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Egypte : l’anniversaire de la révolution entaché par la mort de manifestants

Au moins dix-neuf personnes on perdu la vie dans des échauffourées à l’occasion de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011
Des Egyptiens manifestent dans le quartier Ain Shams au Caire pour marquer le 4e anniversaire de la révolution, 25 janvier 2015 (AA).
Au moins dix-neuf personnes, dont un policier, auraient été tuées lors d’échauffourées survenus en Egypte dimanche alors que le pays marquait le quatrième anniversaire du soulèvement de 2011. 82 personnes ont été blessées et 429 autres ont été arrêtées.
 
« C’est l’enterrement de la révolution [de 2011]” a déclaré Mamdouh Hamza, une figure anti-Moubarak célèbre au correspondant de l’AFP au Caire.
 
 
“Les assassins tuent, puis se joignent au cortège funèbre. Rien ne s’est amélioré, rien n’a changé depuis la prise de pouvoir [du président Abdul Fattah al-] Sissi. »
 

Onze manifestants ont perdu la vie dans les confrontations qui ont éclaté dans les quartiers de Matareya, Ain Shams et Haram au nord du Caire, et un autre dans la ville méditerranéenne d’Alexandrie, a indiqué un représentant du ministère de la Santé à l’AFP.

Le ministre de l’Intérieur a ajouté qu’un policier avait également été tué à l’arme à feu par des manifestants au cours de confrontations advenues au nord de la capitale. Selon un membre des forces de l’ordre, qui a demandé à garder l’anonymat, des hommes armés non identifiés auraient ouvert le feu sur une voiture de police patrouillant sur une route du sud du Caire, tuant deux conscrits. Des rapports publiés plus tard dans la nuit ont précisé que ces deux hommes étaient en fait seulement blessés.

 
 
Au centre du Caire, la police a tiré à coups de fusils et de bombes lacrymogènes sur les manifestants, cherchant à disperser les centaines d’entre eux qui essayaient de se rendre place Tahrir, l’épicentre de la révolte de 2011 qui a chassé du pouvoir l’autocrate Hosni Moubarak.
 
Quelques heures plus tôt, deux militants s’étaient fait exploser par erreur alors qu’ils tentaient de saboter une tour d’alimentation électrique dans le delta du Nil.
 
Un policier avait également été blessé dans une explosion de faible amplitude dans la capitale, revendiquée par le groupe militant Ajnad Misr (« soldats d’Egypte »).
 
Les autorités ont renforcé la sécurité au Caire et dans d’autres villes du pays suite à l’appel à manifester contre le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi, l’ancien chef des forces armées qui a évincé du pouvoir le premier président librement élu d’Egypte, Mohamed Morsi, en juillet 2013.
 
Les miliciens – critiques tant de Sissi que de Morsi – ciblent régulièrement les forces de sécurité depuis l’éviction de ce dernier, causant la mort de dizaines de policiers et de soldats. 
 
Le mouvement des Frères musulmans égyptiens a déclaré dimanche qu’il avait organisé 230 manifestations à travers le pays pour marquer le soulèvement du 25 janvier.
 
« Briser l’emprise du coup militaire n’est qu’une question de temps », a déclaré le nouveau porte-parole de la confrérie, Mohamed Montasser, dans un clip audio diffusé sur la chaine de télévision favorable aux Frères musulmans, Masr Al-An (« Egypte maintenant »), située hors d’Egypte.
 
Orla Guerin, une journaliste de la BBC qui couvrait les événements depuis Ain Shams, a déclaré que des officiers de police en civil avaient prévenu son équipe de télévision qu’ils leur tireraient dessus s’ils filmaient dans la zone.
 
Les forces de sécurité égyptiennes ont scellé la place Tahrir samedi soir, bloquant ses accès à l’aide de fils barbelés et de blindés. La zone était interdite aux manifestants.
 
La tension est montée d’un cran à l’approche de la date anniversaire de la révolution. Samedi, une manifestante a été tuée dans des échauffourées avec la police au cours d’une manifestation de sympathisants de gauche tenue au centre du Caire.
 
Shaima al-Sabbagh, 34 ans, mère d’un garçon de cinq ans, est décédée de blessures causées par un tir de chevrotines, selon un porte-parole du ministère de la Santé.
 
Les camarades de la jeune femme ont déclaré qu’elle avait été victime d’un tir de chevrotines lorsque la police faisait feu pour disperser la marche. Le procureur a lancé une investigation sur les causes de sa mort, mais dément qu’elle ait été tuée par les forces de sécurité.
 
Dimanche, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de sa ville natale, Alexandrie, pour participer à un immense cortège funèbre.
 
Une manifestante de 17 ans, Sondos Reda Abu Bakr, a également été tuée vendredi dans des affrontements à Alexandrie.
 
Le Premier ministre Ibrahim Mahlab a indiqué qu’une enquête serait menée sur les causes de la mort de Shaima al-Sabbagh, et a promis que « quiconque a commis une erreur sera puni, qui que ce soit ».
 
Un haut représentant du ministère de l’Intérieur a nié que la police avait fait usage de tirs de chevrotines pour disperser les manifestants.
 
 « Aucune arme, qu'il s'agisse de fusils à chevrotines ou à balles de caoutchouc, n'a été utilisée. Il s'agissait d'une petite manifestation qui ne nécessitait pas le recours à de telles armes. Il n'y a eu que deux tirs de gaz lacrymogènes», a déclaré à l’AFP Abdel Fattah Osman, conseiller du ministre de l’Intérieur.
 
Les confrontations ont éclaté plusieurs heures avant la diffusion par la télévision d’Etat d’un discours préenregistré du président Abdel Fattah al-Sissi marquant le quatrième anniversaire du soulèvement populaire.
 
« Je salue tous nos martyrs, depuis le début, le 25 janvier [2011] jusqu’à présent », disait Sissi dans son discours, qui semble avoir été enregistré dans le palais présidentiel avant que le président égyptien ne s’envole pour l’Arabie saoudite pour présenter ses condoléances suite au décès du roi Abdallah.
 
La police avait prévenu qu’elle affronterait « fermement » les manifestations de dimanche. Elle disperse fréquemment les rassemblements organisés par les partisans de Morsi.
 
La révolte contre Moubarak avait éclaté le 25 janvier 2011. Des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues du pays pendant dix-huit jours, jusqu’à ce qu’ils obtiennent la démission du président.
 
Les protestes contre Moubarak avaient été alimentées par les abus de la police et la corruption qui a gangrené son gouvernement pendant ses trois décennies au pouvoir.
 
Plusieurs activistes, y compris ceux qui ont mené la révolte contre Moubarak, accusent Sissi de reproduire certains aspects du règne de l’ancien autocrate.
 
L’anniversaire du soulèvement fait suite de seulement quelques jours à la libération, ordonnée par un tribunal, des deux fils de Moubarak, Gamal et Alaa, en attente d’un nouveau procès pour corruption impliquant également leur père.
 
Un autre tribunal a rejeté les accusations portées contre Moubarak pour la mort de manifestants durant les dix-huit jours du soulèvement de 2011.
 
Le mouvement des Frères musulmans égyptiens a nominé samedi son nouveau porte-parole, Mohamed Montasser. C’est le premier à occuper ce poste depuis l’éviction de Morsi. 
 
Traduction de l’anglais (original).
 
https://www.youtube.com/watch?v=cHW4bnP28Uo
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