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Des milliers de Syriens traversent la frontière turque, les Kurdes accusés de « nettoyage ethnique »

Les rebelles syriens se déchaînent contre la communauté internationale au sujet de son « silence » face au sort des Arabes sunnites et des Turkmènes en Syrie
Des milliers de Syriens traversent la frontière turque, les Kurdes accusés de « nettoyage ethnique »

Des milliers de Syriens ont traversé la frontière turque suite à des frappes aériennes et à des affrontements survenus dans la ville frontalière de Tal Abyad, sur fond d’accusations de « nettoyage ethnique » infligé par les Kurdes aux Arabes et aux Turkmènes.

La ville syrienne, qui était contrôlée par les militants de l’État islamique, est désormais quasiment sous le contrôle total des Unités de protection du peuple kurde (YPG), selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé au Royaume-Uni.

Les forces des YPG, soutenues par les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) et par les frappes aériennes de la coalition dirigée par les États-Unis, sont toujours engagées dans la lutte contre les foyers de militants de l’État islamique, mais des milliers de civils ont commencé à fuir la région.

Selon les responsables turcs, plus de 5 000 Syriens entrant en Turquie ont été enregistrés au poste-frontière d’Akçakale au cours de la seule journée de lundi.

Toutefois, durant la période du 3 au 15 juin, près de 23 000 personnes sont passées de la Syrie à la Turquie, a indiqué ce mardi le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, reprenant les chiffres fournis par les autorités turques.

« La plupart des nouveaux arrivants sont des Syriens qui échappent aux combats entre les forces militaires rivales », a déclaré William Spindler, porte-parole des Nations unies, ajoutant que parmi ces arrivants figuraient également quelque 2 100 Irakiens.

L’Autorité turque de gestion des catastrophes et des interventions d’urgence (AFAD) a déclaré que les réfugiés syriens étaient autorisés à franchir des zones à l’origine non destinées à être traversées, dans la mesure où les militants de l’État islamique avaient bloqué l’accès à certaines zones douanières officielles.

« L’enregistrement des réfugiés et leurs besoins alimentaires ont été gérés par le ministère turc de la Santé, l’AFAD, le Croissant-Rouge turc, la police et les forces de sécurité », a indiqué un communiqué publié par l’AFAD ce lundi.

Toutefois, certains réfugiés ont fait part de leur mécontentement quant au retard pris par la Turquie pour les laisser entrer. La Turquie compte environ treize postes frontaliers avec la Syrie, mais certains (du côté syrien) sont tombés entre les mains de l’État islamique.

Un « nettoyage ethnique » perpétré par les combattants kurdes

L’avancée des YPG et de l’ASL est considérée comme un coup significatif porté aux militants de l’État islamique, étant donné que celle-ci coupe la route vers le sud et leur capitale de facto, Racca, selon l’Observatoire.

« Les frappes aériennes de la coalition imposent un lourd tribut aux terroristes de Daech à travers l’Irak et la Syrie », a déclaré le général de brigade américain Thomas Weidley.

« Depuis l’automne 2014, les forces kurdes en Irak et en Syrie, renforcées par la coalition, ont non seulement pris des territoires à Daech, mais n’en ont jamais cédés », a-t-il ajouté.

Toutefois, la victoire militaire semble être entachée par des rapports faisant état d’un « nettoyage ethnique » perpétré par les combattants kurdes contre les Arabes et les Turkmènes dans la région.

Un certain nombre de groupes clés de rebelles syriens, dont les puissants groupes Ahrar al-Sham et Jaish al-Islam, ont accusé la communauté internationale d’être complice des « crimes » des YPG en restant silencieux, et ont promis dans un communiqué qu’ils n’accepteraient pas un changement démographique, ni un éclatement de la Syrie.

Les groupes rebelles ont pris soin de distinguer les YPG et leurs groupes affiliés, tout en soulignant toutefois que les différentes factions kurdes (sans que celles-ci soient précisées) sont leurs partenaires dans le soulèvement contre le régime du président syrien Bachar al-Assad.

« Les Arabes et les Kurdes partagent la même foi islamique monothéiste, le même pays et le même avenir », a indiqué le communiqué signé par quinze groupes rebelles.

« Les Kurdes sont une partie essentielle de notre révolution et de notre société. Nous appelons les patriotes parmi nos frères kurdes à se rallier à la révolution et à ses principes », a ajouté le communiqué.

Pendant ce temps, la Turquie s’est jointe aux critiques contre les YPG, qui forment la branche militaire du Parti de l’union démocratique syrien (PYD). Ankara considère le groupe syrien comme étant de mèche avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), parti séparatiste qui est désigné comme un groupe « terroriste » par la Turquie, les États-Unis et l’Union européenne.

La Turquie affirme que les nouveaux réfugiés sont principalement des Arabes et des Turkmènes de Syrie, et non des Kurdes.

Le vice-Premier ministre turc Bülent Arınç a déclaré que les forces du PYD cherchent à « regrouper des cantons » pour former une seule et même région kurde en Syrie.

« Cette fois, les populations des lieux bombardés ont subi un nettoyage ethnique du PYD et des YPG, ainsi que de Daech [l’État islamique] ; ces relations et ces alliances sont étranges [...] Nous constatons des signes d’un travail en cours selon une formule qui vise à regrouper les cantons », a déclaré Arınç.

« Nous observons des signes que cette formule est appliquée pour exiler [la population arabe et turkmène], évacuer [le nord de la Syrie] et remplacer cette population par d’autres éléments, et pour regrouper les cantons », a ajouté Arınç.

Les allégations de nettoyage ethnique à Tal Abyad et Hassaké ont cependant été rejetées par les YPG, qui ont indiqué qu’elles cherchent à éviter de faire des victimes parmi les civils.

Selon Hassan Hassan, chercheur associé à Chatham House et co-auteur de EI : à l’intérieur de l’armée de la terreur, « les accusations portées contre les forces kurdes sont en partie véridiques et en partie exagérées [par les sympathisants de l’État islamique] ».

De même, il n’est peut-être pas surprenant de constater que certaines milices kurdes profitent du chaos dans la région pour redessiner les frontières ethniques en leur faveur, comme cela semble être le cas en Irak, où les forces peshmergas ont repris des positions abandonnées par l’armée nationale face à l’avancée de l’État islamique dans le nord du pays.

En outre, selon un rapport de Human Rights Watch, « les forces kurdes irakiennes ont confiné des milliers de résidents arabes dans des "zones de sécurité" dans les régions du nord de l’Irak dont elles ont repris le contrôle depuis août 2014 en chassant les combattants du groupe extrémiste État islamique ».

« Cela fait plusieurs mois que les forces kurdes empêchent des résidents arabes qui avaient été déplacés par les combats de retourner chez eux dans des secteurs des provinces de Ninive et d’Arbil, tout en autorisant les Kurdes à revenir dans ces régions et même à s’installer dans les maisons de résidents arabes qui avaient dû fuir », a ajouté le rapport.

Des réfugiés syriens fuient vers la frontière turque pour échapper aux combats alors que les forces kurdes avancent vers la périphérie de la ville syrienne de Tal Abyad, contrôlée par l’État islamique (MEE/Ibrahim Khader)

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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