EN IMAGES : L’ouverture d’un palais égyptien historique réveille mythes et légendes
Depuis sa réouverture le 30 juin, les visiteurs affluent dans le quartier d’Héliopolis au Caire pour avoir la chance d’enfin pénétrer dans l’iconique palais du baron Empain, désormais également un musée du patrimoine local.
Le palais, inspiré par les temples hindous, tombait en décrépitude jusqu’à ce que mi-2017, le gouvernement égyptien lance un projet de restauration de 10,9 millions de dollars (Salwa Samir)
Le palais a été construit entre 1907 et 1911 par le baron Édouard Empain (1852-1929), un industriel belge, pour en faire son domicile. L’une de ses caractéristiques uniques est son éclectisme de style Beaux-Arts – qui combine des siècles de tradition européenne – et ses frappants motifs indiens et khmers.
Modelé sur le temple d’Angkor Vat au Cambodge et des temples hindous d’Odisha en Inde, ce bâtiment était devenu, au fil des ans, un emblème (Salwa Samir)
Millionnaire et ingénieur réputé, Empain voyageait entre l’Inde et l’Égypte, où il a décidé de s’installer définitivement au début du XXe siècle.
Empain, à qui on doit également la création du métro parisien, s’est vu accorder le titre de baron par le roi belge Léopold II en l’honneur de ses réalisations.
Le palais fut l’un des premiers bâtiments en Égypte à utiliser du béton armé. « Le palais comprend un ascenseur électrique, qui était encore une nouveauté à l’époque », indique à MEE la directrice du palais, Basma Selem. (Salwa Samir)
Le rez-de-chaussée comprend trois salles de réception, dont les corniches ornementales s’inspirent de la mythologie gréco-romaine.
Quatre chambres étaient situées aux étages supérieurs, conçues dans les styles rococo, baroque et islamique, chacune disposant d’une salle de bain privative.
Empain organisait souvent des fêtes somptueuses sur le toit, tandis que la cave accueillait la cuisine et les quartiers des domestiques. (Salwa Samir)
Conçu par l’architecte français Alexandre Marcel, le palais intègre des moulures ornementales inspirées des légendes hindoues et bouddhistes à l’extérieur. Une statue en béton armé coulé représente le Yali (ci-dessus), une créature mythique souvent sculptée dans les piliers des temples hindous pour se protéger contre le mal.
Empain avait été attiré par les expositions exotiques de l’Exposition universelle de Paris en 1900, y compris le pavillon cambodgien et le panorama du Tour du Monde que Marcel avait conçu. (Salwa Samir)
Le palais de 12 500 mètres carrés est resté en possession de la famille Empain jusque dans les années 1950, époque à laquelle il a été vendu aux enchères publiques.
En 2005, le gouvernement égyptien l’a acheté aux nouveaux propriétaires en échange d’une parcelle de terrain au Nouveau Caire. Dans le cadre de la restauration, le bâtiment a été peint dans sa couleur d’origine – terre de sienne brûlée – qui avait disparue avec le temps. (Reuters)
La directrice du palais, Basma Selem, a déclaré qu’avant la mi-2017, le bâtiment n’avait jamais été entretenu ou rénové. « Une restauration du palais était absolument nécessaire », rapporte-t-elle. « La décoration de l’entrée était tombée, tout l’escalier en marbre à l’intérieur et à l’extérieur du palais était cassé et des morceaux de plafonds étaient également tombés. » (AFP)
« Les fenêtres en verre du palais étaient brisées, donc malheureusement il était facile pour les pigeons et autres oiseaux ainsi que les chauves-souris de se nicher dans tous les coins du palais », ajoute Basma Selem. Beaucoup d’objets précieux ont été perdus, y compris une lourde porte intérieure en cuivre. « Certaines statues européennes dans les jardins du palais étaient également brisées. » (Reuters)
Dans les jardins du palais, on trouve des statues de marbre de style européen de la mythologie grecque et romaine, notamment une statue qui représente Narcisse par l’architecte français Antoine-Martin Garnaud (1796-1861).
Une statue non signée montre la nymphe Amalthée (ci-dessus), qui dans la mythologie romaine s’occupait de Jupiter enfant, le roi des dieux, qui se cachait de son père Saturne. Il s’agit d’une copie d’une statue du sculpteur français Pierre Julien (1731-1804) exposée au Louvre à Paris. (Salwa Samir)
Le palais est devenu – et peut-être était-ce inévitable – l’objet d’un certain nombre de mythes et de légendes, y compris d’une histoire populaire affirmant qu’il est hanté. « Les visiteurs croient que le palais est hanté par l’esprit de la sœur du propriétaire, qui serait morte en tombant du balcon selon eux, son esprit errant dans le palais », explique Basma Selem. « Ils affirment que les habitants l’entendent crier tous les soirs. Ces fables sont absurdes, bien entendu. »
D’autres affirment qu’un incendie a éclaté une nuit dans l’une des chambres du palais, mais a été éteint par une main mystérieuse. (AFP)
En 1894, Empain obtient la concession de la construction du premier réseau de tramway public au Caire. Cela a conduit à son grand projet immobilier à 10 km au nord-est du centre du Caire : Héliopolis, un nom grec signifiant « ville du soleil ».
En 1905, Empain et son partenaire d’affaires Boghos Nubar (1851-1930), le fils du premier Premier ministre égyptien Nubar Pacha, ont acheté les 2 500 hectares de désert pour construire Héliopolis, qu’Empain envisageait comme une ville jardin luxuriante au milieu d’une terre aride. (page Facebook HistoricCairo)
Gamal Abdel-Rehim, professeur d’archéologie et d’arts islamiques à l’Université du Caire, précise à MEE que l’histoire de la création d’Héliopolis a en fait débuté dans les années 1860, le khedive Ismaïl Pacha (qui a gouverné l’Égypte entre 1863 et 1879) était fasciné par la ville moderne de Paris et rêvait de transformer le Caire en un « Paris sur le Nil ».
« En 1900, le khedive a réussi à transformer le Caire historique et médiéval en un nouveau quartier du centre-ville de style occidental en construisant un opéra, des hôtels, des banques et des grands magasins », explique Abdel-Rehim, ajoutant qu’à mesure que le Caire se modernisait et prospérait, les prix du foncier excédaient ceux de Bruxelles et de Paris : « Empain a ainsi été contraint d’acheter des terres bon marché dans le désert aride. C’était une sage décision. » (page Facebook HistoricCairo)
L’architecte belge Ernest Jaspar (1876-1940) a conçu Héliopolis dans une synthèse de l’architecture islamique, européenne, persane et mauresque. « Il a conçu le quartier autour de larges avenues et l’a équipé de toutes les commodités et infrastructures telles que l’eau, les égouts, l’électricité, les installations hôtelières et même certaines installations de loisirs comme un terrain de golf, un hippodrome et un parc d’attractions », détaille Abdel-Rehim.
Aujourd’hui, le nouveau palais du baron Empain comprend une exposition de cette histoire d’Héliopolis, y compris un vieux tramway exposé dans le jardin ainsi que deux voitures des années 1940 et 1950. Le quartier lui-même n’est plus le havre serein qu’a connu Empain mais il reste moins peuplé et plus riche que la capitale. (Salwa Samir)
En 1929, Empain a été enterré dans la basilique d’Héliopolis, qu’il avait construite près de son palais – témoignage d’une vie de dévotion envers ce pays, estime Abdel-Rahim.
« Le baron Empain aimait l’Égypte. Des générations de gens célèbrent sa vie en visitant le palais et d’autres monuments de son quartier, dit-il, témoins de sa réussite dans le pays. » (Salwa Samir)
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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