Des musulmanes s'expriment sur le port du hijab en Europe
Dans le contexte des récentes controverses sur l'islamophobie en Europe, Middle East Eye a voulu faire partager l’expérience de femmes portant le hijab (le voile musulman) sur le continent.
Les réponses obtenues sont très variées, d’une « expérience généralement positive » à un sentiment « parfois inconfortable ». Lisez les témoignages de ces musulmanes européennes qui ont souhaité s’exprimer sur leur expérience.
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Dr. Munazzah Chou
Je porte le hijab au Royaume-Uni depuis l'âge de 16 ans (depuis plus de 10 ans et demi) et cela ne m'a jamais valu de réactions franches d'hostilité. J'ai senti, à de rares occasions, que l'on me regardait avec mépris, mais ce fut plutôt exceptionnel. La plupart du temps, je constate juste que les gens se méfient un peu, au moins au début.
Je travaille pour le National Health Service, le système de santé public. Selon moi, c'est un employeur très arrangeant. J'ai eu des difficultés dans un seul hôpital, à cause de quelques infirmières du bloc opératoire qui avaient un problème avec mon hijab. Elles l’ont présenté comme une question de sécurité clinique mais l'expérience m'a amenée à conclure que par endroit, un certain degré de préjudice persiste encore. (Royaume-Uni)
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Sara Chaudhry
J'ai décidé de porter le hijab lorsque j'avais 21 ans. Je ne pensais pas à l'impact extérieur qu'aurait ce changement de style de vie jusqu'à ce que j'en fasse l'expérience. On m'a souvent demandé pourquoi je portais le hijab. J'ai toujours été ravie de répondre mais je me suis rendue compte que ces questions étaient accompagnées de l'idée préconçue de la « femme musulmane oppressée ». En fait, porter le hijab dans mon entourage m’a renforcée. Je suis actuellement étudiante en maîtrise à Londres, et mon expérience du port du hijab est généralement positive. C'est sûrement dû à la diversité et au multiculturalisme de Londres. (Royaume-Uni)
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Hélène Agésilas
En France, en tant que musulmane pratiquante, il n'est pas facile de concilier vie professionnelle et engagement religieux.
Malgré mon important bagage universitaire, il m’a été extrêmement difficile de trouver un emploi, en particulier depuis les événements tragiques qui se sont déroulés à Paris en janvier dernier (la fusillade de Charlie Hebdo). De nombreux employeurs perçoivent l'islam de manière négative et hésitent à embaucher des femmes musulmanes qui portent le hijab, de crainte qu'elles ne nuisent à l'image de la société. Les choix qui s'offrent à nous sont soit de rester à la maison, soit d'accepter n'importe quel emploi, même s’il ne correspond pas à nos aspirations ou à notre niveau de qualification.
Désireuses de réaliser nos propres aspirations, une amie et moi avons décidé il y a un an de nous associer et de fonder notre propre entreprise en créant Fringadine, la première marque française de prêt-à-porter haut de gamme dédiée aux femmes musulmanes. La popularité de Fringadine croît de plus en plus en France et à l'échelle internationale. (France)
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Kawtar Boughroum
Porter le hijab en Espagne peut s'avérer parfois inconfortable, tellement inconfortable que l'on commence à se dire : « Pourquoi cela gêne tant les gens que je me couvre la tête ? ». Les premières années ont été horribles car j'entendais des commentaires du type : « Retourne dans ton pays », « Enlève ce pagne », « Ma pauvre, pourquoi portes-tu ça sur la tête ? » et d'autres encore. Bien que la société ait évolué, on constate encore de nombreux regards révoltants qui expriment la honte et le dégoût envers les musulmanes. En Espagne, on trouve encore des gens incapables d'accepter que tout le monde ne s'appelle pas Garcia ou Lopes. (20 ans, étudiante en journalisme à l'université King Juan Carlos en Espagne)
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Khadijah Safari
Mon hijab est l'une des choses qui suscitent des regards choqués chez les gens, généralement suivis d'une expression quelque peu confuse. En général, cela se produit lorsqu'ils se rendent compte que non seulement je parle anglais, mais surtout que je le parle avec un accent britannique. Entendre que mon père n'est pas arabe mais italien fait naître la confusion sur leur visage, mais la véritable rupture se fait sentir lorsqu'ils me demandent ce que je fais ou où je vais (c'est avec ce genre de questions que les chauffeurs de taxis engagent une conversation polie). Ils ne s'attendent pas à ce que je leur dise que je m'en vais enseigner la boxe thaïlandaise et les MMA (arts martiaux mixtes). Ils lancent généralement un second coup d’œil dans le rétroviseur pour vérifier qu'ils ont bien vu la première fois et que j'ai toujours mon hijab sur la tête, que ce n'était pas simplement pour me protéger de la pluie ! (Royaume-Uni)
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Fadumo Ali
En tant que Londonienne, née et élevée à Londres, je peux dire sans hésiter que je n’ai jamais fait l’objet d’attaques islamophobes à cause de mon hijab. Quand j’ai commencé à aller au collège, les autres élèves me voyaient comme une extraterrestre, car j’habitais alors dans un quartier plutôt raciste. Mon hijab intéressait parfois les autres enfants, qui me posaient naturellement plein de questions, parfois pertinentes, parfois stupides (« Est-ce que tu gardes ton hijab quant tu te douches ? Qu’est-ce qui se passe si tu l’enlèves ? »). En grandissant, les non-musulmans savaient que le fait de porter un hijab signifiait que j’étais une musulmane pratiquante, donc ils savaient que je n’avais pas le droit de les accompagner dans les bars et les discothèques (ce qui était une très bonne chose, pour être tout à fait honnête). Londres est une ville très diversifiée, il y a des gens de toutes les religions et de toutes les origines ethniques, donc porter le hijab ici n’est pas un problème. Cela ne m’empêche pas de faire ce que je veux, et je n’ai pas peur de le porter. On se sent en sécurité à Londres quand on porte le hijab. (Royaume-Uni)
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Yasmien N.
J’ai commencé à porter le hijab il y a près de trois ans. Je n’ai pas souffert de l’interdiction du voile pendant mes études car elle s’applique seulement aux écoles, collèges et lycées et pas aux universités. Par contre, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver un travail/stage. Bien sûr, il était hors de question de baisser les bras. Le hijab fait partie de ma personnalité. C’est une partie de qui je suis et c’est mon choix. Je ne peux accepter que ma personnalité soit opprimée. Actuellement, je suis en stage chez Microsoft et je suis ravie.
Mon hijab m’a permis de réaliser à quel point il est important d’être indépendante et de me débrouiller toute seule. J’espère pouvoir bientôt devenir ma propre patronne et créer ma propre société. (Belgique)
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Shaheen Sattar
Un jour, un serveur qui semblait s’intéresser à l’actualité m’a demandé au beau milieu d’une conversation anodine, comme s’il me demandait de choisir entre le riz ou la salade : « Votre hijab, vous avez choisi de le porter ou on vous a forcée ? ». On me regarde bizarrement dans le métro de Londres, avec méfiance. Le hijab est devenu un outil politique. Le fait que je le porte a un effet potentiel sur un certain nombre de musulmanes à travers le monde. Mon hijab est devenu la propriété de tous. Alors je souris aux passagers dans le métro, même quand je suis de mauvaise humeur. (Royaume-Uni)
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Shahnaaz Abdul Salaam
Je me suis convertie à l’islam en 2001 et porter le hijab a été facile pour moi. En tant que blanche convertie à l’islam, quand j’ai commencé à le porter, je craignais le pire, surtout après les attentats du 11 septembre, qui avaient eu lieu un mois après ma conversion. Mais j’ai eu l’agréable surprise de constater que les gens me traitaient normalement. Je n’arrêterai jamais de porter le hijab parce qu’il est devenu une part de moi-même, du point de vue tant spirituel que personnel. (Royaume-Uni)
Traduction de l’anglais (original).
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