond, les gens ont dansé, des feux d’artifice ont été lancés et des drapeaux ont été agités depuis le sommet des immeubles, des voitures et des camions, anticipant une victoire quasi certaine du « oui ».
« Au revoir l’Irak ! Au revoir l’Irak ! », ont chanté les fêtards kurdes, alors que la foule se rassemblait près de la citadelle dans le centre d’Erbil, après la clôture des votes à 19h.
Les Kurdes en train de faire la fête dans les rues d’Erbil (MEE/Alex Mac Donald)
« Pas d’argent, pas de réforme, nous voulons quitter l’Irak ! », témoigne Ayad à Middle East Eye.
Un autre affirme que l’Irak n’a pas aidé les Kurdes dans leur lutte contre le groupe État islamique (EI).
« Quand l’EI est arrivé, nous voulions de l’argent, mais nous n’en avons eu aucun pour nous battre contre eux », se plaint-il.
Dans la ville, centre principal du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), l’enthousiasme pour l’indépendance est massif.
Le président Massoud Barzani et le Premier ministre Nechirvan Barzani sont allés voter tôt dans la journée, dissipant définitivement les rumeurs selon lesquelles le référendum pourrait être reporté après des plaintes des voisins du Kurdistan.
Un des fêtards à Erbil avait rasé ses cheveux pour laisser apparaître les lettres « oui » sur sa tête. Au sujet de la future relation entre l’Irak et le Kurdistan, il se montre catégorique : « Nous ne sommes pas Irakiens. Nous sommes Kurdes. Nous avons besoin de la liberté du Kurdistan », affirme-t-il à MEE.
« Nous sommes heureux ici. L’Irak est fini », tranche-t-il en lançant un juron adressé à l’Irak.
Pression internationale
Aux électeurs, il était demandé de cocher « oui » ou « non » sur le bulletin où une question était écrite en kurde, en turc, en arabe et en assyrien : « Voulez-vous que la région du Kurdistan et les zones du Kurdistan extérieures à la région deviennent un pays indépendant ? »
Le référendum s’est tenu en dépit d’une intense pression internationale pour que Massoud Barzani annule le scrutin, de crainte qu’il provoque de nouveaux conflits avec Bagdad et avec les puissants voisins de l’Irak, l’Iran et la Turquie.
En réponse au référendum sur l’indépendance, l’Iran a fermé ses frontières avec le Kurdistan irakien, a annoncé lundi le ministre des Affaires étrangères.
« À la demande du gouvernement irakien, nous avons fermé nos frontières terrestres et aériennes » avec le Kurdistan irakien, a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères Bahram Ghasemi, en qualifiant le référendum d’« illégal et illégitime ». Ce qui a ensuite été démenti par le ministère des Affaires étrangères iranien. « Pour l’instant, seule la frontière aérienne entre l’Iran et cette région est fermée », a indiqué un communiqué.
Alors que le vote suivait son cours, le parlement irakien a ordonné au Premier ministre Haïder al-Abadi de « déployer des forces » dans les régions disputées avec les Kurdes.
Interrogé sur les risques d’un conflit armé, le porte-parole d’Abadi, Saad al-Hadithi a déclaré à l’AFP : « S’il y a des affrontements dans ces zones, la tâche des forces fédérales sera d’appliquer la loi ».
Karim al-Nouri, leader de la brigade Badr, qui fait partie de la puissante milice paramilitaire Hashd el-Chaabi, a laissé entendre que le groupe était prêt à se déployer dans « Kirkouk et les zones disputées, occupées par des gangs armés – des hors-la-loi qui ne répondent pas au commandement de l’armée. »
Tensions à Kirkouk
Kirkouk, qui abrite des Arabes, des Kurdes et des Turkmènes, fait l’objet d’une préoccupation particulière et lundi dans l’après-midi, un couvre-feu a été imposé au centre de la ville et dans les secteurs arabe et turkmène pour « assurer la sécurité, surveiller la situation et protéger les citoyens de Kirkouk. »
Dimanche, Haïder al-Abadi, le Premier ministre irakien, s’est engagé à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger l’unité du pays, alors que son gouvernement presse tous les pays de ne s’entendre avec eux que sur les transactions pétrolières.
Les Kurdes irakiens exportent en moyenne 600 000 barils par jour à travers un oléoduc qui traverse la Turquie jusqu’au port turc de Ceyhan, au bord de la Méditerranée, dans le sud du pays.
Lundi, Erdoğan a menacé d’arrêter ces exportations de pétrole, en dénonçant avec colère un référendum « illégitime ».
Erdoğan a également prévenu que la frontière de Habur, qui traverse le Kurdistan irakien, serait fermée. Il a à nouveau pressé les autorités kurdes irakiennes de faire marche arrière et aurait menacé d’une possible opération militaire transfrontalière.
« Quand cela sera nécessaire, nous ne fuirons pas et nous n’hésiterons pas à prendre ce genre de mesures », a prévenu Erdoğan en faisant référence à l’opération militaire turque lancée l’an dernier en Syrie contre l’EI et les milices kurdes syriennes.
Avec agences. Traduit de l'anglais (original).
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