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EN IMAGES – À la recherche des « harragas fantômes » qui hantent les côtes siciliennes

Sur la côte ouest sicilienne, des dizaines de bateaux vides, qui appartenaient à des pêcheurs tunisiens, jonchent les plages. Ce sont les témoins silencieux des « débarquements fantômes » de migrants
Un bateau sur la plage de Siculiana, placé sous séquestre par les autorités judiciaires d’Agrigente, le 6 septembre 2017. Personne n’a vu arriver le bateau, mais après quelques heures, la police fiscale a trouvé de jeunes Tunisiens cachés entre la plage et le village de Siculiana (MEE/Alessio Mamo)

AGRIGENTE, Sicile, Italie – Ils étaient plus de 6 000 migrants tunisiens en 2017 et un peu plus de 5 000 en 2018 à débarquer de nuit sur la côte ouest de la Sicile selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHRC).

Médias et ONG appellent ces opérations d’immigration non régulière les « débarquements fantômes » car, le lendemain, on ne retrouve près des plages que des bateaux vides et des vêtements éparpillés sur la rive. 

Selon des analyses et recherches, la plupart de ces citoyens tunisiens auraient indirectement profité de la crise de la pêche en Tunisie provoquée par l’apparition du crabe bleu (appelé aussi Daech à cause de sa voracité et son aptitude à détruire les filets de pêche). 

Avant de devenir une source lucrative pour les pêcheurs durant les premiers mois de 2018, le crabe bleu a poussé de nombreux professionnels de la mer à vendre leurs bateaux. Ce sont ces embarcations qui transportent les harragas vers la Sicile. 

Souvent, les jeunes migrants n’ont pas recours à des passeurs et s’organisent entre eux pour mener à bien la traversée, selon un pêcheur de Zarzis, ville de Tunisie frontalière avec la Libye. 

Alors que dans l’ensemble, le nombre d’arrivées en Italie diminue, les Tunisiens en quête d’emploi et de perspectives d’avenir sont toujours nombreux à tenter de se lancer dans la périlleuse traversée de la Méditerranée de manière illégale en direction de la péninsule.

Selon le ministère italien de l’Intérieur, plus de 4 500 Tunisiens sont arrivés clandestinement en Italie entre janvier et septembre, contre 6 092 en 2017.

La journaliste italienne Marta Bellingreri et le photographe sicilien Alessio Mamo, qui ont déjà travaillé ensemble, se sont rendus sur la plage de Torre Salsa sur la trace de ces volatiles harragas

Une fois qu’ils ont touché terre, les harragas se débarrassent rapidement de leurs habits avec lesquels ils ont fait la traversée pour enfiler des vêtements secs et se fondre dans l’environnement. La plage de Torre Salsa, au sud-ouest de la Sicile, en face de l’île de Pantelleria, appartient à la réserve naturelle de la province d’Agrigente. Sur cette plage, une vingtaine de débarquements fantômes ont été enregistrés. Cinq bateaux y ont été abandonnés. La plage se remplit de touristes en provenance de toute Italie pendant l’été et reste presque vide pendant l’hiver. Il arrive que des touristes assistent en direct à un débarquement et se retrouvent face à des migrants qui leur demandent de l’eau et des cigarettes. 

Un agent de la police fiscale cherche au milieu des arbres les jeunes harragas qui viennent d’arriver sur la plage de Siculiana. Cette police, aussi appelée Garde des finances, est une police douanière et financière. Elle fait partie des forces armées italiennes et s’occupe aussi des contrôles et de la lutte contre la contrebande, le trafic de drogues et l’immigration clandestine. Quand une embarcation fantôme est signalée, ce sont eux qui sont envoyés sur place.

Des jeunes harragas qui viennent d’arriver sur les côtes siciliennes de Torre Salsa s’enfuient dans les collines devant la plage, le 10 octobre 2017. Ils ont eu de la chance : selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 15 000 migrants se sont noyés en Méditerranée centrale depuis 2013. S’ils ne sont pas arrêtés par la police, ils poursuivent leur voyage, souvent vers la France. 

Vincenzo Marsala, un agent de la garde forestière près de la réserve naturelle de Torre Salsa, scrute la mer avec ses jumelles depuis sa cabine mobile. Leur mission : ils surveillent les réserves naturelles pour la prévention des incendies très fréquents pendant l’été. Leur rôle n’est pas de contrôler la migration illégale mais après ce sont eux qui alertent les autorités après des « débarquements fantômes ».

Après un « débarquement fantôme » sur l’île de Lampedusa, ces jeunes ont été déplacés de Lampedusa à Agrigente, où la police les a laissés partir avec une attestation d’expulsion, leur ordonnant de quitter le territoire italien dans un délais de sept jours. Sur cette photo, ils se dirigent vers la gare d’Agrigente pour poursuivre leur voyage. 

Ahmed (à gauche), 30 ans, plombier de la province de Mahdiya, en Tunisie, a quitté son pays pour chercher de meilleures conditions de travail en Italie. Après son « débarquement fantôme » à Lampedusa en octobre 2017, il a rejoint son ami d’enfance Ali (à droite) à Mazara del Vallo, dans la province de Trapani, avant de reprendre le voyage. Aujourd’hui Ahmed vit à Paris, sans papiers, alors que son ami Ali est resté à Mazara del Vallo, au milieu de la communauté tunisienne installée là depuis des décennies.

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