Contre la triche au bac, les autorités censurent l'accès au net pour tout le pays
ALGER - Pour la troisième année consécutive, les Algériens seront privés du réseau internet pendant les examens du baccalauréat du 20 au 25 juin.
C'est la ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, Imane-Houda Feraoun qui l'a déclaré le 6 juin : « Les accès à internet seront bloqués pendant la première heure de chaque épreuve des examens de fin de cycle secondaire, pour éviter la fuite de sujets sur les réseaux sociaux ».
Cela signifie que pendant quatre jours, le réseau internet - et non pas simplement les réseaux sociaux - sera très fortement perturbé. La coupure du net empêchera même l'accès au réseau par les proxies ou VPN (programmes permettant d'accéder aux sites sous une fausse identité).
Répétition générale
Pire, des mesures ont été prises pour couper l'accès aux VPN les plus populaires, comme TOR ou ZenMate, qui seront bientôt totalement inaccessibles en Algérie.
« Nous avons subi beaucoup de pressions de la part des autorités pour installer des équipements de monitoring des réseaux et d'interconnexion, permettant de surveiller internet et si besoin, de couper la connexion »
- Un responsable de la sécurité informatique
Bien qu'Imane-Houda ait cité Algérie Télécom comme destinataire de cette demande de filtrage, cette mesure a été ordonnée à l'ensemble des fournisseurs d'accès internet et opérateurs de téléphonie mobile algériens.
Un responsable de la sécurité informatique d'un opérateur mobile affirme à Middle East Eye que cette année, « la censure du net sera mieux coordonnée et plus efficace que les deux éditions précédentes ».
« Nous avons subi beaucoup de pressions de la part des autorités pour installer des équipements de monitoring des réseaux et d'interconnexion, permettant de surveiller internet et si besoin, de couper la connexion », explique-t-il. À ses yeux, cette édition du bac n'est que la répétition générale avant la précampagne électorale de 2019 et le durcissement du contrôle sur internet.
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L'Algérie est classée par plusieurs organismes et ONG comme pays à faible degré de restrictions. Le pays n’apparaît pas, par exemple, sur la carte mondiale de la cybercensure publiée chaque année par RSF.
Mais depuis quelques mois, de nombreux sites internet ont été censurés et ne sont plus accessibles en Algérie : par exemple, le site de l'agence de presse séparatiste Siwel, et dans la même veine le site K-direct ou celui de Radio Kalima.
L’enjeu de 2019
En 2017, c'est le plus important site d'information en Algérie, TSA (Tout sur l’Algérie) qui a subi pendant plusieurs semaines un blocage partiel sur les réseaux ADSL et chez l'opérateur mobile public.
Autre forme de censure : le statut flou accordé aux sites d'information algériens dont les journalistes ne peuvent bénéficier de cartes de presse, ni même de la couverture juridique de la dépénalisation des délits de presse.
Pourtant la loi sur l'information de 2012 reconnaît l'existence de la presse électronique, accordant même dans son article 73 le statut de journaliste professionnel à « toute personne qui se consacre à la recherche, à la collecte, à la sélection, au traitement et/ou à la présentation de l’information d’un moyen d’information électronique, et qui fait de cette activité sa profession régulière et sa principale source de revenus ».
À l'approche de l'élection présidentielle d'avril 2019, certains craignent un effet de censure sur l'information sur le web et surtout une orientation volontaire des opinions sur les réseaux sociaux
Le 3 février 2018, l'assemblée générale constitutive du Syndicat des éditeurs de la presse électronique (SAEC) a été interdite par les services de la wilaya [préfecture] d'Alger qui ont évoqué l'absence d'autorisation pour la tenue de cette réunion constitutive.
À l'approche de l'élection présidentielle d'avril 2019, certains craignent un effet de censure sur l'information sur le web et surtout une orientation volontaire des opinions sur les réseaux sociaux - le scandale « Cambridge Analytica » ayant prouvé la puissance de ces espaces virtuels dans le façonnement de l'opinion politique.
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